Énorme succès surprise de l’année 1987, Le grand chemin s’impose comme l’un des plus beaux films sur l’enfance. Du grand cinéma populaire, au sens noble du terme.
Synopsis : Abandonnée par le père de ses enfants, Claire, enceinte, confie son fils aîné Louis à un couple d’amis Marcelle et Pelo. Le petit Parisien doit apprendre à se familiariser avec l’ambiance de la campagne et l’atmosphère étrange qui règne dans le foyer du couple qu’un lourd secret sépare depuis des années. L’arrivée du petit garçon sera pour eux un nouveau départ.
Critique : Troisième long-métrage de Jean-Loup Hubert après deux petites comédies sympathiques (L’année prochaine si tout va bien en 1981 et La smala en 1984), Le grand chemin a assurément été le succès surprise de l’année 1987 en se hissant à la quatrième place du podium annuel. Ils ont ainsi été plus de trois millions de spectateurs à venir goûter le charme frais de cette évocation nostalgique d’une enfance à la campagne alors que le film événement sorti la même semaine était le Platoon d’Oliver Stone (c’est d’ailleurs celui-ci qui l’emporta sur Paris, mais pas en province). Rétrospectivement, on peut estimer que les fées se sont penchées sur le berceau de cette très jolie comédie dramatique qui reste et demeure le meilleur film de son auteur à ce jour.
Basé sur les souvenirs d’enfance de Jean-Loup Hubert, le scénario déroule de manière très classique une narration linéaire nous invitant à suivre les vacances à la campagne d’un petit parisien pendant que sa mère accouche en ville. L’auteur confronte ainsi le monde de la ville et celui de la campagne à une époque – la fin des années 50 – où la césure entre ces deux univers était flagrante. Le gamin venu de la capitale découvre ainsi un monde plus proche de la nature, mais aussi plus brut et parfois intimidant.
D’abord gagné par l’angoisse de se retrouver chez des inconnus, le petit de 9 ans va peu à peu s’adapter à ce nouvel environnement tout en apprenant quelques vérités sur la vie. Jean-Loup Hubert déroule donc ici un classique récit d’apprentissage, toutefois enrichi d’un drame secouant le couple formé par Anémone et Richard Bohringer. Le spectateur s’aperçoit que la présence du gosse agit petit à petit comme un révélateur des fractures au sein d’un couple brisé par un drame que nous ne dévoilerons pas ici.
Au-delà de sa mise en scène, classique, mais soucieuse d’efficacité, c’est la qualité d’écriture qui impose la différence entre ce long-métrage et certains produits estampillés « qualité française ». Effectivement, lorsqu’il aborde les doutes et angoisses des enfants, Jean-Loup Hubert procède intelligemment en restant toujours à hauteur de gamin. Ainsi, s’ils ne comprennent pas toujours tout ce qui se passe entre adultes, les enfants n’en ressentent pas moins avec force toutes les tensions et les non-dits.
Le réalisateur l’illustre de manière brillante, d’autant que les portraits des adultes sont également finement ciselés. Jamais réduits à des caricatures ou des clichés (sauf peut-être le curé à côté de la plaque qui semble là pour faire sourire), les différents personnages ont une existence propre et complexe qui dépasse le simple cadre du film et déborde en quelque sorte sur le hors-champ. Ce n’est pas la moindre qualité d’une œuvre multipliant les séquences amusantes, les dialogues vifs et drôles, tout en bouleversant progressivement sans tomber dans le mélodrame lacrymal.
Cette belle écriture est servie par d’excellents acteurs dont le petit Antoine Hubert (fils du réalisateur que l’on a revu par la suite dans tous les films de son père jusqu’en 1993, avant qu’il ne disparaisse définitivement de toute vie publique) et la jeune Vanessa Guedj dont le naturel dynamite toutes les scènes où elle apparaît. Du côté des adultes, Anémone livre ici la prestation la plus remarquable de sa carrière, et ceci malgré d’importantes tensions sur le tournage. Même constat pour Richard Bohringer qui parvient à bouleverser le spectateur sans jamais en faire trop. Les deux furent d’ailleurs judicieusement récompensés par un César du meilleur acteur en 1988.
Souvent comparé – à juste titre – à Jeux interdits de René Clément, Le grand chemin est effectivement l’un des plus beaux films français sur l’enfance. Trente ans après, il n’a rien perdu de son pouvoir de séduction et demeure donc un petit classique indémodable et un véritable coup de cœur.
Critique de Virgile Dumez