Philippe Clair est l’un des maîtres du cinéma dit franchouillard qui a sévi pour le bonheur d’un public large dans les années 70-80. Méprisé par la presse et la critique, il demeure un auteur de l’exploitation du rire qui a forgé le patrimoine français avec de vrais succès populaires au cinéma, mais aussi à la télévision où ses films ont largement été diffusés.
Top Box-office :
- La grande java : 3 385 636
- Plus beau que mois-tu meurs : 3 264 775
- Tais-toi quand tu parles : 2 009 653
- Comment se faire réformer : 1 963 906
- La brigade en folie : 1 712 400
- La grande mafia : 1 104 447
- La grande Java 1 104 447
- Les réformés se portent bien : 958 263
- Par où t’es rentré, on t’a pas vu sortir : 823 230
- Déclic et des claques : 648 106
- Si tu vas à Rio tu meurs : 493 208
- Le Führer en folie : 459 344
- Le grand fanfaron : 266 269
- Si t’as besoin de rien… Fais moi signe !! : 82 319
- L’aventure extraordinaire d’un papa peu ordinaire : 50 310
Philippe Clair, Claude Zidi et les autres…
Moins connu que Claude Zidi qui s’est distingué en prenant un virage plus consensuel (Les ripoux, Associations de malfaiteurs, Deux), Philippe Clair a pourtant généré plus de 18 millions d’entrées, essentiellement entre 1971 et 1984. Le réalisateur de l’inénarrable Le führer en folie, avec Sapritch, Henri Tisot et Galabru, demeure toutefois un cinéaste du rire facile et de la générosité humoristique plus populaire que Christian Gion (voir article sur le cinéaste ici), Richard Balducci (Trop jolies pour être honnêtes, Prends ta Rolls et va pointer, On l’appelle catastrophe) et Michel Gérard (Soldat Duroc, ça va être ta fête, Arrête ton char bidasse !), trois autres artisans d’un genre provincial mal aimé dont les œuvres allaient disparaître au milieu des années 80.
Rajeunissement du public, sophistication des programmes via des effets spéciaux et des thématiques plus américaines, lancement de Canal+, fermeture des salles de village lors d’une crise du cinéma historique qui a enterré le kung-fu, les comédies érotiques, le X, les nanars, dont les fameuses comédies franchouillardes qui allaient devoir se contenter des nouvelles plateformes comme La 5 et M6 pour triompher en prime time.
Devenu le symbole même de ce type de cinéma, grâce aux multi-rediffusions de ses programmes, Max Pécas, dont les comédies ne bénéficiaient pas des mêmes vedettes comiques et réalisaient bien moins d’entrées que celles de Philippe Clair, a lui-même dû décrocher en 1987 après le désastreux score d‘On se calme et on boit frais à Saint-Tropez.
1986-1990 : le grand nettoyage
Pour Philippe Clair, le film de trop sera son énième collaboration avec Aldo Maccione. Les deux compères qui avaient triomphé avec La grande maffia, Tais-toi quand tu parles et Plus beau que moi tu meurs, avaient largement décliné en 1987 avec Si tu vas à Rio… Tu meurs. Mais en 1990, L‘aventure extraordinaire d’un papa peu ordinaire, s’abîme à 50 000 nostalgiques. Un pan de cinéma s’est effondré. Même Bud Spencer et Terence Hill ne font plus recette. Delon, avec L’ours en peluche, en 1994, c’était 10 895 entrées France. La France d’avant est morte avec les campagnes.
Cette phase sera forcément difficile pour le cinéaste Philippe Clair, qui ne pourra pas, contrairement à Zidi, sursauter avec des comédies d’un autre calibre comme La totale (1991).
Celui qui réalisa son premier long en 1965, Déclic et des claques, avec Annie Girardot, a mis toute sa bonne humeur pied-noir au service d’un humour national qui ne traversera jamais les frontières. Nos voisins avaient leurs propres spécialistes du rire lourdingue. Et aucun James Cameron ne viendra remaké un film de Philippe Clair, contrairement à Zidi qui a même obtenu le César avec Les ripoux.
Philippe Clair a dirigé des grands, comme Jerry Lewis, en fin de carrière française, en 1984 (Par où t’es rentré ? On t’as pas vu sortir), ou les Charlots (La grande java). Sa liste de vedettes par film était longue, même si certains titres connurent l’échec : Rodriguez au pays des merguez en 1980 (version pied-noir du Cid), ou Ces flics étranges… venus d’ailleurs. Le public préférait les voir dans du comique troupier (Comment se faire réformer et Les réformés se portent bien, en 1978) : deux gros succès du box-office.
Papy fait de la résistance… et il a bien raison
Le journaliste Gilles Botineau accompagne beaucoup le réalisateur dans les années 2010, lui consacrant un documentaire carrière (Plus drôle que lui, tu meurs) avec la complicité du cinéaste ; il signe aussi un ouvrage sur Maccione qui croise souvent les chemins de Clair. Botineau éditera d’ailleurs un ouvrage d’entretiens autour de l’œuvre de Philippe Clair, film par film. Le cinéaste aux portes des 90 ans, était très présent sur les réseaux sociaux malgré son grand âge. Il aimait faire rêver les nostalgiques de son cinéma suranné qui a pourtant offert de vrais rêves de mômes à de nombreux spectateurs alimentés à la culture populaire.
Mort d’un cinéaste éminemment “authentique”
Le cinéaste décède le 28 novembre 2020, à l’âge de 90 ans. On aurait aimé le voir vivant pour vivre la parution d’Authentiques mais vrai de Gilles Botineau. En attendant, on peut encore se ruer sur l’autobiographie de ce gentleman pied-noir, qui avait signé l’ouvrage de sa vie en 2014 (Quel métier étrange !).
On espère désormais que son œuvre tristement restée à l’écart du marché du DVD pendant plus de vingt ans puisse ressortir de l’ombre. Le cinéma de Philippe Clair, hors des copies VHS qui traînent sur la plateforme YouTube, est très difficilement accessible pour les fans. Son plus grand souhait était l’édition vidéo d’une intégrale. Il le méritait bien, son public aussi.