Grande dame du cinéma français, vedette des années 40 et 50, active de 1937 à 2014, Micheline Presle a tourné avec les plus grands, d’Abel Gance à Alain Resnais, en passant par des films de Becker, Autant-Lara, Losey… Elle est la mère de la réalisatrice Tonie Marshall.
Le vedettariat des années 40 et 50
Micheline Presle débute au cinéma en 1937 et devient très vite une jeune première remarquée, dirigée par Georg Wilhelm Pabst dans Jeunes filles en détresse (1939).
Les années 40 la voient devenir grande vedette du cinéma français. Si l’on considère l’exil américain de Michèle Morgan pendant la guerre et le passage à vide de Danielle Darrieux dans les premières années d’après-guerre, Presle est l’actrice de sa génération la plus prestigieuse de la décennie.
Son talent dramatique et sa beauté sont appréciés dans le mélodrame Paradis perdu (1940) d’Abel Gance, le drame Félicie Nanteuil (1942) de Marc Allégret, la romance onirique La nuit fantastique (1942) de Marcel L’Herbier, mais aussi le drame satirique Boule de Suif (1945) de Christian-Jaque, d’après deux nouvelles de Maupassant.
Jeune fille ou jeune femme, parfois hésitant entre les deux, elle trouve les meilleurs rôles de cette période sous la direction de Jacques Becker et Claude Autant-Lara. Pour le premier, elle est exquise dans le drame romanesque Falbalas (1944), situé dans le monde de la haute couture.
Pour le second, elle est à jamais Marthe dans Le diable au corps (1947), d’après le roman de Raymond Radiguet, avec Gérard Philipe, alors débutant, et que Micheline Presle avait réussi à faire engager. Ce récit de l’épouse d’un militaire au front qui noue une relation amoureuse avec un lycéen suscite le scandale dans la presse de droite et au sein de l’armée, mais vaut un triomphe à ses deux interprètes.
Hollywood propose alors un contrat à Micheline Presle. L’actrice rejoint les studios, mais sa carrière américaine est un coup d’épée dans l’eau et elle ne fait rien de marquant, à l’exception de Guérillas (1950), « le plus mauvais film de Fritz Lang » selon Pierre Rissient. Aux États-Unis, elle épouse le réalisateur William Marshall, ex-époux de Michèle Morgan, et père de sa fille, la réalisatrice et actrice Tonie Marshall (1951-2020).
De retour en France en 1953, Micheline Presle se maintient en tête d’affiche mais ne retrouvera pas son statut des années 40. Pourtant, elle bouleverse dans L’amour d’une femme (1954) de Jean Grémillon. Dans ce beau film féministe, en avance sur son temps, elle incarne une femme médecin qui s’installe sur une île bretonne, et doit faire face à un dilemme professionnel et sentimental. Mais le métrage est un échec, un de plus pour l’un des grands cinéastes français maudits.
Des années 50, on peut retenir aussi sa composition de Madame de Pompadour dans Si Versailles m’était conté (1954) de Sacha Guitry (un parterre de stars est au générique, mais seule la photo de Micheline Presle est sur l’affiche officielle), et le polar britannique L’enquête de l’inspecteur Morgan (1959) de Joseph Losey. Elle tourne aussi à Cinecittà, mais dans des bandes mineures signées Carmine Gallone ou Riccardo Freda.
Micheline Presle, grande dame à la filmographie impressionnante
Dans les années 60 et les décennies qui suivent, Micheline Presle est toujours très présente dans le cinéma français, mais désormais davantage pour des seconds rôles, et alterne films d’auteur et cinéma commercial.
Elle donne la réplique à Jean Gabin dans Le baron de l’écluse (1960), de Jean Delannoy, cinéaste académique qui l’avait déjà dirigée dans le très moyen Les jeux sont faits (1947), sur un scénario de Jean-Paul Sartre.
On peut la préférer en maîtresse ambiguë de Mastroianni dans L’assassin (1961) d’Elio Petri, en mère supérieure bienveillante dans La Religieuse (1966) de Jacques Rivette, ou en maquerelle internée dans le méconnu Roi de cœur (1967) de Philippe de Broca.
Cette seconde partie des années 60 la voit connaître un regain de popularité, avec le triomphe de la série télévisée Les saintes chéries (1965-70), où elle a pour partenaire Daniel Gélin.
Les années 70 et 80 la voient multiplier les seconds rôles : Reine rouge dans Peau d’âne (1970) de Jacques Demy, comtesse dans Le diable dans la tête (1972) de Sergio Sollima, galeriste dans En haut des marches (1983) de Paul Vecchiali, faiseuse d’anges dans Le sang des autres (1984) de Claude Chabrol, ou mère de Depardieu dans I Want to Go Home (1989) d’Alain Resnais, pour lequel est nommée au César de la meilleure actrice dans un second rôle.
En même temps, le jeune cinéma français la réclame et elle se retrouve en tête d’affiche pour des films d’auteur, dont Certaines nouvelles (1980) de Jacques Davila, Beau temps mais orageux en fin de journée (1986) de Gérard Frot-Coutaz, Le jour des rois (1991) de Marie-Claude Treilhou (dans un double rôle) ou Je m’appelle Victor (1992) de Guy Jacques.
De 1994 à 2014, on la voit aussi dans des films de sa fille Tonie Marshall, de Pas très catholique à Tu veux ou tu veux pas, en passant par le célèbre Vénus Beauté (Institut), en 1999.
Au cours des deux dernières décennies de sa carrière, elle est également dirigée par Francis Girod, Jean-Claude Biette, Merzak Allouache ou Hugo Gélin, et remplace au pied levé Danielle Darrieux dans HH, Hitler à Hollywood (2011) de Frédéric Sojcher.
Micheline Presle a eu également une brillante carrière à la scène, aussi à l’aise dans le classique que le boulevard ou le café-théâtre, et collaborant avec des metteurs en scène aussi divers que Pierre Dux, Jean Meyer, Franco Zeffirelli, Jacques Charon, Jérôme Savary et Jean-Luc Tardieu.
En 2004, elle a reçu un César d’honneur remis par Fabrice Luchini, et eut droit à une standing ovation de la profession.
Micheline Presle est décédée le 21 février 2024 à l’âge de 101 ans.
Ils nous ont quittés en 2024
Les artistes centenaires
Filmographie
- 1937 : La Fessée de Pierre Caron
- 1938 : La Petite peste de Jean de Limur
- 1938 : Je chante de Christian Stengel
- 1939 : Vous seule que j’aime de Henri Fescourt
- 1939 : Jeunes filles en détresse de Georg Wilhelm Pabst
- 1940 : Elles étaient douze femmes de Georges Lacombe
- 1940 : Paradis perdu d’Abel Gance
- 1940 : La Comédie du bonheur de Marcel L’Herbier
- 1940 : Fausse alerte de Jacques de Baroncelli
- 1941 : Parade de sept nuits de Marc Allégret
- 1941 : Histoire de rire de Marcel L’Herbier
- 1942 : Félicie Nanteuil de Marc Allégret
- 1942 : La Belle aventure de Marc Allégret
- 1942 : La Nuit fantastique de Marcel L’Herbier
- 1943 : Un seul amour de Pierre Blanchar
- 1943 : Le Soleil a toujours raison de Pierre Billon
- 1944 : Falbalas de Jacques Becker
- 1945 : Boule de suif de Christian-Jaque
- 1947 : Le Diable au corps de Claude Autant-Lara
- 1947 : Les Jeux sont faits de Jean Delannoy
- 1949 : Tous les chemins mènent à Rome de Jean Boyer
- 1950 : Les Derniers jours de Pompéi de Marcel L’Herbier
- 1950 : La Belle de Paris (Under My Skin) de Jean Negulesco
- 1950 : Guérillas (American Guerrilla in the Philippines) de Fritz Lang
- 1951 : La Taverne de la Nouvelle-Orléans (Adventures of Captain Fabian) de William Marshall
- 1953 : Les Amants de Villa Borghese (Villa Borghese) de Gianni Franciolini
- 1953 : La Dame aux camélias de Raymond Bernard
- 1954 : Si Versailles m’était conté de Sacha Guitry
- 1954 : L’Amour d’une femme de Jean Grémillon
- 1954 : La Maison du souvenir (Casa Ricordi) de Carmine Gallone
- 1955 : Les Impures de Pierre Chevalier
- 1955 : Napoléon de Sacha Guitry
- 1956 : La Mariée était trop belle de Pierre Gaspard-Huit
- 1956 : Treize à table d’André Hunebelle
- 1956 : Le Château des amants maudits (Beatrice Cenci) de Riccardo Freda
- 1957 : Les Louves de Luis Saslavsky
- 1957 : Les Femmes sont marrantes d’André Hunebelle
- 1958 : Christine de Pierre Gaspard-Huit
- 1959 : Bobosse d’Étienne Périer
- 1959 : L’Enquête de l’inspecteur Morgan (Blind Date) de Joseph Losey
- 1960 : Une fille pour l’été d’Edouard Molinaro
- 1960 : Le Baron de l’écluse de Jean Delannoy
- 1960 :Les Mystères d’Angkor (Herrin der Welt – Teil I) de William Dieterle
- 1961 : Les Grandes personnes de Jean Valère
- 1961 : L’Amant de cinq jours de Philippe de Broca
- 1961 : L’Assassin (L’assassino) d’Elio Petri
- 1962 : Un mari en laisse (If a Man Anwers) de Henry Levin
- 1962 : La Loi des hommes de Charles Gérard
- 1962 : Les Sept péchés capitaux (sketch La Luxure de Jacques Demy)
- 1962 : Le Diable et les dix commandements de Julien Duvivier
- 1963 : Vénus impériale (Venere imperiale) de Jean Delannoy
- 1963 : Le Coup de bambou de Jean Boyer
- 1963 : Pas de laurier pour les tueurs (The Prize) de Mark Robson
- 1964 : La Chasse à l’homme d’Édouard Molinaro
- 1964 : Les Pieds nickelés de Jean-Claude Chambon
- 1965 : Je vous salue mafia de Raoul Lévy
- 1966 : Suzanne Simonin, la Religieuse de Diderot de Jacques Rivette
- 1966 : Le Roi de cœur de Philippe de Broca
- 1970 : Le Bal du comte d’Orgel de Marc Allégret
- 1970 : Le Clair de terre de Guy Gilles
- 1970 : Peau d’Âne de Jacques Demy
- 1971 : Les Pétroleuses de Christian-Jaque
- 1972 : Le Diable dans la tête (Il diavolo nel cervello) de Sergio Sollima
- 1973 : L’Événement le plus important depuis que l’homme a marché sur la Lune de Jacques Demy
- 1973 : L’Oiseau rare de Jean-Claude Brialy
- 1974 : La Gueule de l’emploi de Jacques Rouland
- 1974 : Deux grandes filles dans un pyjama de Jean Girault
- 1974 : La Proie (La preda) de Domenico Paolella
- 1975 : Le Boucher, la star et l’orpheline de Jérôme Savary
- 1975 : Le Miroir éclate de Claude d’Anna
- 1976 : Mords pas, on t’aime d’Yves Allégret
- 1976 : Néa de Nelly Kaplan
- 1977 : Le Diable dans la boîte de Pierre Lary
- 1978 : Va voir maman, papa travaille de François Leterrier
- 1979 : On efface tout de Pascal Vidal
- 1979 : S’il vous plait… la mer ? de Martine Lancelot
- 1979 : Je te tiens, tu me tiens par la barbichette de Jean Yanne
- 1979 : Démons de midi de Christian Paureilhe
- 1979 : Rien ne va plus de Jean-Michel Ribes
- 1980 : Tout dépend des filles… de Pierre Fabre
- 1980 : Certaines nouvelles de Jacques Davila
- 1983 : Archipel des amours (segment Remue-ménage de Jacques Davila)
- 1983 : En haut des marches de Paul Vecchiali
- 1984 : Les Voleurs de la nuit de Samel Fuller
- 1984 : Le Sang des autres de Claude Chabrol
- 1984 : Les Fausses confidences de Daniel Moosman
- 1986 : Beau temps mais orageux en fin de journée de Gérard Frot-Coutaz
- 1986 : Le Chien de Jean-François Gallotte
- 1986 : Qui trop embrasse de Jacques Davila
- 1988 : Alouette, je te plumerai de Pierre Zucca
- 1988 : Mignon est partie (Mignon è partita) de Francesca Archibugi
- 1989 : I Want to Go Home d’Alain Resnais
- 1990 : La Fête des pères de Joy Fleury
- 1990 : Après après-demain de Gérard Frot-Coutaz
- 1991 : Le Jour des rois de Marie-Claude Treilhou
- 1992 : Fanfan d’Alexandre Jardin
- 1992 : Je m’appelle Victor de Guy Jacques
- 1994 : Casque bleu de Gérard Jugnot
- 1994 : Pas très catholique de Tonie Marshall
- 1995 : Les Misérables de Claude Lelouch
- 1996 : Le Journal du séducteur de Danièle Dubroux
- 1996 : Fallait pas !… de Gérard Jugnot
- 1997 : Les Mille et une recettes du cuisinier amoureux de Nana Djordjadze
- 1997 : Grève party de Fabien Onteniente
- 1998 : Le Voyage à Paris de Marc-Henri Dufresne
- 1999 : Vénus Beauté (Institut) de Tonie Marshall
- 1999 : Le Cœur à l’ouvrage de Laurent Dussaux
- 1999 : Mauvaises fréquentations de Jean-Pierre Améris
- 1999 : Charmant garçon de Patrick Chesnais
- 2001 : Vertiges de l’amour de Laurent Chouchan
- 2001 : Les Âmes câlines de Thomas Bardinet
- 2001 : Mauvais genres de Francis Girod
- 2003 : Saltimbank de Jean-Claude Biette
- 2003 : France Boutique de Tonie Marshall
- 2003 : Chouchou de Merzak Allouache
- 2004 : Grabuge ! de Jean-Pierre Mocky
- 2006 : Vous êtes de la police ? de Romuald Beugnon
- 2008 : Musée haut, musée bas de Jean-Michel Ribes
- 2009 : Un homme et son chien de Francis Huster
- 2009 : Plein Sud de Sébastien Lifshitz
- 2010 : Thelma, Louise et Chantal de Benoît Pétré
- 2011 : HH, Hitler à Hollywood de Frédéric Sojcher
- 2012 : Comme des frères de Hugo Gélin
- 2012 : Rue Mandar de Idit Cebula
- 2014 : Tu veux ou tu veux pas de Tonie Marshall