Fabrice Luchini est passé du statut d’icône rohmérienne (Perceval le Gallois, 1977) à celui de vedette populaire, avec Christian Vincent, Philippe Le Guay ou Ozon. Sa diction précieuse et son humour intellectuel en font l’un des interprètes les plus singuliers du cinéma et du théâtre français.
Un acteur culte de Rohmer
Fabrice Luchini suit les cours d’art dramatique de Jean-Laurent Cochet et débute au cinéma en 1969 dans Tout peut arriver (1970) de Philippe Labro. Il est ensuite repéré par Eric Rohmer qui lui donne le rôle d’un jeune chevalier servant volubile et cérébral dans Le Genou de Claire (1970). Il deviendra un acteur emblématique du cinéaste, incarnant le rôle-titre de Perceval le Gallois (1978), puis jouant à nouveau le confident intellectuel et précieux dans Les Nuits de la pleine lune (1984) : son interprétation lui vaut une nomination au César du meilleur acteur dans un second rôle. C’est bien Rohmer qui a façonné la persona de Luchini. Pour le cinéaste, il est aussi des distributions de La Femme de l’aviateur (1981) et Quatre aventures de Reinette et Mirabelle (1987), dans un rôle de marchand de tableau.
Entre 1970 et 1988, Fabrice Luchini tourne aussi avec d’autres cinéastes dont Walerian Borowczyk (Contes immoraux, 1970), Claude Chabrol (Violette Nozière, 1978), Pierre Zucca (Rouge-gorge), Nagisa Oshima (Max mon amour, 1986) ou Costa-Gavras (Conseil de famille, 1986), tout en cachetonnant dans quelques nanars dont T’es folle ou quoi ? (1982) de Michel Gérard, où il est le faire-valoir d’Aldo Maccione. La consécration arrive en 1990, avec le succès critique et public de La Discrète de Christian Vincent, où il a le premier rôle. Dans cette comédie sarcastique, au ton très rohmérien, il campe avec saveur un écrivain raté lancé dans un défi amoureux. Il décroche une nomination au César du meilleur acteur. Désormais, Luchini n’est pas apprécié seulement d’un groupe de cinéphiles : il est acclamé par un large public, et devient une personnalité bankable du cinéma français.
Fabrice Luchini, l’histrion magnifique
Dans les années 90, il est soit en haut de l’affiche, soit un nom important au générique. Les César le nomment pour le meilleur second rôle dans Le Retour de Casanova (1992) d’Edouard Niermans et Le Colonel Chabert (1994) d’Yves Angelo, et il obtient le trophée dans cette catégorie pour Tout ça… pour ça ! (1992) de Claude Lelouch. Et s’il est nommé en tant que meilleur acteur pour Beaumarchais, l’insolent (1995) d’Edouard Molinaro, il aurait pu l’être tout autant avec L’Année Juliette (1995) de Philippe Le Guay, Rien sur Robert (1998) de Pascal Bonitzer, ou Pas de scandale (1998) de Benoit Jacquot. On apprécie aussi ses prestations dans L’Arbre, le maire et la médiathèque (1993), son dernier film avec Rohmer, ou Le Bossu (1997) de Philippe de Broca.
Luchini a désormais un personnage bien campé, dans ses films mais aussi pour les médias, où il joue de son érudition, ses bons mots, et son humour décalé. Dans les années 2000 et 2010, on le voit dans des seconds rôles, tels le Monsieur Jourdain de Molière (2007) de Laurent Tirard (nomination aux César), le gardien de Musée haut, musée bas (2008) de Jean-Michel Ribes, ou Joseph Fouché dans L’Empereur de Paris (2018) de Jean-François Richet. Mais son seul nom attire les spectateurs pour voir l’histrion dans Confidences trop intimes (2003) de Patrice Leconte, La Fille de Monaco (2008) d’Anne Fontaine, Les Femmes du 6e étage (2011) de Philippe Le Guay, Gemma Bovery (2014) d’Anne Fontaine, ou Alice et le maire (2019) de Nicolas Pariser. Et il obtient encore des nominations au César du meilleur acteur pour Dans la maison (2012) de François Ozon, Alceste à bicyclette (2013) de Philippe Le Guay, L’Hermine (2015) de Christian Vincent et Ma loute (2016) de Bruno Dumont.
Fabrice Luchini connaît aussi une jolie carrière théâtrale depuis 1978, avec des représentations récurrentes de Voyage au bout de la nuit de Céline, et des collaborations avec des metteurs en scène tels Andréas Voutsinas, Jean-Luc Moreau et Maurice Bénichou. Il a obtenu un Molière d’honneur en 2016.