S.A.S. à San Salvador : la critique du film (1982)

Espionnage, Action, Aventures, Nanar | 1h34min
Note de la rédaction :
2/10
2
S.A.S. à San Salvador, l'affiche

  • Réalisateur : Raoul Coutard
  • Acteurs : Didier Bourdon, Dagmar Lassander, Raimund Harmstorf, Anton Diffring, Georges Corraface, Sybil Danning, Miles O’Keeffe
  • Date de sortie: 08 Déc 1982
  • Nationalité : Français, Allemand
  • Titre original : S.A.S. à San Salvador
  • Titres alternatifs : S.A.S. Malko à San Salvador (VHS, UGC), S.A.S. San Salvador (USA) / S.A.S. Malko - Im Auftrag des Pentagon (Allemagne) / Terminate with Extreme Prejudice (UK) / S.A.S. agente Malko (Espagne) / S.A.S., Terror em São Salvador (Portugal) / CIAs superagent - Malko (Danemark)
  • Année de production : 1982
  • Autres acteurs : Catherine Jarrett, Alexander Kerst, Monika Kaelin, Franck-Olivier Bonnet, Gérard Buhr, Eric Hémon, Robert Etcheverry, Wolfgang Finck, Patrick Floersheim
  • Scénariste : Gérard de Villiers, d'après son roman Terreur à San Salvador
  • Directeur de la photographie : Georges Liron
  • Compositeur : Michel Magne
  • Monteur : Hélène Plemiannikov
  • Producteurs : Artur Brauner, Raymond Danon, Gérard de Villiers
  • Sociétés de production : Elephant Productions, Union Générale Cinématographique (UGC), Malko Films, CCC Filmkunst
  • Distributeur : Europe 1 - UGC
  • Éditeur vidéo : UGC Vidéo (VHS, 1984) / Vidéofilms (VHS)
  • Date de sortie vidéo : 1984 (VHS)
  • Box-office France / Paris-périphérie : 738 635 entrées / 192 306 entrées
  • Budget : -
  • Classification : Tous publics
  • Formats : Couleurs (Eastmancolor) / Son : Mono
  • Illustrateur / Création graphique Loris - Philippe. © Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : StudioCanal © Tous droits réservés / All rights reserved
  • Franchise : Première adaptation des aventures de Malko Linge avant S.A.S. L'oeil de la veuve (1991)
Note des spectateurs :

Première adaptation de la célèbre saga de Gérard de Villiers, S.A.S. à San Salvador est un nanar mal réalisé, mal joué et mal écrit. Le résultat, tout bonnement pathétique, n’est jamais drôle, même au quinzième degré.

Synopsis : Enrique Chacon, un ex-agent de la CIA, s’est engagé dans un combat politique au San Salvador ravagé par la guerre civile. Le célèbre Malko Linge alias SAS reçoit l’ordre de neutraliser Chacon et de le faire revenir au sein de l’organisation, de renoncer à travailler pour son compte, mission périlleuse, car il commande un “escadron de la mort”. SAS rencontre une étudiante gauchiste.

Gérard de Villiers, plusieurs tentatives cinéma ratées

Critique : Depuis le milieu des années 60, le romancier Gérard de Villiers a connu un impressionnant succès grâce à sa série d’espionnage intitulée S.A.S. menée par le personnage de Malko Linge. Le prolifique auteur a tout de même écrit plus de 200 titres au cours des décennies en suivant à chaque fois l’actualité du moment pour donner corps aux aventures de son héros. La recette était très éprouvée, avec un cocktail détonnant d’érotisme, de violence et d’une bonne dose de sadisme. Très marqué à droite, Gérard de Villiers a donc été un romancier de gare particulièrement en vue, au point que celui-ci a tenté pendant de nombreuses années d’adapter son œuvre au cinéma, notamment à Hollywood.

Après plusieurs déconvenues, il est parvenu à monter une production bis d’après une autre de ses séries, le peu reluisant Brigade mondaine (Scandelari, 1978). Le film réunit tout de même 863 511 lecteurs dans les salles, permettant la réalisation de deux suites intitulées Brigade mondaine : La Secte de Marrakech (Matalon, 1979) et Brigade mondaine : Vaudou aux Caraïbes (Monnier, 1980). La médiocrité extrême de ces productions aurait dû alerter le producteur Raymond Danon qui a choisi d’investir dans la première aventure cinématographique de Malko Linge.

Un script inepte servi par des acteurs peu concernés

Ainsi, S.A.S. à San Salvador (1982) a beau singer la saga James Bond, le budget franco-allemand ne parvient jamais à faire oublier le caractère européen de l’entreprise. Confiée au célèbre directeur de la photographie Raoul Coutard, la réalisation du nanar a eu lieu en Allemagne pour les intérieurs et à Porto Rico pour les extérieurs. Engagé dans une véritable galère, Raoul Coutard s’est vu imposer Miles O’Keeffe par la production qui souhaitait profiter de sa récente révélation dans le rôle-titre de Tarzan, l’homme singe (Derek, 1981). Mais c’était oublier que l’acteur à la beauté parfaite était aussi terriblement mauvais face à la sculpturale Bo Derek dont il n’était qu’un faire-valoir.

Véritable gravure de mode incapable de faire ressortir le moindre sentiment, Miles O’Keeffe est également peu capable dans les séquences d’action où il est systématiquement doublé par des cascadeurs. Cela ne permet aucunement de fluidifier les quelques séquences d’action qui parsèment un long-métrage entièrement voué à des palabres sans fin. Effectivement, le script écrit par Gérard de Villiers lui-même se révèle d’une totale ineptie. A aucun moment le spectateur n’a le sentiment d’être plongé au cœur de la guerre civile du San Salvador. Pire, l’auteur défend ici l’action menée par la CIA pour déstabiliser les régimes communistes de la région. Certes, la situation géopolitique locale était alors très complexe, mais la simplification abusive opérée par de Villiers nous rappelle à quel point l’auteur pouvait être aveuglé par son anticommunisme primaire.

S.A.S. à San Salvador manque furieusement de rythme et d’action

A regarder aujourd’hui, S.A.S. à San Salvador est surtout un sommet de machisme, faisant de James Bond un vrai gentleman en comparaison. Ici, dès que le héros rencontre une femme, on sait qu’elle finira dans son lit, après des plans assez longs sur leur nudité, largement étalée. Cependant, comme le film se destinait à un large marché, la pédale douce a été mise sur l’érotisme, et surtout sur le sadisme qui faisait justement le succès de la série en librairie. Ainsi, la violence est passe-partout avec quelques fusillades où le sang est répandu sur les vêtements des victimes et c’est à peu près tout.

Réalisé par un cinéaste incapable d’insuffler la moindre tension à son histoire – par ailleurs inepte – S.A.S. à San Salvador est par ailleurs joué avec les pieds par l’ensemble du casting, tandis que les quelques séquences d’action sont découpées en dépit du bon sens. Il faut ajouter à cela une musique pseudo-exotique de Michel Magne pour faire du produit fini un pur nanar bis qui n’a même pas le mérite d’être drôle. En fait, le métrage est tout bonnement déplorable du début jusqu’à la fin où le réalisateur croit bon de rendre hommage à la scène finale de La dame de Shanghaï (Welles, 1946) avec un duel à travers des miroirs. Autant dire que la comparaison avec le film d’Orson Welles n’est pas à l’avantage du pauvre Raoul Coutard, par ailleurs grand directeur de la photographie.

La carrière parisienne du film

Sorti en grande pompe la semaine du 8 décembre 1982 face à la suite d’une comédie familiale phénomène (La Boum 2 de Claude Pinoteau), S.A.S. à San Salvador bénéficie de la force de frappe de son distributeur UGC pour s’afficher sur plus de 30 sites parisiens. Cela permet au nanar de squatter la troisième place du classement parisien avec 89 424 machos dans les salles. La semaine suivante est déjà le signe d’un désaveu du public puisque le film chute de plus de 50 % de ses entrées dans une combinaison identique.

La période des vacances scolaires lui est un peu plus favorable et le film d’action se maintient à hauteur de 30 000 entrées par semaine, dépassant ainsi les 160 000 entrées en trois semaines. Déprogrammé de nombreux cinémas, S.A.S. à San Salvador doit faire face à des concurrents sérieux comme E.T., Tron, Firefox et bien d’autres promesses de grandes aventures. Durant le mois de janvier 1983, le film est rapidement retiré de l’affiche et termine sa carrière parisienne avec 192 306 amateurs de romans de gare dans les salles.

Un bouche-à-oreille catastrophique

Sur la France entière, le long-métrage arrive début décembre à la quatrième place du box-office avec tout de même 239 711 curieux en sept jours. Là aussi, le nanar perd plus de la moitié de sa fréquentation dès la deuxième semaine, preuve d’un bouche-à-oreille calamiteux. Pourtant, la longévité du film est plus importante en province où l’œuvre de Gérard de Villiers est sans aucun doute plus populaire. Le film dépasse les 500 000 spectateurs début janvier 1983, puis les 600 000 au 11 janvier. Continuant son tour de la France profonde, S.A.S. à San Salvador va continuer sa vie durant quelques semaines supplémentaires, allant jusqu’à attirer 738 635 chalands. Au vu de la qualité du film, on peut s’étonner de tant de tickets vendus.

Par la suite, la firme UGC a édité une cassette VHS pour profiter de l’effet vidéoclub. Pour autant, le film n’est jamais paru en DVD chez nous. Aujourd’hui, le film qui a poussé Raoul Coutard à abandonner la réalisation appartient au catalogue de StudioCanal et se pavane donc sur sa plateforme. L’occasion pour tous les bisseux de constater l’étendue des dégâts.

Enfin notons que l’œuvre de Gérard de Villiers a été à nouveau adaptée au cinéma avec un autre navet intitulé cette fois SAS – L’œil de la veuve (McLaglen, 1991) avec Richard Young dans le rôle de Malko Linge.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 8 décembre 1982

Voir le film en VOD

S.A.S. à San Salvador, l'affiche

© 1982 StudioCanal / Affiche : Loris – Philippe. Tous droits réservés.

Biographies +

Raoul Coutard, Didier Bourdon, Dagmar Lassander, Raimund Harmstorf, Anton Diffring, Georges Corraface, Sybil Danning, Miles O’Keeffe

Mots clés

L’Amérique latine au cinéma, Nanars d’action des années 80

Box-office sous le signe d’UGC

UGC a le sang chaud en 1982. Toute fière d’avoir décroché un accord avec Orion et surtout la distribution de Jamais plus jamais, d’Irvin Kershner le James Bond frondeur avec Sean Connery, la société mange à tous les râteliers. La comédie franchouillarde (Pour 100 briques t’as plus rien, Le Quart d’heure américain), le polar prestigieux avec des stars (Le choc, avec Delon et Deneuve), le film d’auteur au bide retentissant (Une chambre en ville de Jacques Demy), le film d’Avoriaz qui a les crocs (Wolfen)…

Mais parmi les succès improbables d’UGC en 1982, beaucoup plus rentables que le semi-échec du Choc, la société a pu compter sur deux titres fédérateurs. Le mondo interdit aux moins de 18 ans L’Amérique interdite est un sacré triomphe (1 115 000 spectateurs) et le film de violence urbaine Class 1984 (948 000 entrées) marque les jeunes de son temps. C’est que le distributeur ose tout. Onze semaines après la sortie simultanée de ces deux électrons choc, la société d’Alan Sussfeld (oui, déjà), est prête une nouvelle fois à distribuer n’importe quoi, y compris du bis, sous la forme de S.A.S à San Salvador qui va donc maculer les fesses de sang avec l’estampille française des romans.

C’est le 8 décembre 1982  que S.A.S. à San Salvador sert de cadeau de Noël improbable pour réchauffer les spectateurs mâles en manque de chair et de sang. UGC lui trouve trente-et-un sites franciliens, dont 14 en intra-muros. Il faut bien que les hommes puissent trouver une contrepartie au phénomène de société qui est E.T. l’extra-terrestre, alors en 2e semaine, et au programme adolescent avec Sophie Marceau, face à la suite du teenage movie à la française, La Boum 2 de Claude Pinoteau.

Sans grande vedette et avec une interdiction aux mineurs, S.A.S. à San Salvador remplit le contrat avec une belle première semaine : 89 424 spectateurs dans 31 salles, quand les géants E.T. et La Boum 2, tous deux surmédiatisés et respectivement logés dans 54 et 44 salles, s’amusent à divertir 309 et 200 000 milles garnements. Peby Guisez, en charge de la vidéocassette chez UGC, voit déjà la perspective d’un beau succès VHS.

Où voir S.A.S. à San Salvador à Paris intra-muros en première semaine ?

Dans le cricuit UGC, évidemment, aux Normandie, à l’Odéon, à l’Opéra, à la Rotonde, au Boulevard, au Gare de Lyon, aux Gobelins, mais aussi au Rex, au Magic Convention, au Mistral, au 3 Murat, aux 3 Secrétan, au Montparnasse 83 et aux Images. Sur les Champs, le Normandie affiche fièrement 11 260 lecteurs de De Villiers, un triomphe.

On notera que la concurrence est maigre, hors des blockbusters de saison, puisque si Don Bluth et Brisby et le secret de Nimh se fait remarquer, les seules nouveautés sont surtout dans le domaine du porno – L’amour au bureau avec Annette Haven (26 000 entrées dans 10 cinémas), Le pensionnat des petites salopes (12 000 entrées dans 4 salles).

Le kung-fu de la semaine s’intitule Les secrets de Shaolin Kung-Fu (12 500 entrées dans 3 salles).

Chez les auteurs, Tell Me (David et Eva) réalisée par l’actrice Lee Grant, avec Melvyn Douglas, Brooke Adams et Lila Kedrova, passe inaperçu (3 705 entrées dans 6 salles). La reprise du Soleil dans la peau de Giorgio Stegani Casorati, avec Chris Avram et Ornella Mutti sous le titre d’Amour jeune, Amour fou, ne trouve que 3 247  spectateurs dans 6 salles du réseau Paramount, incluant le Max Linder. Dernière reprise, Les voyeuses de Pierre Unia, avec une musique de Laurent Voulzy, monté par Michel Patient, émoustille 5 200 vieux messieurs dont la moitié au Midi-Minuit.

En deuxième semaine, la version filmée de S.A.S. s’écroule sur Paris, avec quand même les sorties de Tron, Firefox et La Baraka qui en imposent. La production exotique française trouve toutefois 39 999 retardataires devançant la comédie musicale américaine de John Huston Annie (24 674) et surtout la série B sympathique produite par Roger Corman, Mutant (18 903). Petite pensée pour Les aventuriers de l’or perdu, production improbable avec Laura Gemser et Stuart Whitman et Edmund Purdom, qui trouve trois écrans pour 7 911 amateurs d’exotisme bon marché cette semaine-là. Le film, connu sous le titre original de Horror Safari, a également été exploité en France sous l’appellation de Safari Cannibal !

Lors des fêtes de Noël, S.A.S à San Salvador se maintient bien, avec encore 31 480 spectateurs dans 26 cinémas, dont 12 écrans en intra-muros. Prestation accomplie, le produit faussement littéraire peut passer de vie à trépas  en 1983.

Effectivement, quelques semaines plus tard, le film se meurt. Ainsi, avec seulement 4 écrans pour son 5e tour sur la capitale, il ne convainc que 5 007 passants, ce qui est moins que l’increvable L’Amérique interdite, alors en 15e semaine, avec 7 811 spectateurs et un total alors de 276 000 amateurs de documenteurs contre 188 000 pour le musclé Miles O’Keeffe.

En 6e semaine, Gérard de Villiers s’affiche fièrement dans trois salles de la capitale (les UGC Normandie, Rotonde et Boulevard), et trouve encore 2 700 lecteurs assidus pour un total de 190 000 rats de bibliothèques. UGC fait de la place dans ses salles et ne le laisse qu’au Normandie en 7e semaine pour 1 490 touristes de passage.

Dans un classement désormais favorable aux films de 1983 (Le Ruffian, Les dieux sont tombés sur la tête, Danton, Mad Max 1, Rocky 3), UGC l’écarte de Paris après ces 7 semaines à 192 306 spectateurs. Pour le distributeur, l’enjeu est désormais de se focaliser cette semaine-là sur Le Prix du danger de Yves Boisset, grosse production de science-fiction avec Gérard Lanvin, Michel Piccoli, Marie-France Pisier, Bruno Cremer, et Andrea Ferréol

UGC proposera S.A.S. Malko à San Salvador en VHS en 1983. Le nouveau titre (l’explicitation du nom Malko, à peine lisible sur l’affiche salle) laisse apercevoir une franchise qui ne viendra pas tout de suite.

Box-office par Frédéric Mignard

S.A.S Malko, à San Salvador, jaquette UGC (1983)

© 1983 UGC Vidéo

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S.A.S. à San Salvador, l'affiche

Bande-annonce allemande de S.A.S. à San Salvador (VO)

Espionnage, Action, Aventures, Nanar

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