Première adaptation de la célèbre saga de Gérard de Villiers, S.A.S. à San Salvador est un nanar mal réalisé, mal joué et mal écrit. Le résultat, tout bonnement pathétique, n’est jamais drôle, même au quinzième degré.
Synopsis : Enrique Chacon, un ex-agent de la CIA, s’est engagé dans un combat politique au San Salvador ravagé par la guerre civile. Le célèbre Malko Linge alias SAS reçoit l’ordre de neutraliser Chacon et de le faire revenir au sein de l’organisation, de renoncer à travailler pour son compte, mission périlleuse, car il commande un “escadron de la mort”. SAS rencontre une étudiante gauchiste.
Gérard de Villiers, plusieurs tentatives cinéma ratées
Critique : Depuis le milieu des années 60, le romancier Gérard de Villiers a connu un impressionnant succès grâce à sa série d’espionnage intitulée S.A.S. menée par le personnage de Malko Linge. Le prolifique auteur a tout de même écrit plus de 200 titres au cours des décennies en suivant à chaque fois l’actualité du moment pour donner corps aux aventures de son héros. La recette était très éprouvée, avec un cocktail détonnant d’érotisme, de violence et d’une bonne dose de sadisme. Très marqué à droite, Gérard de Villiers a donc été un romancier de gare particulièrement en vue, au point que celui-ci a tenté pendant de nombreuses années d’adapter son œuvre au cinéma, notamment à Hollywood.
Après plusieurs déconvenues, il est parvenu à monter une production bis d’après une autre de ses séries, le peu reluisant Brigade mondaine (Scandelari, 1978). Le film réunit tout de même 863 511 lecteurs dans les salles, permettant la réalisation de deux suites intitulées Brigade mondaine : La Secte de Marrakech (Matalon, 1979) et Brigade mondaine : Vaudou aux Caraïbes (Monnier, 1980). La médiocrité extrême de ces productions aurait dû alerter le producteur Raymond Danon qui a choisi d’investir dans la première aventure cinématographique de Malko Linge.
Un script inepte servi par des acteurs peu concernés
Ainsi, S.A.S. à San Salvador (1982) a beau singer la saga James Bond, le budget franco-allemand ne parvient jamais à faire oublier le caractère européen de l’entreprise. Confiée au célèbre directeur de la photographie Raoul Coutard, la réalisation du nanar a eu lieu en Allemagne pour les intérieurs et à Porto Rico pour les extérieurs. Engagé dans une véritable galère, Raoul Coutard s’est vu imposer Miles O’Keeffe par la production qui souhaitait profiter de sa récente révélation dans le rôle-titre de Tarzan, l’homme singe (Derek, 1981). Mais c’était oublier que l’acteur à la beauté parfaite était aussi terriblement mauvais face à la sculpturale Bo Derek dont il n’était qu’un faire-valoir.
Véritable gravure de mode incapable de faire ressortir le moindre sentiment, Miles O’Keeffe est également peu capable dans les séquences d’action où il est systématiquement doublé par des cascadeurs. Cela ne permet aucunement de fluidifier les quelques séquences d’action qui parsèment un long-métrage entièrement voué à des palabres sans fin. Effectivement, le script écrit par Gérard de Villiers lui-même se révèle d’une totale ineptie. A aucun moment le spectateur n’a le sentiment d’être plongé au cœur de la guerre civile du San Salvador. Pire, l’auteur défend ici l’action menée par la CIA pour déstabiliser les régimes communistes de la région. Certes, la situation géopolitique locale était alors très complexe, mais la simplification abusive opérée par de Villiers nous rappelle à quel point l’auteur pouvait être aveuglé par son anticommunisme primaire.
S.A.S. à San Salvador manque furieusement de rythme et d’action
A regarder aujourd’hui, S.A.S. à San Salvador est surtout un sommet de machisme, faisant de James Bond un vrai gentleman en comparaison. Ici, dès que le héros rencontre une femme, on sait qu’elle finira dans son lit, après des plans assez longs sur leur nudité, largement étalée. Cependant, comme le film se destinait à un large marché, la pédale douce a été mise sur l’érotisme, et surtout sur le sadisme qui faisait justement le succès de la série en librairie. Ainsi, la violence est passe-partout avec quelques fusillades où le sang est répandu sur les vêtements des victimes et c’est à peu près tout.
Réalisé par un cinéaste incapable d’insuffler la moindre tension à son histoire – par ailleurs inepte – S.A.S. à San Salvador est par ailleurs joué avec les pieds par l’ensemble du casting, tandis que les quelques séquences d’action sont découpées en dépit du bon sens. Il faut ajouter à cela une musique pseudo-exotique de Michel Magne pour faire du produit fini un pur nanar bis qui n’a même pas le mérite d’être drôle. En fait, le métrage est tout bonnement déplorable du début jusqu’à la fin où le réalisateur croit bon de rendre hommage à la scène finale de La dame de Shanghaï (Welles, 1946) avec un duel à travers des miroirs. Autant dire que la comparaison avec le film d’Orson Welles n’est pas à l’avantage du pauvre Raoul Coutard, par ailleurs grand directeur de la photographie.
La carrière parisienne du film
Sorti en grande pompe la semaine du 8 décembre 1982 face à la suite d’une comédie familiale phénomène (La Boum 2 de Claude Pinoteau), S.A.S. à San Salvador bénéficie de la force de frappe de son distributeur UGC pour s’afficher sur plus de 30 sites parisiens. Cela permet au nanar de squatter la troisième place du classement parisien avec 89 424 machos dans les salles. La semaine suivante est déjà le signe d’un désaveu du public puisque le film chute de plus de 50 % de ses entrées dans une combinaison identique.
La période des vacances scolaires lui est un peu plus favorable et le film d’action se maintient à hauteur de 30 000 entrées par semaine, dépassant ainsi les 160 000 entrées en trois semaines. Déprogrammé de nombreux cinémas, S.A.S. à San Salvador doit faire face à des concurrents sérieux comme E.T., Tron, Firefox et bien d’autres promesses de grandes aventures. Durant le mois de janvier 1983, le film est rapidement retiré de l’affiche et termine sa carrière parisienne avec 192 306 amateurs de romans de gare dans les salles.
Un bouche-à-oreille catastrophique
Sur la France entière, le long-métrage arrive début décembre à la quatrième place du box-office avec tout de même 239 711 curieux en sept jours. Là aussi, le nanar perd plus de la moitié de sa fréquentation dès la deuxième semaine, preuve d’un bouche-à-oreille calamiteux. Pourtant, la longévité du film est plus importante en province où l’œuvre de Gérard de Villiers est sans aucun doute plus populaire. Le film dépasse les 500 000 spectateurs début janvier 1983, puis les 600 000 au 11 janvier. Continuant son tour de la France profonde, S.A.S. à San Salvador va continuer sa vie durant quelques semaines supplémentaires, allant jusqu’à attirer 738 635 chalands. Au vu de la qualité du film, on peut s’étonner de tant de tickets vendus.
Par la suite, la firme UGC a édité une cassette VHS pour profiter de l’effet vidéoclub. Pour autant, le film n’est jamais paru en DVD chez nous. Aujourd’hui, le film qui a poussé Raoul Coutard à abandonner la réalisation appartient au catalogue de StudioCanal et se pavane donc sur sa plateforme. L’occasion pour tous les bisseux de constater l’étendue des dégâts.
Enfin notons que l’œuvre de Gérard de Villiers a été à nouveau adaptée au cinéma avec un autre navet intitulé cette fois SAS – L’œil de la veuve (McLaglen, 1991) avec Richard Young dans le rôle de Malko Linge.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 8 décembre 1982
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Biographies +
Raoul Coutard, Didier Bourdon, Dagmar Lassander, Raimund Harmstorf, Anton Diffring, Georges Corraface, Sybil Danning, Miles O’Keeffe