Jamais plus jamais marque le retour improbable de Sean Connery dans le rôle de James Bond douze ans après avoir pris une retraite méritée.
Synopsis : Lorsque deux missiles atomiques sont détournés par l’Organisation Criminelle SPECTRE, James Bond se retrouve alors au cœur d’une course-poursuite explosive pour sauver le monde du terrorisme nucléaire !
Critique : Octobre-novembre 1983. Les Français ont la chance de découvrir deux James Bond en moins de deux mois ! Octopussy, production officielle de Eon et MGM sort nerveusement le 5 octobre avec un Roger Moore vieillissant à une époque où le jeune public réclame de la science-fiction (Le retour du Jedi) et de nouvelles stars (Stallone dans Rocky 3). Succès au box-office, avec 2.9M d’entrées, le Bond parvient à une 14e place annuelle. Le projet s’est monté dans la hâte puisque parallèlement un 007 dissident avec Sean Connery se développait. L’ancien Bond réintégrait les habits de l’agent secret plus de douze ans après les avoir abandonnés dans Les diamants sont éternels. Un argument marketing implacable.
Orion, Jack Schwartzman (père du comédien Jason, alors âgé de trois ans) et son épouse Talia Shire (oui, la femme de Rocky et la sœur de Coppola) profitent d’un problème de droit dans l’exploitation du roman de Ian Fleming, déjà adapté en 1965 avec Opération tonnerre, pour monter un projet fratricide qui met tout le monde mal à l’aise. Le producteur Kevin McClory, qui avait travaillé en avant-projet sur Opération tonnerre et avait gagné un procès historique contre Fleming, peut enfin sortir sa propre version, puisqu’il devait attendre dix ans après la sortie d’Opération tonnerre pour lancer le chantier d’un remake.
L’enjeu se résume à tirer le premier : Octopussy précédera
Sean Connery, après avoir refusé longtemps de revenir en 007, accepte le défi de la compétition frontale, malgré un âge (53 ans) qui ne fait plus de lui un jeune premier. Il devra d’ailleurs cacher sa calvitie pour le film. Il faut dire que les succès personnels quinquagénaire se sont raréfiés. Si la classe et la carrure sont toujours là, le script, lui, n’est pas forcément à la hauteur du come-back, malgré la bonne volonté évidente du réalisateur Irvin Kershner qui sortait de l’aventure L’empire contre-attaque et sait filmer avec efficacité l’improbabilité (le saut du cheval à l’eau, chevauché par Connery et Basinger, du haut d’une tour d’une trentaine de mètres de hauteur !). Kershner n’était d’ailleurs pas le premier choix des producteurs qui envisageaient dans les années 70 Hitchcock ou Richard Donner… Kershner, malgré une bonne entente avec Connery qu’il connaissait pour l’avoir dirigé dans les années 60, premier cinéaste américain à se saisir de la caméra pour filmer un 007, posera néanmoins de gros soucis à la production, exigeant des réécritures nombreuses, ne se satisfaisant jamais du script.
Après un générique massacré par une horripilante chanson sur une scène d’action inappropriée (Bonnie Tyler refusera d’interpréter ce morceau !), Jamais plus jamais se fourvoie. La musique de Michel Legrand, avec son saxo jazzy, est hors sujet. Le choix du compositeur, imposé par Connery quand la production envisageait James Horner, agace. Évidemment, John Barry, compositeur historique des Bond, avait refusé d’associer son nom au projet par fidélité à Eon.
Les errances sont nombreuses également dans les diversions narratives et de ton, en raison de réécritures constantes lors du tournage même du film. La valse des scénaristes battait son plein. Introduisant aux côtés des scènes classiques (courses-poursuites sous-marines avec squales ou en voiture high-tech, la Renault 5 Turbo est la star techno du film), un humour iconoclaste plus proche de l’univers de Roger Moore (les gaffes de Rowan Atkinson, futur Mister Bean qui sortait de la série télévisée La vipère noire), Jamais plus jamais n’est pourtant pas désagréable à découvrir et s’avère même plus valeureux qu’Octopussy qui le dépasse largement au box-office, mais il est tellement perfectible.
Si les nombreux décors classieux et l’exotisme sont au rendez-vous, on soulignera particulièrement la présence de deux James Bond girls qui marquèrent la saga : Kim Basinger, pour sa beauté juvénile, moins que pour son jeu (on ne la sent pas à l’aise dans l’entreprise et met en avant des conflits avec le cinéaste), et surtout Barbara Carrera, tigresse gracieuse qui envenime le récit de ses charmes diaboliques. Nommée aux Golden Globes en 1984, elle est jubilatoire aux côtés d’un autre méchant de grand standing, Klaus Maria Brandauer, à la folie démesurée.
Quid du gadget, élément essentiel des derniers James Bond. Il est quelque peu oublié dans Jamais plus jamais par rapport aux précédentes péripéties de l’espion qui frôlait le catalogue. Désormais considéré comme trop exploité dans l’univers de Roger Moore, cet argument de vente n’a pas été sollicité par Sean Connery qui, pour son retour, voulait davantage faire parler l’humain. Dans cette longue aventure de 2h16 durant lesquelles un certain Steven Seagal a chorégraphié les scènes d’arts martiaux, jusqu’à en casser le poignet de Sean Connery, il est vrai que l’action peut lasser alors que le personnage mythique n’envoie au paradis des vilains que deux victimes. Pas de quoi faire frémir les foules.
Souvent oublié dans la filmographie des 007, Jamais plus jamais réapparaît en 2012 en Blu-ray dans une édition pour le coup officielle qui mérite le coup d’œil. Le blockbuster de 1983 qui signait la guerre des Bond fratricide avec Octopussy, n’est désormais plus dans la compétition, mais œuvre comme curiosité au sein d’une saga qui n’avait peut-être pas besoin d’un remake d’Opération tonnerre. A la mort de Kevin McClory en 2006, ses ayants droit se sont débarrassés de la source de conflit. Près de trente ans après la première VHS de Jamais plus jamais, la production concurrente rejoint les rangs, mais Eon et MGM refuseront de l’intégrer dans les intégrales DVD ou Blu-ray. Et, lors d’un ultime procès, ils feront savoir, au sujet d’un accord donnant aux acheteurs du coffret la possibilité d’obtenir une copie numérique du film et de Casino Royale, que leur décision de ne pas intégrer ces deux productions non-officielles aux futurs coffret James Bond sera inattaquable auprès de la justice.
Les sorties de la semaine du 30 novembre 1983
La saga James Bond sur CinéDweller
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Le blu-ray :
Edition moins riche que les opus officiels de la collection James Bond, mais pertinente.
Compléments : 2.5 / 5
Commentaire audio d’Irvin Kershner et Jay Rubin (spécialiste de James Bond), 3 featurettes.
La genèse : toute l’histoire incroyable de ce projet non officiel est évoquée par ses producteurs et le réalisateur décédé en 2010, Irvin Kershner, qui n’est jamais avare en anecdotes. En fait, ce supplément s’avère plus passionnant que le film lui-même, permettant un éclairage historique d’une époque passionnante.
Le retour de Sean (8mn) : retour sur la participation inespérée de Sean Connery dans ce projet. On tombe dans l’éloge un peu facile.
Les filles de Jamais plus jamais (10mn) : avec la participation de toutes les James Bond girls de l’époque, en particulier Barbara Carrera, toujours aussi éblouissante de beauté. On retient toutefois l’absence de Kim Basinger qui garde un bien mauvais souvenir de cette production où ce n’était pas vraiment le réalisateur qui la dirigeait mais son coiffeur de mari ! No comment.
La bande-annonce
L’image : 3.5 / 5
Par rapport aux autres films de la collection, le traitement de faveur a été moindre. Certes, l’image a été lavée et débarrassée des avaries du temps, mais paraît un peu sombre et bien moins exaltante, notamment dans le déploiement d’une profondeur de champ un peu indigente. On reste toutefois loin devant toutes les copies existantes de ce numéro, notamment grâce à une colorimétrie souvent soignée.
Le son : 3 / 5
Un Bond moins puissant. Le 5.1 DTS HD Master Audio en VO fait le job, mais la piste française n’est livrée qu’en Mono DTS HD. Certes, il s’agit du doublage d’époque et le son n’est pas abîmé, ni étouffé, mais en salle les spectateurs avaient pu le découvrir en salle en Dolby stereo ! Alors pourquoi pas de 2.0 HD ?