Série B italienne de bonne tenue, Palerme Milan aller simple constitue sans aucun doute le meilleur film du réalisateur Claudio Fragasso et son plus gros succès, du moins en Italie.
Synopsis : Rouage important de la mafia, Turi Leofonte est dénoncé. Alors qu’il doit être transféré de Palerme à Milan pour témoigner, sa femme et son fils sont assassinés. La police change subitement ses plans : une escorte improvisée, dirigée par l’inexpérimenté Nino, conduira Leofonte et sa fille. Le voyage est loin de se passer sans encombre…
Critique : Après une fort longue période de collaboration avec le cinéaste Bruno Mattei sur une série de films d’horreur tous plus bis les uns que les autres, Claudio Fragasso a choisi de s’affranchir de son compère à la fin des années 80. Pourtant, il s’attire les railleries des critiques et des fans du genre en réalisant le très Z Troll 2 (1990). Interpellé par le succès du film dans quelques salles américaines, Claudio Fragasso décide de se rendre à une projection en espérant entendre des cris de frayeur de la part du public américain. A son grand étonnement, il découvre des spectateurs hilares devant la nullité affligeante du produit fini.
Vexé, Claudio Fragasso choisit de retourner en Italie où il continue à œuvrer dans le cinéma populaire en faisant notamment tourner le comique Alvaro Vitali dans Pierino Stecchino (1992). Décidément loin d’une quelconque reconnaissance, le réalisateur cherche à tout prix un projet qui lui permette de montrer qu’il n’est pas qu’un ersatz italien d’Ed Wood.
Dans une Italie des années 90 où le cinéma populaire est totalement ravagé par la concurrence de la télévision, le cinéaste se dit que le polar est encore le seul genre qui peut potentiellement attirer le grand public en salles, comme en témoignent quelques succès récents (L’escorte de Ricky Tognazzi en 1993). Avec l’aide de sa compagne Rossella Drudi, Claudio Fragasso signe donc le script de Palerme Milan aller simple (1995) qui raconte le voyage mouvementé d’un groupe de policiers devant escorter un avocat repenti de Palerme jusqu’à Milan afin qu’il témoigne contre un parrain de la mafia.
Le postulat, plutôt simple, offre au réalisateur la possibilité de mettre en scène de nombreuses scènes d’action et de fusillades, tout en abordant une thématique classique dans la péninsule, à savoir le problème majeur que constitue le crime organisé. Produit par la société indépendante Globe Films, Palerme Milan aller simple dispose d’un budget tout à fait correct, permettant d’engager quelques valeurs sûres du cinéma local comme le grand Giancarlo Giannini ou encore Stefania Sandrelli.
Dans les rôles des policiers, Fragasso mise tout sur le charisme et la beauté physique du mannequin Raoul Bova qui s’en sort plutôt bien d’ailleurs, mais aussi sur la popularité naissante du comédien Ricky Memphis, ainsi que sur celle de Francesco Benigno. A cela, il convient d’ajouter les très justes Valerio Mastandrea et Stefania Rocca pour compléter un casting qui tient toutes ses promesses.
Si le scénario apparaît de prime abord comme assez complexe lors de l’exposition, le road-movie se met finalement assez rapidement en place et le cinéaste filme alors une course poursuite pied au plancher, avec des mafieux qui tentent par tous les moyens de stopper le convoi policier. Le tout est souligné par une très efficace partition musicale du grand Pino Donaggio. Certains passages de sa composition semblent d’ailleurs inspirés par les rythmiques entendues dans la bande originale de Nikita (Luc Besson, 1990) par Eric Serra. Il y ajoute toutefois une tonalité typiquement latine qui évite d’en faire un simple plagiat.
Mené tambour battant par un cinéaste qui n’hésite pas à tourner caméra à l’épaule, Palerme Milan aller simple est donc un film fort agréable à suivre, même si sa photographie ressemble un peu trop à celle d’un téléfilm, comme bon nombre de films italiens de cette époque.
Pour une fois salué par la critique italienne et marqué par un joli succès public, le polar nerveux sonne comme une revanche pour Claudio Fragasso, cinéaste tant décrié pour ses œuvres passées. Malheureusement, cela sera son seul véritable film honorable, puisqu’il a même échoué à retrouver la même verve avec la suite tardive intitulée Milan Palerme, le retour (2007), malgré un casting quasiment identique.
Grâce à son succès public italien, le film a été acheté en France par Goutte d’Or Distribution qui a proposé le polar dans les salles françaises durant l’été 1997 (à partir du 30 juillet). La même semaine, les Français pouvaient découvrir sur leurs écrans le film indépendant américain Albino Alligator (Kevin Spacey) avec Matt Dillon, le film d’action Contre-attaque (Stanley Tong) avec Jackie Chan, le thriller politique Haute trahison (George Pan Cosmatos) avec Charlie Sheen, le thriller mental Mémoires suspectes (John Dahl) avec Ray Liotta et Linda Fiorentino.
Mais on compte aussi Meurtre à la Maison Blanche (Dwight H. Little) avec Wesley Snipes, la première réalisation de Johnny Depp The Brave ou encore la comédie Un éléphant sur les bras (Howard Franklin), menée par Bill Murray. On notera donc la domination des programmes américains, pour la plupart dans le domaine du thriller, qui viennent donc directement concurrencer Palerme Milan aller simple.
Loin de posséder le budget suffisant pour rivaliser avec les séries B américaines, le film italien indiffère totalement le public parisien (3 258 entrées en fin de course) et même provincial (11 230 entrées au total). Par la suite, l’éditeur Free Dolphin a tenté de surfer sur la sortie en salles pour éditer une VHS dès 1997. Mais le film a ensuite totalement disparu des radars en France où il demeure quasiment inconnu. Le seul moyen de le découvrir passe donc aujourd’hui par les plateformes.
Critique de Virgile Dumez
© 1995 Globe Films, Production Group S.r.l. / Affiche : Olivia Design (agence). Tous droits réservés.
Claudio Fragasso, Stefania Sandrelli, Giancarlo Giannini, Romina Mondello, Riccardo Serventi Longhi, Benito Pacifico, Stefania Rocca, Valerio Mastandrea, Raoul Bova, Ricky Memphis, Francesco Benigno
Cinéma italien, Film de mafia, Poliziottesco, Les gangsters au cinéma, Road Movie