Petit thriller espagnol sur fond de SF, Mindscape tient la route grâce à un script solidement charpenté et une ambiance mystérieuse qui accroche le spectateur. La réalisation demeure un peu trop sage, mais l’ensemble se suit avec plaisir.
Synopsis : Un parapsychologue, employé de la firme MINDSCAPE spécialisée dans la recherche d’éléments de preuve dans les souvenirs, et qui reprend le travail deux ans après avoir perdu femme et enfant, doit s’occuper du cas d’une adolescente anorexique qui s’avère plus compliqué qu’il n’y paraît.
La belle époque du cinéma de genre ibérique
Critique : Au cours des années 2000, le cinéma de genre espagnol a connu une énorme popularité dans le monde entier grâce à l’arrivée d’une nouvelle génération de cinéastes talentueux. Parmi eux, on peut citer Alejandro Amenabar (Tesis, Ouvre les yeux, Les autres), Jaume Balagueró (La secte sans nom, Fragile, REC), mais aussi Juan Antonio Bayona (L’orphelinat) ou encore Jaume Collet-Serra (La maison de cire, Esther). Ce dernier a d’ailleurs particulièrement bien réussi son intégration aux Etats-Unis où il a connu un énorme succès grâce à son thriller Esther en 2009, puis à son film d’action Sans identité (2011) avec Liam Neeson. Devenue une valeur sûre aux Etats-Unis, Jaume Collet-Serra a décidé de créer sa propre compagnie de production nommée Ombra Films. Son but était d’aider des compatriotes à franchir l’Atlantique et à réaliser leur rêve hollywoodien.
Mindscape – en réalité Anna en Espagne – constitue justement la toute première production de la firme de Jaume Collet-Serra en 2013. Pour mener à bien ce projet basé sur un script de Guy Holmes, Collet-Serra a fait appel à Jorge Dorado qui s’est fait repérer par la profession grâce à une bonne dizaine de courts-métrages fort appréciés. Pour l’Espagnol, Mindscape constitue donc sa première incursion dans le long-métrage destiné au cinéma.
Mindscape bénéficie d’un script bien tortueux
Pour donner plus d’impact à cette production de série B (budget de 7 M$), le cinéaste novice bénéficie d’un casting international constitué des Britanniques Mark Strong, Brian Cox, Saskia Reeves et de la jeune Américaine Taissa Farmiga, sœur cadette de Vera Farmiga. Mais surtout, il peut compter sur un script particulièrement retors qui brasse plusieurs niveaux de réalité comme autrefois des œuvres comme Total Recall (Paul Verhoeven, 1990), The Cell (Tarsem Singh, 2000) ou encore Minority Report (Steven Spielberg, 2002).
Attention toutefois, Mindscape ne peut aucunement jouer dans la même catégorie que les films précédemment cités puisque son budget ne lui permet que quelques intrusions dans les souvenirs des personnages. Loin d’être fantastiques, ces moments demeurent parfaitement réalistes et seule la présence du médium dans la scène indique que nous sommes plongés dans la mémoire d’un des protagonistes.
Qui manipule qui ?
Le film débute donc comme une enquête classique, mais qui est agrémentée par un élément de science-fiction. Il existe ici des mémo-enquêteurs qui sont donc capable de visiter les souvenirs des personnes pour essayer de débloquer un trauma ou – dans le cas d’une enquête judiciaire – pour identifier ce qui s’est réellement passé sur une scène de crime. Ainsi, l’enquêteur joué avec beaucoup d’autorité par Mark Strong est confronté au cas apparemment simple d’une jeune fille qui refuse de s’alimenter et il doit en trouver les raisons profondes en scrutant ses souvenirs. Toutefois, ce qui semblait initialement une mission banale va se révéler bien plus complexe lorsqu’il apparaît que la jeune fille est peut-être une manipulatrice hors pair, ou bien la victime d’un complot familial.
Située dans une grande demeure somptueuse, l’action du film capte assez rapidement l’attention du spectateur par la multiplication d’éléments contradictoires qui suscitent l’interrogation. Toujours au même point que l’enquêteur, le spectateur découvre petit à petit les ressorts d’une intrigue construite sur des twists multiples, dont le dernier est sans doute le plus inattendu, sans être incohérent pour autant. L’ensemble est rondement mené, sans temps mort, par un jeune cinéaste qui maîtrise l’espace. On aurait sans doute aimé un travail un peu plus fourni sur les mouvements de caméra et la photographie, mais le résultat final demeure tout à fait honorable.
Un divertissement agréable qui est resté inédit en France
Si les acteurs britanniques sont rompus à l’exercice et livrent des prestations fortes, on peut regretter le choix de la très frêle Taissa Farmiga pour jouer un rôle aussi complexe. On est loin des saveurs du jeu d’une Sharon Stone dans Basic Instinct – pour rester dans le domaine des manipulatrices. Certes, les deux actrices n’avaient pas le même âge, mais la capacité d’incarnation n’est pas non plus la même. Pour sa défense, Taissa Farmiga n’avait pas vingt ans lors du tournage.
Bon thriller qui fait passer un agréable moment, Mindscape n’est pas un incontournable et ne révolutionne en rien le cinéma américano-espagnol. D’ailleurs, le film fut un échec commercial lors de sa sortie américaine, puis européenne. En France, où les spectateurs sont peu versés dans le cinéma de nos voisins ibériques dès qu’il n’est pas signé Almodovar, Mindscape n’est tout simplement jamais sorti, ni au cinéma, ni en vidéo. Il est finalement apparu directement sur les plateformes VOD par le biais de StudioCanal qui en possède les droits. Depuis, le cinéaste Jorge Dorado a surtout œuvré à la télévision pendant une décennie, avant de revenir récemment au cinéma avec le décevant La maleta (2022).
Critique de Virgile Dumez
Voir le film en VOD
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Jorge Dorado, Taissa Farmiga, Brian Cox, Jessica Barden, Mark Strong, Saskia Reeves
Mots clés
Cinéma espagnol, La manipulation au cinéma, La mémoire au cinéma, Les films de SF des années 2010