Total Recall : la critique du film (1990)

Science-fiction | 1h53min
Note de la rédaction :
8.5/10
8.5
Total Recall, affiche reprise 2020

  • Réalisateur : Paul Verhoeven
  • Acteurs : Michael Ironside, Arnold Schwarzenegger, Sharon Stone, Ronny Cox, Rachel Ticotin
  • Date de sortie: 17 Oct 2020
  • Nationalité : Français, Italien, Américain
  • Titre original : Total Recall
  • Titres alternatifs : Total Recall, Voyage au centre de la mémoire
  • Année de production : 1989
  • Scénariste(s) : Ronald Shusett, Dan O'Bannon, Gary Goldman, Jon Povill d’après la nouvelle ‘‘Souvenirs à vendre’’ de Philip K. Dick
  • Directeur de la photographie : Jost Vacano
  • Compositeur : Jerry Godlsmith
  • Société(s) de production : Carolco (société de Mario Kassar et Andrew Vajna)
  • Distributeur (1e sortie) : Columbia TriStar France
  • Distributeur (reprise) : Carlotta
  • Date de reprise : 16 septembre 2020 (4K)
  • Éditeur(s) vidéo : GCR (VHS première édition), StudioCanal (DVD, blu-ray)
  • Date de sortie vidéo : Septembre 1991 (VHS), 24 février 2003 (DVD), 2007 (blu-ray), 5 novembre 2013 (Ultimate Rekall Edition, blu-ray)
  • Box-office France / Paris-Périphérie : 2 360 003 entrées / 560 283 entrées (13 semaines d'exploitation) - 5 147 entrées / 1 602 entrées (Reprise 2020)
  • Box-office nord-américain : 119 394 840$ (6e annuel)
  • Budget : 65 000 000$
  • Classification : Interdits aux moins de 12 ans
  • Formats : 1.85 : 1 / Couleurs - Restauration 2020 4K /
  • Festivals et récompenses : Festival de Deauville 1990
  • Illustrateur / Création graphique : Casaro (affiche italienne)
  • Crédits : © Carolco / StudioCanal
  • Franchise : 1er volet de la franchise
Note des spectateurs :

Total Recall est un blockbuster monumental, un objet filmique à la fois divertissant et profond de par ses multiples niveaux de lecture. Tout simplement l’un des meilleurs Schwarzenegger en dehors de la saga Terminator. Et un Verhoeven qui compte.

Synopsis : La planète Terre, 2048. Hanté par un cauchemar qui l’entraîne chaque nuit sur Mars, Doug Quaid s’adresse à un laboratoire, Rekall, qui lui offre de matérialiser son rêve grâce à un puissant hallucinogène. Mais l’expérience dérape : la drogue réveille en lui le souvenir d’un séjour bien réel sur Mars, à l’époque où il était l’agent le plus redouté du despote Cohaagen. Des tueurs désormais à ses trousses, Quaid décide de repartir sur la planète rouge où l’attendent d’autres souvenirs et bien d’autres dangers…

Arnold Schwarzenegger dans Total Recall, 4K -

© StudioCanal. Tous droits réservés.

Genèse d’une œuvre monstre

Critique : La genèse de Total Recall est une aventure en soi. Très librement inspiré de la nouvelle Souvenirs à vendre écrite par Philip K. Dick en 1966, le film a connu de nombreux démarrages successifs, et ce dès le début des années 70. D’abord achetés par le scénariste Donald Shusett, les droits de la nouvelle lui permettent d’écrire un premier script avec la complicité de Dan O’Bannon (futur scénariste d’Alien) en 1974. Il faut toutefois attendre le début des années 80 pour que Dino De Laurentiis en fasse l’acquisition et lance la production d’un long-métrage. Les noms de David Cronenberg, Richard Rush et Bruce Beresford sont successivement apparus dans la case réalisation, tandis que Patrick Swayze est envisagé dans le rôle de Quaid. Des décors sont même construits, avant que la société de De Laurentiis ne fasse faillite et enterre le projet pour quelques années. Fin des années 80, Schwarzenegger se dit intéressé par l’idée et achète le script pour la société Carolco. C’est également lui qui engage Paul Verhoeven, le réalisateur hollandais sortant tout juste du succès de RoboCop (1987). Après quelques retouches effectuées sur le script, le tournage titanesque est enfin lancé. Avec une enveloppe de plus de 65 millions de dollars (colossale à l’époque) – dont 10 rien que pour Schwarzy – le projet devient un monstre destiné à cartonner dans le monde entier. Il s’agit alors de la machine la plus imposante de toute la carrière du cinéaste hollandais.

Sharon Stone dans Total Recall, 4K

© StudioCanal. Tous droits réservés.

Un message politique séditieux

Malgré les impératifs commerciaux à l’œuvre sur une telle production, Paul Verhoeven a réussi à ne pas diluer son talent et propose un film de science-fiction ambitieux, aussi bien sur le plan visuel que thématique. L’apport principal étant le double niveau de lecture d’un divertissement loin d’être anodin. Tout d’abord, le réalisateur renouvelle l’expérience initiée avec RoboCop en insérant des images d’actualité qui dénoncent clairement la mainmise d’un pouvoir totalitaire sur des médias aux ordres. La société décrite par Verhoeven apparaît progressivement comme fascisante avec une exclusion systématique de ceux qui sont différents (ici des mutants voués notamment à la prostitution) et une élite qui régule l’air en fonction de ses intérêts politiques et économiques. Dès lors, tous les éléments qui contredisent la propagande gouvernementale sont considérés comme des terroristes.

Mars, la planète route de Total Recall (1990)

© StudioCanal. Tous droits réservés.

Mais là où Verhoeven et ses scénaristes marquent des points, c’est dans l’incertitude constante de la véracité de ce qui se déroule à l’écran. On ne saura jamais vraiment si tout ce qui se passe durant le film est vraiment arrivé au personnage principal ou si nous sommes en présence d’un rêve implanté par la société Rekall. Au lieu de rassurer le spectateur en donnant une explication claire, Verhoeven opte pour l’ambiguïté et réfléchit ainsi de manière pertinente sur le statut de l’image filmée. La figure même de Schwarzenegger, cette espèce de géant aux muscles hypertrophiés, vient renforcer l’impression d’irréalité d’un film qui ne se prend jamais totalement au sérieux, sauf peut-être dans son message politique séditieux.

Total Recall osait la violence… et Sharon Stone

Au-delà de cette richesse thématique, Total Recall demeure encore un divertissement exaltant, dynamité par des excès de violence graphique comme seul Paul Verhoeven osait le faire. Souvent très violent, le film propose quelques images très gore que l’on n’imagine plus trouver dans un blockbuster d’aujourd’hui. Autre point positif, la présence de Sharon Stone qui entamait ici une belle collaboration avec le réalisateur qui la révélerait au monde entier deux ans plus tard dans Basic Instinct. Déjà perverse et méchante, l’actrice fait preuve d’une vraie présence à l’écran, contrairement à la fade Rachel Ticotin qui semble faire tapisserie face à Schwarzy. Pour les méchants, Ronny Cox et Michael Ironside, deux acteurs habitués à ce type de rôle dans les années 80, sont absolument parfaits de veulerie.

Arnold Schwarzenegger dans Total Recall, 4K

© StudioCanal. Tous droits réservés.

Ayant été tourné à l’ère du pré-numérique, Total Recall a quelque peu vieilli dans ses effets spéciaux. Les nombreux décors – par ailleurs beaux et impressionnants – font parfois factices. Certaines transparences ne sont pas très heureuses, alors que les effets de maquillage de Rob Bottin tiennent encore largement la route de nos jours. Enfin, comme dans la plupart des films de SF, la vision du futur souffre de quelques incohérences visibles seulement de nos jours : ainsi les ordinateurs sont de grossières bécanes qui nous renvoient à la préhistoire de l’informatique alors que l’histoire est censée se dérouler en 2048. Mais passons sur ces éléments qui ne pouvaient pas être pris en compte à cette époque.

En l’état, le long-métrage est un excellent blockbuster, à la fois fun, divertissant et intéressant sur le plan thématique, très loin de la médiocrité de son remake de 2012, Total Recall : Mémoires programmées qui lui fut un lourd échec. Ayant glané plus de 260 millions de dollars dans le monde (2 362 915 spectateurs rien qu’en France, malgré une interdiction aux moins de 12 ans), il s’agit de l’un des titres de gloire de Schwarzenegger et une jolie date dans le genre de la SF.

Critique de Virgile Dumez

Sorties de la semaine du 17 octobre 1990

Reprise en salle la semaine du 16 septembre 2020 – copie restaurée 4K

Les archives CinéDweller

© Carolco / StudioCanal. Tous droits réservés.


Dossier Total Recall sur Cinédweller

Copyrights CinéDweller – Frédéric Mignard – StudioCanal

Box-office :

Eté 1990. Les blockbusters estivaux aux USA s’appelaient Die Hard 2, sequel réussi de Piège de Cristal (117M$ pour un budget de 70), ou Dick Tracy avec Warren Beatty, Madonna et Al Pacino. L’adaptation du comics réalisait 103M$ pour un budget de 47M$. Il y a avait aussi Retour vers le futur 3, ultime segment de la saga de Robert Zemeckis, produite par Spielberg, (87M$ pour un budget de 40M$) ; Jours de tonnerre, semi-échec pour Tom Cruise qui fit couler beaucoup d’encre (82M$ pour un budget de 45M$) ; la suite moyenne de 48 heures, avec Eddie Murphy et Nick Nolte (80M$) ; Comme un oiseau sur la branche (avec Mel Gibson et Goldie Hawn truculents, 70M$) ; Robocop 2 (45M$) et surtout l’accident industriel Gremlins 2 de Joe Dante (41M$ quand l’original avait cassé la baraque, avec plus de 153 M$).

L’un des 5 plus gros succès d’Arnold Schwarzenegger aux USA

Les archives CinéDweller : CinéScope affiche Total Recall

Total Recall fait sa promo en Une de CinéScope. © Carolco – StudioCanal. Tous droits réservés.

La grosse surprise estivale s’appelait Ghost, un petit budget avec Patrick Swayze, Demi Moore et Whoopi Goldberg, parti d’un budget de 22M$ pour atteindre les 217M$ rien qu’aux Etats-Unis. Les midinettes ont gardé leur mouchoir d’époque. Humide, cela va de soit. Les larmes sont éternelles. On passe, là n’est pas totalement le sujet.

L’été 1990 fut surtout celui d’un blockbuster violent et robuste, une épopée de science-fiction épique signée Paul Verhoeven, d’après l’auteur de Blade Runner. Verhoeven sortait du succès du premier Robocop en 1987, une série B de 13M$ qui allait dépasser in fine les 50 millions juste aux USA. Schwarzenegger était la méga-star estivale de l’époque. Tout allait bien dans le meilleur des mondes.

Arnold Schwarzenegger méga-star

Avec Total Recall, c’est la gloire du futur réalisateur de Basic Instinct et surtout la confirmation pour Arnold Schwarzenegger qu’il est officiellement le gros bras numéro 1 du box-office américain. Stallone est exsangue. Les suites de Rocky (le 5) et de Rambo (le 3), se sont vus infliger des camouflets spectaculaires quand l’Autrichien célèbre là son deuxième film au-dessus des 100 000 000$, puisqu’après les 111M$ de Jumeaux (la comédie d’Ivan Reitman, avec Danny DeVito), Total Recall s’installe pieusement au-dessus, à 119 000 000$, devenant officiellement le plus gros succès américain de la vedette de Conan. En 2020, aux USA, le film culte de Verhoeven demeure son 4e plus gros score tout court, derrière T2 (204 843 345$), T3 (150 350 192$) et True Lies (146 282 411$).

Le budget le plus élevé de l’histoire ?

En 1990, Total Recall battra à peu près toute la concurrence estivale et finira à la 6e place annuelle, pour un budget annoncé comme le plus élevé de l’histoire du cinéma. Carolco qui traversait quelques tracas financiers, aurait investi pas moins de 70M$ sur le film. Un budget au moins égal à celui du couteux Dick Tracy qui, malgré la présence de Madonna, se contentera de la 9e place annuelle. Aujourd’hui le budget -hors marketing et frais de lancement- a été revu à la baisse. Il y a fort à parier qu’il ne s’agissait que d’un argument commercial.

Total Recall, affiche reprise 2020

Design affiche 2020 : Kyle Lambert

L’époque où les blockbusters américains ne sortaient qu’à l’automne

En France, le film connaît une sortie post-été comme tous les blockbusters. L’été est réservé aux fonds de tiroir, aux vilaines séries B. Les productions à gros budgets se succèdent entre septembre et la fin du mois d’octobre. 58 minutes pour vivre, Dick Tracy, Jours de tonnerre et donc Total Recall écrasent la concurrence sur ces deux mois. Total Recall est présenté en grande pompe à Deauville. Le festival est celui des stars américaines, les vraies. Il n’est pas devenu une répétition de Cannes et un strapontin pour des productions indépendantes. Deauville accueille de grosses machines pour des premières françaises spectaculaires.

Total recall fête les morts à la Toussaint

Total Recall voit sa date de sortie placée au 17 octobre pour profiter des vacances de la Toussaint. Il vient un peu au bout d’un long processus de distribution : A la poursuite d’octobre rouge le 29 août, Robocop 2 le 5 septembre, Comme un oiseau sur la branche le 12, Bienvenue au paradis d’Alan Parker et Les Affranchis de Martin Scorsese le 19, puis Dick Tracy le 26, 58 minutes pour vivre le 3 octobre, Présumé innocent avec Harrison Ford le 10… Hollywood ne plaisante pas avec ses dates de sorties qui correspondent plus ou moins à ce que les exploitants et spectateurs connaissent désormais entre avril et août. C’est le vieux monde, celui de l’avant-mondialisation, de l’avant-internet, l’époque où il fallait laisser du temps aux doublages et comprendre la réalité du vide des salles parisiennes pendant deux longs mois.

Total Recall affiche fièrement ses entrées, Pariscope 1990

Les archives CinéDweller – Total Recall affiche fièrement ses entrées, Pariscope 1990 – Tous droits réservés.

Lancée dans 45 salles sur Paris-périphérie, l’adaptation de Philip K. Dick ne laisse aucune place à la concurrence. 32 972 entrées pour son premier jour parisien, 211 238 entrées en première semaine, c’est la meilleure entame depuis février 1990. La semaine suivante, l’ultime blockbuster estival, Jours de tonnerre avec Tom Cruise, démarrera à 9 410 entrées dans 40 salles, pour une première semaine parisienne à 100 723 spectateurs et une 4e place. Tom Cruise réitérait dont le flop américain de son film de course, sa première contre-performance depuis Legend, en 1985, et le début d’une traversée du désert pendant 3 ans. Schwarzy, lui, confirmait en 2e semaine, avec 134 573 spectateurs (-36%). Total Recall est talonné par une certaine Palme d’or cannoise, Sailor et Lula de David Lynch, qui s’infiltrait entre deux grosses productions en 3e place. On est en France, le film d’auteur exigeant et le cinéma commercial s’additionnent bien au box-office. Et comme on en a une culture, c’est Pagnol et La gloire de mon père qui était le roi du box-office. Même mort, il est increvable Marcel.

Cover blu-ray Total Recall, ultimate rekall edition

© Carolco – StudioCanal. Tous droits réservés.

En 3e semaine, Total Recall est solide (97 834). La chute s’effectuera après les vacances, pour une 4e semaine à 47 523 Parisiens. En 7e semaine, le monument de science-fiction ne sera plus exploité que dans 5 salles pour 6 613 spectateurs. Total Recall restera 13 semaines à l’affiche sur Paname, finissant sa carrière à moins de 1 000 entrées sur l’un cinéma des Champs Elysées, le George V, oui ce cinéma multisalles qui a fermé… en 2020.

Total Recall, sans record, mais une très belle affaire

Au final, les deux millions d’entrées passés du film sont loin d’être phénoménales. Sylvester Stallone, lors de sa belle époque, avait dépassé quatre fois les 3 millions, et même ses flops (Over the Top, Cobra, et à quelques entrées près, Rambo III, avaient franchi les 2 millions). Arnold Schwarzenegger avait déjà fait mieux avec le premier Terminator et même Commando. Mais pour Verhoeven, cela restera le 2e score de sa carrière française. Le grand spectacle n’est pas aussi lisse et consensuel que l’on aurait pu l’imaginer. Et son interdiction aux moins de 12 ans était là pour nous le rappeler.

Total Recall et les salles le diffusant lors de sa première semaine d'exploitation parisienneDepuis Total Recall a cartonné sur Canal +, en VHS chez GCR, en location et à la vente, en laser disc chez le même éditeur et il est même édité plusieurs fois en DVD, blu-ray, avec une Ultimate Rekall Edition quelque peu mensongère en 2013, puisque le blockbuster ressortira en physique Ultra HD 4K. Pour ceux qui ont de la mémoire, on se souvient avec délice de la copie HD DVD, le fameux concurrent mort né du blu-ray.

Les éditions limitées seront légion comme aux USA, avec un collector chez Artisan, un beau boitier luxueux format XXL couplant le film à Terminator en France, ou en steelbook… Bref, ce Verhoeven est un beau coup pour StudioCanal qui a récupéré les droits après la faillite de la Carolco qui coula à la suite du désastre de Renny Harlin. En effet, L’île aux Trésors, à l’instar des Portes du Paradis de Cimino ou Coup de coeur de Coppola, est de la race de ces rares films à avoir assené un coup fatal à un studio…

Carlotta, en association avec StudioCanal ressortira Total Recall le 16 septembre 2020.

Frédéric Mignard

Edition blu-ray triple Play Total recall UK

© Carolco – StudioCanal. Tous droits réservés.

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Total Recall, affiche reprise 2020

Bande-annonce de Total Recall

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