Film bis qui tente maladroitement de surfer sur les récents succès de Délivrance et Rambo, Blastfighter multiplie les mauvais choix artistiques et s’avère drôle au quinzième degré.
Synopsis : Quand la femme de Jake «Tiger» Sharp, un ancien policier, a été assassinée sauvagement, celui-ci, fou de douleur, s’est lancé à la poursuite du meurtrier, bien décidé à ce que justice soit faite. L’ayant enfin trouvé, il n’a pas pu se résoudre à l’arrêter pour le remettre aux autorités. Il a préféré se venger lui-même et a abattu le tueur. Arrêté, Jake a été condamné à de longues années de prison. Après avoir purgé sa peine, il retourne dans sa Géorgie natale, espérant échapper au passé et repartir sur des bases plus saines. Mais sur la route, un de ses amis lui offre une arme redoutable. Arrivé chez lui, il remonte une filière de braconnage…
Blastfighter ou l’art du recyclage à l’italienne
Critique : Alors qu’il n’a tourné jusqu’alors que des thrillers malsains (Baiser macabre et La maison de la terreur), Lamberto Bava est approché par le producteur Luciano Martino afin de réaliser Blastfighter, l’exécuteur en remplacement de Lucio Fulci, parti errer sur les plateaux de 2072, les mercenaires du futur (1984).
A l’origine, le métrage a été vendu sur la base d’un titre et d’une affiche mettant en avant l’aspect science-fictionnel du film. Pas une ligne n’était écrite – pratique alors très en vogue chez nos voisins transalpins – et le scénariste Dardano Sacchetti a ensuite compilé des idées venues de films américains en vogue pour créer de toute pièce une intrigue « originale ». Ici, plusieurs métrages ont été mis à contribution. On pense bien évidemment à Délivrance de John Boorman pour le côté survival en pleine forêt, mais aussi par la présence hautement symbolique de Billy Redden, le joueur de banjo iconique du shocker de 1972.
Lorsque le personnage principal cherche à fuir son passé, il passe son temps à parcourir la forêt en faisant mine de chasser le cerf, comme Robert De Niro dans Voyage au bout de l’enfer (et son titre original plus explicite The Deer Hunter). Mais, une fois que le héros décide de se venger de la mort de ses amis, Blastfighter, l’exécuteur devient un démarquage à peine déguisé de Rambo (Ted Kotcheff, 1982).
Quand la surenchère est l’ennemi du bien!
Malgré cette avalanche de références prestigieuses, le film de Lamberto Bava n’arrive jamais à un centième des qualités requises pour égaler ces œuvres culte. Tout d’abord, l’exposition des motivations du personnage principal souffre d’un montage abrupt, assez peu compréhensible. Ensuite, la plupart des dialogues font pitié, déclenchant très souvent l’hilarité sans que cela soit voulu. Enfin, le script multiplie les situations les plus improbables par la faute d’une surenchère idiote.
© René Chateau Vidéo / Visuel : Renato Casaro. Tous droits réservés.
Ainsi, lorsque la traque dégénère avec le viol et l’assassinat des amis du héros, les chasseurs impliqués parviennent à rameuter plus d’une trentaine de leurs comparses pour une chasse à l’homme sanglante. On savait les Américains avides de violence et prompts à utiliser des armes à feu, mais on se demande comment autant de personnes peuvent valider la traque et le massacre de leurs concitoyens. Une fois la chasse débutée, le script part en vrille et le défenseur de la nature n’hésite pas à trucider tous ceux qui se mettent sur sa route, sans jamais se poser la moindre question éthique. Bref, Blastfighter, l’exécuteur constitue un bon exemple de pur produit d’exploitation, plutôt mal fagoté cette fois.
Des acteurs qui basculent dans la caricature
Dans le rôle principal, Michael Sopkiw s’acquitte de son rôle avec un certain professionnalisme, même s’il n’a pas beaucoup de charisme (il abandonna le cinéma au bout de cinq rôles dans le bis rital pour se spécialiser dans des études scientifiques sur les plantes). Face à lui, George Eastman cabotine un maximum, ce qui est d’ailleurs sa spécialité. Il ne parvient toutefois pas à extraire son rôle de la caricature.
A noter également la présence de Michele Soavi dans un petit emploi. Le futur réalisateur de Dellamorte Dellamore (1994) était également assistant de Lamberto Bava sur cette petite production qui vaut donc son pesant de cacahuètes en matière de séquences bis. Finalement, l’unique point positif du métrage vient de sa musique typique de l’époque signée Fabio Frizzi. Les amateurs de ce thème pourront d’ailleurs le retrouver réemployé tel quel dans Massacre dans la vallée des dinosaures (Michele Massimo Tarantini, 1985), également avec Michael Sopkiw dans le rôle principal.
Vinyle Blastfighter l’exécuteur – Visuel : C. Casaro, tous droits réservés
Une sortie française discrète
Sorti en France la même semaine que L’année des méduses (Christopher Frank), mais aussi que L’arbalète (Sergio Gobbi) ou Les rues de feu (Walter Hill), Blastfighter, l’exécuteur n’est entré qu’à la 17ème place du box-office parisien avec un total de 17 418 guerriers dans une combinaison de 11 salles. Par la suite, il a continué son chemin durant cinq semaines pour combler d’aise 40 349 bisseux.
Toujours en 1984, l’éditeur René Chateau Vidéo a édité une VHS qui mettait en avant le titre L’exécuteur, avec en contrebas du visuel Blastfighter. Il a fallu attendre 2023 pour voir apparaître en France une version blu-ray chez Le Chat qui Fume, cette fois titrée uniquement Blastfighter. La galette contient par ailleurs des entretiens croisés avec Lamberto Bava, George Eastman et le chef opérateur Gianlorenzo Battaglia, d’une durée de 38 minutes.
Critique de Virgile Dumez
Box-office de Blastfighter l’Exécuteur
Initialement prévu pour le 26 septembre 1984, Blastfighter l’exécuteur de John Old Jr./Lamberto Bava, est proposé finalement en salle deux mois plus tard. Pour le distributeur Jacques Leitienne, il s’agit de réitérer le score excellent de 2019 après la chute de New York, distribué en janvier de la même année. La série B post apocalyptique avait alors généré 600 000 entrées. Un score énorme pour ce produit minuscule à tendance Z. Finalement, le 26 septembre, c’est 2020 Texas Gladiateurs qui apparaît dans 4 cinémas parisiens, chez LMD. Pas de bol.
Jacques Leitienne repousse son ersatz de Rambo au 7 novembre, puis au 14 novembre, puisqu’il préfère visiblement insérer Comment draguer tous les mecs sur les grilles de distribution, le 7 novembre.
Le 14 novembre, Blastfighter l’exécuteur trouve finalement 11 salles à Paris-Périphérie, la 6e meilleure exposition pour une nouveauté derrière L’année des méduses (43 salles), Par où t’es rentré, on t’as pas vu sortir (35), Les rues de feu (34), L’arbalète (24) et 1984 (17). Toutes ces grosses sorties démarrent au-dessus des 7 000 spectateurs (même 23 000 pour L’année des méduses). Blastfighter doit se contenter de son côté de 1 920 spectateurs.
A l’issue de sa première semaine, ce sont bel et bien 17 418 tickets qui ont été vendus à Paris, soit une 15e position plutôt digne, puisqu’il s’agit de la seule série B italienne dans un classement dominé par des productions marketées, françaises ou américaines.
Blastflighter l’exécuteur était présent, en première semaine, dans 7 salles en intra-muros : UGC Ermitage, UGC Odéon, Rex, Montparnos, UGC Gare de Lyon, Paramount Montmartre, et Paramount Opéra. Quatre de ces cinémas obtiennent plus de 2 000 spectateurs. Un score satisfaisant. Parallèlement, la production italienne imposait deux copies à Lyon pour 2 605 spectateurs. Marseille le célèbre à hauteur de 1 161 spectateurs. A Strasbourg, ce sont 1 107 bisseux qui tentent l’expérience.
© 1984 Medusa Distribuzione – National Cinematografica – Nuova Dania Cinematografica – Les Films Jacques Leitienne / Affiche : Renato Casaro. Tous droits réservés.
La deuxième semaine de Blastfighter est convenable, puisque certes, le film passe sous la barre des 10 000 entrées, mais il circule désormais dans moins de 10 salles. Désormais le film de Bava Junior est exploité à l’UGC Ermitage, au Rex, au Montparnos, à l’UGC Gare de Lyon et au Paramount Opéra. Avec 9 968 entrées dans 7 salles, c’est bel et bien un score convenable pour ce micro film. En province, le sous-Rambo apparaît à Montpellier (818 entrées), cartonne encore à Lyon (2 043)…
En 3e semaine, Blastfighter l’exécuteur survit avec brio, puisque désormais Jacques Leitienne n’a plus que 4 écrans à Paris et trouve néanmoins 4 682 entrées, soit un total de 32 000 spectateurs. Au Rex, L’Exécuteur (futur titre vidéo) braque encore 1 348 spectateurs ! Face à la libération des copies, Les Films Jacques Leitienne se trouve une place triomphale à Bordeaux (2 549), à Grenoble (1 512), à Lille (1 873) et 1 650 spectateurs à Toulouse. Le film est 15e du box-office province qui regroupe les 15 plus grandes villes françaises. Un score honorable pour une œuvre dont la seule promotion se résumait à une affiche et une bande-annonce diffusée en salle. Leitienne y trouve un succès plus conséquent que Comment garder tous les mecs et A 16 ans dans l’enfer d’Amsterdam qu’il a sorti dans la foulée de Blastfighter.
En 4e semaine, à Paris, Michael Sopkiw séduit encore 5 252 clients. Une dynamique qui passe par l’apparition du film sur deux cinémas de quartier (le Ciné-Paris et le Hollywood Boulevard). Le Mistral complète le trio d’écrans qui le diffuse à Paris. En province, les chiffres sont stables, avec notamment une belle continuité à Bordeaux (4 000 entrées en 15 jours). L’Exécuteur apparaît aussi à Nantes, avec 1 150 Bretons.
Pour son ultime tour parisien, Blastfighter l’exécuteur trouve 3 029 entrées à la Cigale et tire sa révérence avec un total de 40 349 spectateurs.
- Premier jour Paris-Périphérie : 1 920 spectateurs (11 salles)
- Première semaine Paris-Périphérie : 17 418 spectateurs
- Total Paris-Périphérie : 40 349 entrées
Revue de presse :
- Starfix : “Bava fait ce qu’il peut pour mettre en boîte la ratatouille. On le reconnaît parfois. Au détour d’un cadrage ou d’un clin d’œil macabre (…). N’empêche : il s’est fait quand même tout petit. “(François Cognard)
- Mad Movies : “Blasfighter est plutôt bien ficelé et a le mérite de ne comporter aucun temps mort (…). (…) la violence extrême qui s’y déploie constamment apporte une touche de malsanité et de folie vengeresse qui peut paraître gratuite mais constitue en tout cas le nerf moteur du film.” (Denis Trehin)
- La Saison Cinématographique : Faute d’originalité, cela se laisserait regarder sans déplaisir si le réalisateur parvenait à nous faire ressentir la montée de la tension. Mais ce n’est pas le cas. Le film reste trop mou ou trop prévisible. (Yves Alion)
Box office de Frédéric Mignard
Les sorties de la semaine du 14 novembre 1984
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© 1984 Medusa Distribuzione – National Cinematografica – Nuova Dania Cinematografica – Les Films Jacques Leitienne / Affiche : Renato Casaro. Tous droits réservés.
Biographies +
Lamberto Bava, George Eastman, Michael Sopkiw, Michele Soavi, Valentina Forte, Stefano Mingardo
Mots clés
Cinéma bis italien, Nanar d’action des années 80, Survival, La forêt au cinéma