Véritable nanar kitsch, 2072, les mercenaires du futur délivre tout de même quelques bons moments au cœur d’une histoire assez délirante. On aime également sa dénonciation d’une certaine télévision poubelle. Un Lucio Fulci qui mérite une seconde chance grâce à une copie de bonne qualité.
Synopsis : Rome, 2072. La ville ne connait plus que violence et cruauté. Dans un monde en pleine décadence, les chaînes de télévision se livrent à une impitoyable course à l’audience. Pour Cortez, homme de télévision aguerri et prêt à toutes les compromissions, la recette du succès réside dans l’exploitation à outrance de la violence. La chaîne qu’il dirige est en fait sous la coupe de Junior, un ordinateur qui rêve de devenir le maître du monde. Pour distancer définitivement les chaînes concurrentes, Cortez invente un jeu cruel et violent qui se déroulera au sein d’une gigantesque arène : un combat de gladiateurs motorisés, dont les participants sont des détenus condamnés à mort…
Un patchwork de tous les derniers succès du moment
Critique : Lorsque les frères Amati lancent la production de 2072, les mercenaires du futur en 1983, ils s’appuient sur un traitement de Dardano Sacchetti et son épouse Elisa Briganti qui évoque des jeux du cirque se déroulant dans le futur. Le but des auteurs était à la fois de surfer sur un thème à la mode, tout en critiquant les dérives d’une certaine télévision, uniquement intéressée par les audiences et l’argent qu’elles génèrent. Toutefois, lorsque le réalisateur Lucio Fulci est envisagé et que le projet se monte enfin, la société de production des Amati connaît de grosses difficultés financières, ce qui réduit considérablement le budget initial. Il faut donc revoir le scénario afin de limiter au maximum les séquences spectaculaires.
Sacchetti et Fulci décident donc d’inclure dans le script une sous-intrigue de giallo qui permet non seulement d’arriver à une durée acceptable, mais aussi de satisfaire leur goût commun pour les ambiances sombres. Tel quel, 2072, les mercenaires du futur (1984) se présente donc comme un rapiéçage de dernière minute qui entend profiter des derniers succès du moment pour obtenir de bons résultats au box-office. Véritable patchwork d’influences diverses, le long-métrage se présente initialement comme un post-nuke basique à la Mad Max (Miller, 1979) qu’on aurait couplé à Rollerball (1975) de Norman Jewison.
Quand le post-nuke déferle sur l’Italie
Toutefois, le film s’avère un pot-pourri bien plus déroutant puisque les images de la métropole tentaculaire font penser à Blade Runner (Scott, 1982), le pétage de plomb de l’ordinateur rappellant celui de H.A.L. 9000 dans 2001, l’odyssée de l’espace (Kubrick, 1968). Enfin, les éléments de l’intrigue directement issus du genre giallo évoquent nécessairement les œuvres de Dario Argento (L’oiseau au plumage de cristal, notamment). Enfin, les batailles à coups de rayons laser succombent à la mode initiée par La guerre des étoiles (1977) de George Lucas. Même la dénonciation des dérives violentes de la télévision fait furieusement penser au film français Le prix du danger (Boisset, 1983).
Il est donc inutile de chercher la moindre originalité dans ce patchwork kitsch qui s’inscrit pleinement dans un cinéma d’exploitation italien qui a vu dans le genre du post-nuke une opportunité de se renouveler à peu de frais. Pourtant, au cœur de cette production aussi profuse que déplorable, 2072, les mercenaires du futur (1984) est loin d’être le pire rejeton. Certes, l’intrigue est excessivement alambiquée et d’une crédibilité toute relative, mais le spectacle s’avère suffisamment rythmé pour ne pas vraiment ennuyer, contrairement à bon nombre de films similaires de l’époque.
Du pur cinéma bis, avec ses défauts et son charme
Alors oui, convenons immédiatement que le film est extrêmement fauché, que les maquettes qui représentent une grande métropole futuriste sont trop schématiques pour être défendables, que les costumes et les décors sont outrageusement kitsch. Pour autant, le réalisateur Lucio Fulci parvient à plusieurs reprises à s’affranchir de ces limites budgétaires pour signer quelques bonnes scènes. On aime par exemple toute la partie giallo où le goût du cinéaste pour l’horreur et l’œuvre d’Edgar Allan Poe rejaillit avec quelques fulgurances. La séquence gore avec le pendule est fort sympathique, tandis que le meurtre de l’épouse du héros nommé Drake est efficace. Lors de plusieurs séquences, le sens visuel de Fulci reprend le dessus et le réalisateur est capable de livrer quelques beaux plans de cinéma. Il est important pour cela de visionner le long-métrage en Blu-ray, car la VHS mise sur le marché était proprement catastrophique.
Si la qualité de la copie visionnée joue un rôle dans l’appréciation que l’on peut avoir du film, elle ne permet pas de relever le niveau de certains plans flous ou tout simplement mal éclairés. De même, l’excès d’effets stroboscopiques ou de lumières clignotantes peut légitimement irriter le spectateur moyen. Enfin, les cinéphiles trouveront les combats de gladiateurs bien fades par rapport à ce que nous vend l’histoire : loin d’être le spectacle du siècle vu par des millions de spectateurs, le film nous fait assister à une vague démonstration de cross sur motos customisées. La grande enceinte du Colisée n’est qu’un plateau de studio assez mal décoré et tout ceci tient donc de la supercherie la plus pure.
projet Pulse Kiss Kiss Bank Bank © 1983 StudioCanal -Regency Productions / © 2021 Pulse Vidéo. Tous droits réservés.
Une ambiance années 80 plutôt séduisante
Toutefois, une fois ces considérations prises en compte, 2072, les mercenaires du futur, tout piteux et nanardesque qu’il est, possède une ambiance eighties séduisante pour qui aime le cinéma bis de cette époque. Ainsi, les acteurs s’avèrent plutôt convaincants, que ce soit les Américains Jared Martin (issu du soap Dallas) et Fred Williamson ou bien les Italiens Howard Ross, Al Cliver et Claudio Cassinelli. Même la présentatrice de télévision Eleonora Brigliadori s’en sort plutôt bien en héroïne dont le rôle n’est pas si éloigné du sien dans la vraie vie.
Certes totalement improbable et partant dans tous les sens, l’intrigue a le mérite de tenir le spectateur éveillé par son caractère assez imprévisible. Il faut ajouter à cela la présence d’une bande originale plutôt satisfaisante de Riz Ortolani, en mode Synth Wave. Les allergiques au synthétiseur bon marché risquent de hurler, mais les thèmes créés par Ortolani ont le mérite de l’efficacité.
Un film à redécouvrir dans une bonne copie chez Pulse Vidéo
Sorti dans l’indifférence la plus totale en Italie, puis en France, 2072, les mercenaires du futur est généralement considéré avec dédain, y compris par les fans de Lucio Fulci. Si nous n’en ferons clairement pas un jalon essentiel de sa filmographie et que nous ne nierons pas son classement dans la catégorie nanar, le long-métrage mérite en réalité une seconde chance par son aspect généreux en matière d’ambiances et la présence en son sein de quelques scènes vraiment réussies.
A noter que le film est désormais disponible en combo DVD / Blu-ray chez l’éditeur Pulse Vidéo, dans une copie globalement satisfaisante et qui permet d’effacer l’affront du visionnage de la VHS, tout bonnement déplorable.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 21 août 1985
Acheter le combo DVD / blu-ray sur le site de l’éditeur
© 1983 StudioCanal -Regency Productions / Affiche : Vanni Tealdi. Tous droits réservés.