Big Racket : la critique du film (1978)

Policier, Action | 1h44min
Note de la rédaction :
8/10
8
Affiche de Big Racket d'Enzo G. Castellari

Note des spectateurs :

Big Racket est un poliziottesco particulièrement violent et choquant qui ne peut laisser indifférent. Son aspect réactionnaire est compensé par un nihilisme saisissant et une réalisation d’une redoutable efficacité. Un must dans le genre.

Synopsis : À Rome, une organisation mafieuse dirigée par Rudy le marseillais rackette les commerçants avec une violence inouïe. Chargé de l’enquête, l’inspecteur Nico Palmieri manque de se faire tuer et fait un bref séjour à l’hôpital. Il décide alors de combattre cette bande criminelle par tous les moyens.

Big Racket, un sommet du polar réactionnaire

Critique : En pleine vogue du poliziottesco, le cinéaste Enzo G. Castellari a livré deux fleurons du genre avec Le témoin à abattre (1973) et Un citoyen se rebelle (1974). Témoin des années de plomb qui sévissent alors en Italie, le réalisateur adopte un point de vue en opposition complète avec bon nombre d’artistes reconnus de l’époque. Là où de nombreux cinéastes adoptent un ton révolutionnaire afin de dénoncer les errements d’un État italien fasciste qui réprime les mouvements populaires par la violence, Enzo G. Castellari se place davantage du côté de la loi et de l’ordre, ce qui l’a fait accuser d’être lui-même un fasciste.

Big Racket, jaquette DVD

© 1976 Rai Com SPA. Rome. Italy. / © 2015 Artus Films. Tous droits réservés.

On ne peut nier cet aspect réactionnaire dans Big Racket (1976) qui est sans aucun doute son œuvre la plus orientée sur le plan politique. En fait, Castellari fait siens les arguments déjà développés dans des œuvres américaines de droite comme L’inspecteur Harry (Siegel, 1971) et Un justicier dans la ville (Winner, 1974). Ainsi, Castellari décrit une Italie en proie au chaos, totalement débordée par la mafia d’un côté, les petites frappes et les groupuscules révolutionnaires gauchistes de l’autre. Au milieu, le cinéaste place une poignée de petits commerçants victimes d’un gigantesque racket, largement soutenu par des institutions qui ne défendent plus l’honnête citoyen.

Des séquences choc à foison

Clairement favorable à l’ordre établi, Castellari se fait le chantre d’un peuple qui recherche avant tout la tranquillité au cœur d’une société devenue folle. Pour cela, il n’hésite pas à chausser des gros souliers. Avec une violence qui fait encore froid dans le dos de nos jours, le réalisateur décrit les exactions de la bande de racketteurs sans aucune concession. Fidèle à une certaine tradition du cinéma d’exploitation, il multiplie les séquences choc destinées à scandaliser le citoyen lambda. Dans Big Racket, on passe non seulement à tabac des innocents, mais on détruit aussi leurs biens à coups d’incendie, on viole les femmes et même les jeunes adolescentes. Lors d’une séquence hallucinante – et qui fut longtemps coupée dans le monde entier – une femme est non seulement agressée sexuellement, mais l’un des truands finit par lui uriner dessus de manière très explicite.

Le poliziottesco sur CinéDweller

Au milieu de ce déferlement de violence, le policier droit et honnête incarné avec talent par Fabio Testi se retrouve entravé par la loi qui vient toujours au secours des truands au détriment des victimes, argument classique des réactionnaires de tout poil. Finalement, Big Racket se transforme dans sa dernière demi-heure en un film de commando qui lorgne fortement vers le western. Effectivement, le policier dégoûté et licencié par sa hiérarchie va mener une vendetta personnelle à l’aide des citoyens déjà vus précédemment, créant ainsi une milice privée qui va nettoyer la ville du cartel en place.

Un cinéma viscéral et sans concession, symptomatique des années de plomb

Dès lors, le cinéaste s’adonne à son activité favorite, à savoir la mise en place ingénieuse de scènes d’action particulièrement efficaces. Déjà très dynamique durant sa première heure, le long-métrage se déchaîne totalement dans une dernière ligne droite assez nihiliste et d’une violence impressionnante. Les fusillades ont un impact majeur et la mort frappe de nombreux personnages, comme dans les classiques que sont Les sept mercenaires (Sturges, 1960) et Les douze salopards (Aldrich, 1967). On ne peut cesser de penser au cinéma outrancier de Robert Aldrich et de Sam Peckinpah, dont Castellari semble être l’héritier européen.

Racket, jaquette VHS du film d'Enzo Castellari

VHS française de Big Racket éditée sous le titre de Racket par Dynasty Films. Tous droits réservés. © 1976 Rai Com SPA. Rome. Italy

Certes, Big Racket est assurément un film réactionnaire. Toutefois, il se fait surtout le témoin d’une société italienne gangrenée par la violence et qui ne sait plus comment endiguer le phénomène. Après tout, le chef de la mafia n’est-il pas un éminent représentant de la bourgeoisie que la police est justement censée protéger. Le réalisateur démontre surtout que le ver est déjà dans le fruit et qu’il est donc difficile, voire impossible de se tirer d’une telle situation. De même, les personnages de vengeurs sont finalement décrits comme des psychopathes (leur folie a bien été provoquée par les malfrats, mais leur comportement névrotique ne rassure guère) qui n’ont plus rien à envier à leurs bourreaux.

1976 : un grand cru pour Castellari avec Big Racket et Keoma

Visiblement en grande forme en cette année 1976 où il tourne également son chef d’œuvre, le western crépusculaire Keoma, Enzo G. Castellari signe donc avec Big Racket un film fort et d’une rare puissance de suggestion. Sa description des années de plomb n’est pas d’une grande finesse, mais elle a le mérite de nous plonger entièrement dans l’atmosphère décadente de cette époque folle. Le tout étant sublimé par une BO des frères De Angelis d’une redoutable efficacité dans un genre pop psychédélique.

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Beau succès en Italie, Big Racket n’a engrangé en France que 27 053 entrées lors de sa sortie au cinéma en plein mois d’août 1978. Sur Paris, il ne reste qu’une seule semaine en salle et est congédié après avoir racketté 11 000 franciliens. La réputation du film se fera progressivement grâce à la VHS, pourtant largement expurgée des passages les plus violents, mais forte d’un visuel pillant celui du Marginal avec Belmondo. Il a fallu attendre la sortie en DVD par Artus Films pour découvrir la version intégrale hallucinante et dotée de ces moments particulièrement choquants qui font tout le prix de cette œuvre extrême.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 2 août 1978

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Affiche de Big Racket d'Enzo G. Castellari

© 1976 Rai Com SPA. Rome. Italy. / Affiche : Landi. Tous droits réservés.

Biographies +

Fabio Testi, Vincent Gardenia, Glauco Onorato, Enzo G. Castellari, Franco Borelli, Benito Pacifico, Marcella Michelangeli, Sal Borgese, Giovanni Cianfriglia, Renzo Palmer, Orso Maria Guerrini

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Affiche de Big Racket d'Enzo G. Castellari

Bande-annonce de Big Racket (VOsta)

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