Rawhead Rex, le monstre de la lande est une adaptation d’une nouvelle du Livre des morts de Clive Barker qui ne manque ni de mordant, ni de morts.
Synopsis : L’auteur américain Howard Hallenbeck se rend en Irlande en famille, à la recherche d’objets religieux datant d’avant le Christianisme. Au même moment, des fermiers déplacent une énorme pierre posée au milieu d’un champ, libérant par erreur une créature monstrueuse enterrée là depuis des siècles. La route de la famille Hallenbeck va croiser celle du monstre.
Un folk-monster movie typique de cette fin de décennie
Critique : Dans la panoplie des films de monstres de la deuxième partie des années 80, Rawhead Rex, le monstre de la lande est l’un des plus sympathiques, même si sa réputation n’est pas des plus glorieuses.
Bien meilleur que Pumpkinhead : Le Démon d’Halloween de Stan Winston (1988), Scarecrow de Wiliam Wesley (1988) ou The Unnamable de Jean-Paul Ouellette, d’après Lovecraft, Rawhead Rex se distingue toutefois négativement sur un point : la qualité médiocre de ses effets spéciaux. Dans le cas du Démon d’Halloween, on soulignera qu’ils étaient signés par Stan Winston, grand spécialiste des maquillages horrifiques des années 80 qui livrait sa première réalisation. Rawhead Rex n’arrivera jamais à égaler la prestation et à imposer une image iconique forte aux yeux des amateurs du cinéma de genre.
En effet, le design de la créature est grossièrement défini, évoquant la silhouette massive d’un culturiste au visage simiesque, à la mécanique rigide, surmonté d’une crinière un peu chelou.
C’est justement sur le plan des effets spéciaux que Clive Barker marquera son plus grand désaccord avec cette production dont il a signé le scénario de l’adaptation de l’une de ses nouvelles.
Clive Barker se désolidarise de Rawhead Rex
Pour sa deuxième collaboration consécutive avec le réalisateur George Pavlou, l’écrivain britannique — futur réalisateur de Hellraiser — avait prévenu qu’il ne souhaitait pas que les défauts de Transmutations, sa première collaboration avec Pavlou, se reproduisent. En effet, Clive Barker n’avait guère apprécié cette série B mêlant gangsters et horreur, complètement aseptisée par rapport au concept initial.
Avec une vision beaucoup plus torturée et opaque de l’humain et de sa monstruosité, Clive Barker abhorrait le cinéma de divertissement lisse. Dans Rawhead Rex, il faisait ressurgir des fins fonds de la terre du Kent une créature vieille de plusieurs millénaires nourrie au paganisme, qui ne voyait pas d’un bon œil l’érection d’une nouvelle église sur ses terres.
Malheureusement, Rawhead Rex ne prendra pas vraiment la direction souhaitée par l’écrivain. Celui-ci voulait que sa créature arbore un crâne phallique insultant la bienséance chrétienne. Il avait insufflé une respiration subversive à ses pages, oscillant entre massacres de mécréants (aux yeux du monstre) et une sexualité brute. Mais Clive Barker ne retrouvera jamais la créature dont il avait fantasmé l’acharnement à outrager quiconque croisait son chemin. En fait, dans le film, le monstre, pourtant coriace, épargne une femme enceinte et lorsqu’il tue un enfant — séquence pivot pour impliquer le personnage principal —, l’ignominie est commise hors champ.
Le monstre de “La” la lande
Mais que s’est-il passé pour en arriver à cet éloignement ? George Pavlou, reconnaissant à Clive Barker de collaborer avec lui à nouveau malgré ses réticences, semblait vouloir partir sur les meilleures intentions. Évidemment, dans le paysage du cinéma horrifique britannique des années 80 — en quasi mort clinique depuis la fin des studios Amicus et Hammer — la production s’avérera chaotique.
Le budget initial de 5 millions de dollars est nettement diminué et le tournage est contraint de se déplacer en Irlande, dans le comté de Wicklow, pour satisfaire l’une des rares sociétés à vouloir y investir : Alpine Pictures qui était… irlandaise. Cette délocalisation va avoir des implications dans la mise en place des décors par des locaux peu connaisseurs et les intempéries ; même si, in fine, l’arrière-plan irlandais permet aussi à la production de revêtir un caractère à la fois folklorique et spirituel qui sied bien au mysticisme local.
Faute d’un budget suffisant, le temps alloué à l’élaboration de la créature est revu à la baisse et les ambitions autour des effets spéciaux sont abandonnées. Pour concevoir le monstre, point de grand spécialiste des effets spéciaux à une époque où le latex et les animatronics faisaient des artisans des F/X de véritables stars. De même, pour habiter la carcasse du monstre, le réalisateur se résoudra à embaucher un acteur allemand de 19 ans dont c’est plus ou moins la seule expérience cinématographique pour camper cette créature du terroir. Il espérait au moins une silhouette américaine de renom pour y faire montre de son expérience. De Star Wars à Vendredi 13, les acteurs maquillés dont on ne connaissait pas le vrai visage ne manquaient pas à l’écran. Ils profitaient aussi d’une certaine ferveur à Hollywood.
Une série B surnaturelle gore très efficace
On comprend donc l’aigreur de Clive Barker face à ce qui est devenu une série B passable loin de ses exigences singulières et radicales. D’ailleurs, pour le consterner un peu plus, en complément des retouches du script qu’il doit subir, l’auteur doit faire face à un rebondissement final totalement clownesque qui démontre l’emprise des producteurs sur le projet qui espéraient lancer une franchise.
Nonobstant toutes ces réserves, en tant que spectateur on n’aura pas la même sévérité à l’égard de Rawhead Rex qui, comme un chien infidèle à son maître, ne démérite pas sur bien des aspects.
Sa couleur locale irlandaise et son arrière-plan mythologique permettent d’apprécier l’œuvre comme un ersatz efficace du genre du folk horror. Jamais dans la torpeur ou l’inaction, cette terreur archéologique passe allègrement le cap du divertissement dynamique grâce à un très grand nombre de morts semées par une créature hors de contrôle dont la résurrection terrestre s’accomplit dans l’annihilation systématique de tout ce qui l’entoure. Sans sombrer dans les excès gore comme certaines productions d’Empire Pictures (qui a distribué notre Rawhead aux USA) telles que Re-Animator, le monstre s’amuse à démembrer ses victimes et à parsemer leurs corps sur son passage sans jamais se préoccuper du nombre ou du genre. La créature primitive ne se lasse jamais vraiment ; ce qui tient presque du miracle étant donné le manque d’épaisseur d’un script qui n’a pas grand-chose à raconter.
Un Direct-to-vidéo en France
Suite à des recettes américaines et britanniques peu fructueuses, Rawhead Rex ne sera pas distribué dans les cinémas français. En 1987, alors que le cinéma de genre commence à faire grise mine et que la crise sévit dans des salles de plus en plus vides, la société Vestron propose le film directement en vidéocassette. La décision est logique et préfigure ce qui attendra la plupart des films d’épouvante de cette fin de décennie — notamment Le Démon d’Halloween ou The Unnamable, dont nous avons parlé un peu plus haut. L’horreur ne fait plus recette en salle mais en vidéocassette c’est un fleuron.
À la suite du retrait du marché français par Vestron, Delta Vidéo rééditera le film à deux reprises au sein des collections Frayeurs et Avoriaz. Dans les années 2000, Rawhead Rex fait une apparition tristement mémorable dans le magazine Mad Movies, qui le niche dans sa collection des meilleurs B-movies. La jaquette sombre et la typographie confinent à ce qu’il y a de plus laid en termes graphiques ; c’était une époque où les éditeurs français profitaient pourtant d’un élan exceptionnel autour du support DVD sans faire aucun effort pour habiller leurs titres avec des jaquettes avantageuses.
En 2024, c’est au tour de l’éditeur Rimini de proposer Rawhead Rex dans sa collection Angoisse. Le combo DVD/Blu-ray est soigné et rend hommage à la majesté de la créature même si on peut regretter l’absence d’une version 4K déjà disponible sur certains marchés étrangers.
Le test blu-ray de Rawhead Rex, le monstre de la lande
Rawhead Rex, le monstre de la lande est le sixième film de la collection Angoisses de Rimini en 2024 après La nuit de la comète, Night Eyes (Les Rats attaquent), Le Chat et le Canari, Tentacules et Epouvante sur New York. La collection regroupe notamment des séries B de vidéo-clubs qui ont fait frémir les enfants des années 80-90 comme Nuit noire, Alice Sweet Alice, La peau sur les os, Hell Night, L’autoroute de l’enfer, Les traqués de l’an 2000, Terreur sur la ville, Mutant, Sweet Sixteen, Dominique, Slumber Party Massacre
Packaging & Compléments : 2.5 / 5
Le packaging proposé en édition limitée, qui porte la griffe de Koemzo, sied parfaitement à la collection Angoisses de Rimini. L’éditeur s’est associé une fois de plus à Marc Toullec pour un livret de 24 pages très complet sur la conception du film. Le journaliste propose une très riche présentation du projet du film, son tournage et sa réception par Clive Barker, avec des connaissances bien étayées.
Malheureusement, cela sera tout. On est déçu de l’absence de suppléments audiovisuels dont l’édition britannique récente est si bien pourvue.
L’image : 4 /5
Une copie propre, bénéficiant d’une restauration 4K, permet à Rawhead Rex d’être (re)vu dans une copie enfin satisfaisante. Si certains plans (notamment lors du générique) pâtissent d’une superposition d’effets spéciaux au filmage réel piquent les yeux, le master proposé est équilibré, lumineux et permet une appréhension juste des nombreuses scènes de nuit ou d’intérieur dont le rendu en DVD était jadis trop sombre.
Une belle surprise.
Le son : 3.5 / 5
Cette production britannique ne bénéficie pas de piste 5.1 sur la galette Rimini, contrairement à l’édition Arrow. Comme le film a été tourné en Dolby Stéréo en 1986, on n’en voudra pas à l’éditeur qui a privilégié une piste Dolby réhaussée en DTS HD Master. Elle est relativement limpide et permet de profiter de dialogues clairs quoiqu’un peu nasillards. La restitution est limitée de par le mixage sonore initial.
La piste française proposée de façon alternative bénéficie du doublage original. Elle est loin d’être honteuse.
La Collection Angoisses de Rimini
Biographies +
George Pavlou, David Dukes, Niall Tóibín, Kelly Piper, Clive Barker
Mots clés :
1986, Les fims d’horreur des années 80, Collection Angoisses de Rimini, DTV, Film de monstre