Anthropophagous : la critique du film (1982)

Epouvante-horreur, Slasher, Gore | 1h32min
Note de la rédaction :
5,5/10
5,5
Anthropophagous, l'affiche

  • Réalisateur : Joe D’Amato
  • Acteurs : Tisa Farrow, George Eastman, Joe D’Amato, Zora Kerova, Serena Grandi, Saverio Vallone, Margaret Mazzantini
  • Date de sortie: 20 Jan 1982
  • Année de production : 1980
  • Nationalité : Italien
  • Titre original : Antropophagus
  • Titres alternatifs : Man Eater (Der Menschenfresser) (Allemagne) / Gomia, terror en el Mar Egeo (Espagne) / O Antropófago (Portugal, Brésil) / Ludożerca (Pologne) / Antropófagos (Mexique) / Antropofagia (Colombie) / The Grim Reaper (Australie)
  • Autres acteurs : Mark Bodin, Bob Larsen, Rubina Rey, Simone Baker, Mark Logan
  • Scénaristes : George Eastman, Joe D'Amato
  • Monteuse : Ornella Micheli
  • Directeur de la photographie : Enrico Biribicchi
  • Compositeur : Marcello Giombini
  • Chef Maquilleur : Pietro Tenoglio
  • Chef décorateur : Mario Paladini
  • Directeur artistique : Mario Paladini
  • Producteurs : Joe D'Amato, George Eastman, Oscar Santaniello
  • Producteur exécutif : Edward L. Montoro
  • Sociétés de production : Filmirage, Produzioni Cinematografiche Massaccesi (PCM) International
  • Distributeur : Eurogroup
  • Distributeur reprise :
  • Date de sortie reprise :
  • Editeurs vidéo : Virginia Distribution (VHS, location uniquement) / Hyper Vidéo (VHS, 1987) / Bach Films (DVD, 2014) / Vidéo Popcorn (sous le titre Antropophagus, blu-ray, 2024)
  • Dates de sortie vidéo : 1987 (VHS) / 9 juillet 2014 (DVD) / 14 mai 2024 (blu-ray)
  • Budget :
  • Box-office France / Paris-Périphérie : 101 076 entrées / 26 000 entrées
  • Box-office nord-américain / monde :
  • Rentabilité :
  • Classification : Interdit aux moins de 18 ans à l’époque) ; 16 ans (de nos jours)
  • Formats : 1.85 : 1 / Couleurs / 16mm gonflé en 35mm / Son : Mono
  • Festivals :
  • Nominations :
  • Récompenses :
  • Illustrateur/Création graphique : © Vanni Tealdi (affiche 1982) ; Enzo Sciotti (visuel jaquette blu-ray). Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : © Variety Distributions. Tous droits réservés / All rights reserved
  • Attachés de presse :
  • Tagline : L'homme qui se mange lui-même. L'anthropophage.
  • Franchise : Film original, suivi par des déclinaisons non officielles.
Note des spectateurs :

Film choc sans doute surévalué, Anthropophagous est un slasher déviant qui a marqué les esprits grâce à deux séquences dégoûtantes perdues au milieu d’un océan de vide, tout juste compensé par une bande originale synthétique inspirée.

Synopsis : Des touristes arrivent sur une petite île grecque, qu’ils trouvent complètement abandonnée. En explorant les lieux ils découvrent une chambre secrète. Ils sont par la suite poursuivis par un psychopathe cannibale bien décidé à les tuer un par un.

La première production Filmirage

Critique : Alors qu’il venait de frapper fort avec son film horrifique Blue Holocaust (1979) qui traitait entre autres de nécrophilie, le tout agrémenté de scènes gore putrescentes, le stakhanoviste Joe D’Amato (pseudonyme le plus courant d’Aristide Massaccesi) décide de se lancer dans l’aventure de la production en montant la boite Filmirage en 1980. En collaborant avec Donatella Donati, le cinéaste a mis en place une structure qui va alimenter les soirées des bisseux durant une grosse dizaine d’années. Grâce à Filmirage, il financera non seulement ses propres longs métrages, mais aussi des œuvres tierces comme Bloody Bird (Michele Soavi, 1987).

Pour Anthropophagous, sa première production maison, Joe D’Amato entend frapper fort en proposant un spectacle déviant comme il les affectionne, mais en tenant ferme les cordons de la bourse. Certes, le script écrit avec George Eastman prévoit une localisation de l’intrigue dans une île grecque, mais les moyens de la jeune compagnie s’avèrent fort limités.

Le cinéaste embarque donc sa petite équipe pour emballer quelques plans à Athènes afin de donner le change. Cela correspond aux cinq premières minutes d’un film qui a ensuite été intégralement réalisé sur le territoire italien. L’île grecque mystérieuse où se déroule l’intégralité de l’action est en réalité celle de Ponza située dans le Latium, tandis que tous les intérieurs ont été tournés à Rome ou dans les environs. On retrouve donc ici le sens de la débrouille d’un réalisateur habitué aux contraintes budgétaires.

Tous les acteurs du bis…

En matière de casting, Joe D’Amato casse un peu sa tire-lire en engageant Tisa Farrow (sœur de Mia Farrow déjà vue dans L’enfer des zombies de Lucio Fulci l’année précédente). La jeune femme abandonnera d’ailleurs le grand écran après ces expériences italiennes infructueuses. Grand amateur de femmes, Joe D’Amato engage quelques personnalités marquantes du cinéma bis comme Serena Grandi (future égérie de Tinto Brass) ou encore l’excellente Zora Kerova (la femme suspendue par les seins dans Cannibal Ferox, c’est elle !).

Enfin, dans le rôle du méchant de service, Joe D’Amato fait confiance à son ami Luigi Montefiori (surtout connu sous son pseudo George Eastman). L’acteur approchant les deux mètres est toujours aussi imposant dans un rôle de tueur cannibale qui lui va à ravir. L’air de rien, il parvient à lui donner un air pathétique, notamment lors de la dernière séquence culte qui a beaucoup fait pour la réputation du long métrage.

Car Anthropophagous est un nouvel exemple de la capacité du cinéaste à s’emparer de figures à la mode pour mieux les détourner et les subvertir. Ainsi, les références ou emprunts sont légion dans ce slasher insulaire. Cela commence par des assassinats dans l’eau, avec des plans subjectifs qui rappellent volontaire Les Dents de la mer (Steven Spielberg, 1975). Puis, l’idée de la traque d’un groupe de jeunes gens par un tueur fou s’insinue dans la mode récente du slasher américain initié par Halloween, la nuit des masques (John Carpenter, 1978). Toutefois, Joe D’Amato y ajoute une touche typiquement transalpine en faisant de son meurtrier un cannibale, puisque la mode vient d’émerger grâce au scandale de Cannibal Holocaust (Ruggero Deodato, 1980).

Des références à la pelle…

Toutefois, ces modèles n’épuisent aucunement le tissu référentiel du film puisque la jeune fille recouverte de sang évoque bien évidemment Carrie au bal du diable (Brian De Palma, 1976) et que la pendaison spectaculaire est une redite de celle de Suspiria (Dario Argento, 1977). Enfin, les déambulations dans le cimetière, puis dans les catacombes émargent du côté de la tradition gothique transalpine auquel est attaché le nom de Mario Bava. Pour finir, la musique électronique composée par Marcello Giombini imite avec un certain talent les innovations sonores de Wendy Carlos pour Orange Mécanique (Stanley Kubrick, 1971).

Anthropophagous, jaquette blu-ray français

© 1980 Variety Distributions / Illustration : Enzo Sciotti. Tous droits réservés.

On peut donc légitimement se poser la question de l’apport original de Joe D’Amato dans ce grand barnum qui entend émuler tous les succès du moment en matière d’horreur. En réalité pas grand-chose si ce n’est la capacité à créer une ambiance crapoteuse qui s’insinue lentement – trop lentement diront certains – afin de pervertir les règles du genre. En fait, la marque principale de Joe D’Amato vient de sa volonté d’aller toujours plus loin dans la fange en tournant des séquences éprouvantes.

Deux séquences qui prennent aux tripes

A bien y regarder, Anthropophagous est loin d’être le film le plus viscéral et scandaleux de son auteur. Les amateurs de chair sanguinolente peuvent même être déçus par la proposition assez frustre du cinéaste. Certes, le gore est bien présent, mais les plans sont fugaces, sans doute pour masquer l’indigence des effets spéciaux – le budget, toujours le budget. Même les deux moments forts vendus à grands renforts de publicité se trouvent être assez rapidement expédiés.

L’extraction du fœtus à même la femme enceinte n’est que suggéré et l’on a droit à un unique plan sur le visage de George Eastman en train de croquer dans une masse informe (en réalité une carcasse de lapin). Lorsque ce dernier se mange lui-même (comme l’annonce l’affiche bien putassière), les tripes en question ne sont guère convaincantes et George Eastman se contente de mâchouiller le tout durant quelques secondes. Et c’est fini.

Finalement, le talent de Joe D’Amato tient surtout dans le fait d’avoir osé montrer des actes aussi ignobles. Alors que les plans concernés sont très courts, ils suggèrent une telle abomination que le cerveau fantasme davantage que ce qui est imprimé sur la pellicule. Même en ayant vu le film plusieurs fois, on demeure étonné par l’extrême rapidité de ces moments qu’on a rêvés plus longs pendant des années.

Anthropophagous est certes gourmant, mais aussi nonchalant

Souffrant d’un manque de rythme assez fatal, notamment durant le ventre mou traditionnel intervenant au bout de 45 minutes de projection, Anthropophagous est donc loin d’être le film le plus passionnant de son auteur. Toutefois, il demeure largement supérieur aux errances érotico-horrifiques de La nuit fantastique des morts-vivants (1980) ou de Porno Holocaust (1981), franchement ratés pour le coup. En fait, le long métrage est sauvé par le soin apporté à la photographie (réalisée par Joe D’Amato, même s’il n’est pas crédité), ainsi que par sa bande originale synthétique parfaitement raccord avec les images.

Sorti avec difficulté en Italie où le métrage a été amputé de nombreuses scènes, Anthropophagous a également fait parler de lui lorsque les censeurs britanniques ont décidé de l’intégrer dans la fameuse liste des Vidéo Nasties. En France, le métrage a écopé d’une interdiction aux moins de 18 ans qui se justifie tout à fait au vu du film. Cela n’a pas empêché le distributeur Eurogroup d’en tirer quelques bénéfices grâce à sa phrase d’accroche impressionnante : « L’homme qui se mange lui-même ». Tout un programme.

Un culte établi au long des décennies

A la date du 20 janvier 1982, le métrage est proposé dans 11 salles parisiennes et son distributeur est parvenu à attirer 14 596 chalands en première semaine. On notera qu’il a intégré le top parisien à la 16ème place, au milieu de pornos et autres joyeusetés. Notons enfin que la semaine précédente, la censure se relâchait, permettant à Mad Max (George Miller, 1979) de vrombir de plaisir dans les salles françaises. Anthropophagous, quant à lui, va terminer sa carrière parisienne avec 26 000 carnassiers. Sur la France entière, l’outrage sur pellicule se défend bien avec un franchissement de justesse des 100 000 entrées (101 076 pour être précis).

Toutefois, la renommée du film s’est construite sur la durée à l’ère de la VHS. Ainsi, le film de Joe D’Amato a été proposé à la location dans les vidéo-clubs, puis édité à la vente en 1987. Ensuite, il est resté longtemps invisible, avant une sortie DVD chez Bach Films en 2014. Il est intéressant de noter que la France a toujours un train de retard avec ce classique du gore craspec puisque l’année suivante déboulait un blu-ray édité par 88 Films chez nos voisins britanniques. Le même décalage intervient en 2024 puisque le nouvel éditeur français Vidéo Popcorn vient tout juste de sortir un blu-ray à la copie très correcte, tandis que 88 Films se fend d’une édition 4K UHD.

Remake et suites plus ou moins directs

Enfin, signalons que George Eastman et Joe D’Amato ont tenté de profiter du succès de scandale en tournant immédiatement Horrible (1981), un slasher présenté parfois comme une suite, alors que cela n’est pas possible étant donné le décès du monstre.  Nettement plus tard, les Allemands ont proposé un simili remake avec Anthropophagous 2000 (Andreas Schnaas, 1999), à la piètre réputation, tandis que les Italiens ont osé dégoupiller un Anthropophagus II (Dario Germani, 2022) qui ne semble pas avoir convaincu les fans. C’est en tout cas la preuve de l’impact durable exercé par l’œuvre séminale de Joe D’Amato.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 20 janvier 1982

Anthropophagous, l'affiche

© 1980 Variety Distributions / Affiche : Vanni Tealdi. Tous droits réservés.

Biographies +

Tisa Farrow, George Eastman, Joe D’Amato, Zora Kerova, Serena Grandi, Saverio Vallone, Margaret Mazzantini

Mots clés

Cinéma bis italien, Slasher, Trash, Les îles au cinéma, Les tueurs fous au cinéma

 

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Anthropophagous, l'affiche

Bande-annonce italienne d'Anthropophagous (VO)

Epouvante-horreur, Slasher, Gore

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