Blue Holocaust : la critique du film (1982)

Horreur, Trash, Gore, Romance nécrophile | 1h34min
Note de la rédaction :
6/10
6
Blue Holocaust, l'affiche

  • Réalisateur : Joe D’Amato
  • Acteurs : Cinzia Monreale, Franca Stoppi, Kieran Canter, Anna Cardini, Mario Pezzin, Sam Modesto
  • Date de sortie: 30 Juin 1982
  • Année de production : 1979
  • Nationalité : Italien
  • Titre original : Buio Omega
  • Titres alternatifs : In quella casa buio omega (Italie, reprise), Folie sanglante (France, 1985, VHS), Bio Omega (France, VHS), Sado - Stoß das Tor zur Hölle auf (Allemagne de l'Ouest), Blutiger Wahnsinn (Allemagne), Beyond the Darkness (USA, Australie, Royaume-Uni), Buried Alive (USA), House 6: El terror continua (Catalogne), Demencia (Espagne), Para Além da Escuridão (Portugal), A sötétségen túl (Hongrie), House 6 (Argentine), Mroczny instynkt (Pologne), Karanlığın Ötesinde (Turquie)
  • Scénaristes : Mino Guerrini (sous le nom de Giacomo Guerrini), Ottavio Fabbri
  • Monteuse: Ornella Micheli
  • Directeur de la photographie : Joe D'Amato (sous le nom d'Aristide Massaccesi)
  • Compositeur : Goblin
  • Chef Maquilleur : Cesare Biseo
  • Directeur artistique : Donatella Donati, Franco Gaudenzi
  • Producteur : Marco Rossetti
  • Société de production : D.R. Comunicazioni di massa
  • Distributeur : Les Films Jacques Leitienne (France), Aquarius Releasing (Italie)
  • Distributeur reprise : -
  • Date de sortie reprise : -
  • Editeur vidéo : MPM (VHS), Initial Vidéo (VHS), Neo Publishing (DVD), ESC Distribution (Blu-ray, DVD, edition Digipack limitée avec poster, édition VHS, edition DVD simple - Mad Movies)
  • Date de sortie vidéo : 1985 (VHS, MPM, titre Folie Sanglante), 1991 (Edition MPM, Collection Horreur et Fantastique), Initial Vidéo, VHS), 3 mai 2005 (Digipack DVD Neo Publishing), 10 mai 2008 (DVD Edition Simple, Neo Publishing), 31 janvier 2024 (Combo DVD-Blu-ray ESC)...
  • Budget : Inconnu
  • Box-office France / Paris-Périphérie : 67 318 entrées / 5 454 entrées
  • Box-office nord-américain / monde : Non communiqué
  • Classification : Interdit aux moins de 18 ans (16 ans depuis 1990)
  • Formats : 1.66 : 1 / Couleur (Super 16, gonflé en 35 mm) / Mono
  • Festivals : -
  • Nominations : -
  • Récompenses : -
  • Illustrateur/Création graphique : © Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : © D.R. Comunicazioni di massa. Tous droits réservés / All rights reserved
  • Tagline : La volupté de l'horreur
Note des spectateurs :

Blue Holocaust est un bis rital gore et perturbant qui a su marquer les années 80 de sa puissance graphique rarement égalée.

Synopsis : Lorsque sa fiancée meurt des suites d’un rituel vaudou, le monde de Franck s’écroule. Refusant d’y croire, il se sert de sa passion pour la taxidermie pour embaumer le corps de son amie et la garder auprès de lui. Ayant définitivement perdu tout contact avec la réalité, et aidé par une inquiétante gouvernante, Franck va alors chercher une nouvelle amie. Une femme qui l’acceptera, lui et le cadavre de son ancienne compagne…

Critique : Peu vu en salle, mais succès de vidéo-club, Blue Holocaust tient une place à part dans le cinéma d’épouvante italien. Ce n’est ni un film fantastique ni un giallo, mais bel et bien un mélodrame doublé d’une romance où l’amour fou, heurté à la mort de l’être aimé, justifie un comportement des plus déraisonnables. On use ici d’euphémisme puisque la détresse passionnelle conduit l’amoureux transi aux portes de la folie meurtrière.

Ainsi, un jeune homme aux yeux cristallins, orphelin rentier, vivant seul avec sa gouvernante dominatrice, dans une somptueuse demeure à l’écart du monde, s’adonne à sa passion pour la taxidermie, en particulier sur sa bien-aimée, interprétée par Cinzia Monreale. L’actrice est devenue culte par la suite car revue dans L’Au-delà, de Lucio Fulci, où elle interprétait le rôle de la jeune aveugle au funeste destin. Dans Blue Holocaust, son personnage est cruellement emportée trop tôt, et c’est donc morte qu’elle jouera essentiellement dans cette fable cruelle où le taxidermiste s’octroie le droit divin de conserver l’enveloppe charnelle de sa dulcinée, sous l’égide machiavélique de son employée de maison, amoureuse manipulatrice et authentiquement perverse, qui va l’aider à se débarrasser du corps des intrus dont le jeune homme a besoin pour redonner des couleurs de vie à sa belle endormie. L’acolyte dégénérée est jouée par l’impressionnante Franca Stoppi, vue notamment chez Mattéi dans L’autre enfer (film de nunsploitation pas si mauvais pour du Mattéi, on vous l’assure). Elle domine le casting autrement plus fade quand il s’agit d’évoquer le personnage masculin (Kieran Canter, seul rôle remarquable dans une carrière qui vira dans le porno sans qu’il puisse y trouver les atouts de performance pour réussir) .

La démence occupe une place particulière dans cette somptueuse demeure alambiquée, où la nécrophilie et de multiples perversions érotiques, particulièrement malsaines, se succèdent sous l’œil malveillant de Joe D’Amato, qui repousse la bienséance, les lois de la morale, préférant imposer un point de vue sadique et amoral sur les souffrances qu’engendrent une telle perte. Par égoïsme, le meurtrier n’y va pas par quatre chemins quand il s’agit de brutaliser ses victimes. Devenu tortionnaire malgré lui, il est le pivot d’une histoire totalement ahurissante de nihilisme dont il faut au moins saluer le jusqu’au-boutisme. On ne subit pas des Blue Holocaust tous les jours.

Le cinéma bis italien

Plongeant les spectateurs dans les affres d’une opposition entre la lumière et les ténèbres (“buio“, en italien, pour reprendre le titre original Buio Omega que l’on pourrait traduire par “une apocalypse de ténèbres”), Joe d’Amato trempe ses images dans une lueur diurne. Il exacerbe des lumières crues qui ne sont pas, initialement, celles que l’on attend dans le cinéma horrifique où ce sont davantage les ambiances nocturnes qui dominent. Les images vidéo rendent l’esthétique du film particulièrement agressive ; l’éclairage n’est pas l’une de ses qualités, même si on comprend sa symbolique quand la vivacité de la lumière se mélange à un voile macabre.

Mise en boîte rapidement par Joe D’Amato qui enchaînait les tournages de moins de deux semaines, cette histoire d’amour nécrophile relève d’un esprit malade, d’une perversion sans tabou et d’un hardgore totalement anxiogène, puisque le cinéaste développe une atmosphère totalement dépourvue de légèreté, sans touche d’humour. Le réalisateur d’Emmanuelle et Françoise (un autre de ses jalons dégénérés) confère à sa bluette morbide un premier degré malsain, détaché de la froideur clinique des actes de barbaries commises dans ce qui est vendu, à la base, comme un film d’horreur, c’est-à-dire un divertissement. Mais Blue Holocaust ne revêt jamais les codes de la série B pour adolescents, tant ses zones d’ombre sondent une âme humaine abjectes.

Edition limitée de Blue Holocaust chez ESC Editions

Blu-ray en édition limitée de Blue Holocaust chez ESC Editions (2024). All Rights Reserved.

Un flop au cinéma en France

D’Amato, qui allait mettre en scène quelques jalons horrifiques bien connus des censeurs du début des années 80, comme Anthropophagous et Horrible, perpétue ses obsessions sadiques et ne cherche pas à épargner le public, qui sera difficile à définir quand on s’arrête au premier degré du carnage. C’est pour cela qu’il faudra bien trois ans pour que Blue Holocaust puisse trouver sa place dans les salles françaises, à l’issue de l’assouplissement de la censure. Et même avec cela, la série B ne tiendra qu’une seule semaine dans les salles parisiennes, en juin 1982, n’attirant que 5 454 spectateurs sur la capitale, et à peine 67 318 sur toute la France, à l’issue de sa folle tournée des villages. Au moins connut-il une distribution en salle quand d’autres pays comme l’Allemagne ou les Pays Bas l’interdirent radicalement de séjour.

Avec du recul, est-ce que Blue Holocaust relève de l’ironie, d’un point de vue artistique fort, ou seulement du goût pour la provocation maladroit ? On écartera ces options pour attribuer à l’auteur l’aveuglement de l’exploitation gratuite et putassière. D’Amato n’a jamais vraiment développé une passion pour le cinéma d’horreur, mais la surenchère lui donnait les moyens de palier les faiblesses artistiques (il était un piètre réalisateur, en tout cas un réalisateur paresseux). Pour comprendre d’Amato, l’on vous conseille de découvrir l’ouvrage somme sur le réalisateur, proposé par Sébastien Gayraud, Joe D’Amato : Le réalisateur fantôme (Editeur Artus Films, 2015). Des éléments de réponse pertinents ouvrent davantage d’explications pour comprendre cette œuvre et la resituer dans le contexte d’une carrière extrêmement prolifique, qui prit fin en 1999, avec la mort du réalisateur de Caligula, la véritable histoire et d’Ator l’invincible, qui ne sévissait plus que dans la pornographie depuis quelques années.

Quand Blue Holocaust devient Folie sanglante en VHS

Disponible en DVD et blu-ray sur différents marchés, ainsi que sur les plateformes de streaming, Blue holocaust a connu une carrière profuses sur plusieurs décennies. Il a même bénéficié de retitrages, en Italie, aux USA, comme en France, pour capter un nouveau public. Blue Holocaust est son appellation officielle en France, en 1982, où l’oxymore combinant l’idée d’un holocauste visqueux  à une tendre romance avait séduit le distributeur Jacques Leitienne, pompier pyromane en matière de putasserie. En VHS, cette nomenclature outrancière, douce et agressive à la fois, a de même séduit certains éditeurs vidéos comme MPM qui a ouvert le marché des horreurs, en VHS. Mais MPM a également exploité le film sous le titre de Folie sanglante, avec une jaquette particulièrement rebutante (un visage qui fondait dans de l’acide à la couleur rubiconde.)

Dans les années 90, certains lui ont préféré son titre original, Buio Omega, ou plutôt commettent l’irréparable en le transformant en Bio Omega. L’adaptation orthographique est idiote, car elle ne signifie absolument rien, puisque les tranches de viande humaine ne bénéficiaient nullement d’un label “bio” que l’on peut trouver très cocasse pour les années 80. Mais pour une œuvre de quartier qui aurait pu être sponsorisée par le boucher du coin, cela rajoute un arrière-goût de carne assez subversif.

A l’étranger, les marchés anglo-saxons exploiteront ce classique du cinéma bis sous le titre de Beyond the Darkness une interprétation de plus du titre original qui demeure insaisissable. Les Anglo-saxons sont particulièrement friands de ce jalon d’un cinéma extrême. Dans les années 2010, l’éditeur américain Severin Films a proposé une édition Region Free deux disques, quand, au Royaume-Uni, 88 Films a proposé un master 2K à cette fiction de l’étrange et de l’inclassable.

Une œuvre devenue mainstream avec le temps ?

En France, il faut remonter aux années 2000 et à l’éditeur Néo Publishing pour retrouver la première édition en DVD, de ce classique du cinéma déviant. Si l’image était morne, au moins, l’édition permettait aux spectateurs de profiter avec plus d’ampleur de la musique des Goblin qui sortaient du Zombie de George A. Romero. Leur bande-originale est une véritable plus-value car, entre disco et musique progressive, elle donne un cachet encore plus sensationnel à cette œuvre notoire qui a su, certes, traverser les décennies par la force de ses images, mais aussi par la puissance de son son.

En 2024, ESC Editions, pris de passion par le potentiel financier d’œuvres à la violence extrême, à la suite des succès de The Sadness et Terrifier 2, se décide d’exploiter le filon de la nécrophilie. Après une édition collector remarquée de Nekromantik (qui s’inspirait forcément de Buio Omega, jusque dans son titre), l’éditeur touche-à-tout propose un combo digipack au fourreau luxueux. De quoi permettre à ce mauvais esprit des années 80 de devenir un produit de consommation facile, malgré toutes les immondices dont il se fait le peintre. Blue Holocaust a ainsi accès à tous les derniers magasins physiques de France, Fnac y compris. Difficile d’être plus surprenant tant le film repose sur le plaisir du cinéaste à exploiter la souffrance féminine.

Finalement, dire qu’artistiquement Blue Holocaust est bon et conseillable, nous n’irons pas jusque là ; en revanche, dans ses retranchements infâmes, l’œuvre nauséabonde de Joe D’Amato demeure un chef d’œuvre d’ambiance et une apothéose transgressive d’un cinéma bis rital qui ne rechignait devant aucun outrage pour se faire de l’argent en flattant les bas instincts de ses spectateurs.

La sortie parisienne de Blue Holocaust

Pas peu fier de son interdiction aux moins de 18 ans de bonhomme, Blue Holocaust est sorti dans les cinémas parisiens le 30 juin 1982. Sept sites, en intra-muros, avait décidé de le programmer : le Studio Jean-Cocteau, les Paramount Marivaux/City-Triomhe/Galaxie/Montparnasse et Montmartre, ainsi que le Maxlinder Panorama où il était diffusé selon les codes de la permanence, de 14h à minuit. Au Montparnasse et au City-Triomphe, on pouvait même le voir en plus à la séance de minuit, le samedi 3 juillet.

Malheureusement pour le film de D’Amato, la concurrence était particulièrement hargneuse. Dans le genre fantastique, sortaient la même semaine Le fantôme de Milburn de John Irvin et Terreur à l’hôpital central de Jean-Claude Lord. Les hommes virils pouvaient aussi découvrir Super Nanas de Roger Corman, Prison très spéciale pour femmes de Gérard Kikoïne (10 écrans !). Pour un public différent, Interdit aux moins de 13 ans de Jean-Louis Bertuccelli et Le secret de Veronika Voss de Rainer Werner Fassbinder trouvaient également refuge dans les salles en ce début d’été 1982.

Frédéric Mignard

Les sorties de la semaine du 30 juin 1982

Blue Holocaust, l'affiche

© 1979 D.R. Comunicazioni di massa / Les films Jacques Leitienne. Tous droits réservés.

Biographies +

Joe D’Amato, Cinzia Monreale, Franca Stoppi, Kieran Canter, Anna Cardini, Mario Pezzin, Sam Modesto

x