Cannibal Ferox : la critique du film (1982)

Horreur, Aventure, Gore | 1h33min
Note de la rédaction :
5/10
5
Cannibal Ferox, affiche italienne

  • Réalisateur : Umberto Lenzi
  • Acteurs : Venantino Venantini, Zora Kerova, Danilo Mattei, Giovanni Lombardo Radice (John Morghen), Lorraine De Selle
  • Date de sortie: 16 Juin 1982
  • Année de production : 1980
  • Nationalité : Italien
  • Titre original : Mangiati Vivi 2 (Cannibal Ferox)
  • Titres alternatifs : Make Them Die Slowly (Etats-Unis), Die Rache der Kannibalen (Allemagne), Im Dschungel der Menschenfresser (Allemagne), Caníbal feroz (Espagne, Portugal), Woman From Deed River (Australie), De kannibalen vallen aan! (Pays-Bas), Jaget af kannibaler (Danemark), Hitokui zoku (Japon),
  • Scénariste : Umberto Lenzo
  • Directeur de la photographie : Giovanni Bergamini
  • Monteur : Enzo Meniconi
  • Compositeurs : Buddy Maglione, Roberto Donati
  • Responsable des effets spéciaux : Gino de Rossi
  • Producteurs : Mino Loy, Luciano Martino, Antonio Crescenzi (producteur exécutif)
  • Sociétés de production : Dania Film, Medusa Distribuzione, National Cinematografica
  • Distributeur : Commodore Film
  • Editeur vidéo : SPV (VHS, France), Broadway Vidéo (VHS, France), René Chateau (VHS, France), MPM (VHS, France) Neo Publishing (DVD, France), Grindhouse Releasing (Laser Disc, VHS, DVD, double blu-ray, 2017), Le Chat qui Fume (blu-ray, France), Shameless (Blu-ray, Royaume-Uni)
  • Date de sortie vidéo : 1981 (SPV, France), 1983 (Broadway Vidéo, France), 1988 & 1991 (MPM), 1995 (René Chateau, France), 13 septembre 2005 (Neo Publishing, France), 26 septembre 2017 (Grindhouse Releasing, Etats-Unis), 2023 (Le Chat qui fume), 20 avril 2020 (Shameless, Royaume-Uni)
  • Box-office France / Paris-Périphérie : 171 305 entrées / 21 774 entrées
  • Box-office nord américain / monde : Inconnu
  • Budget : Inconnu
  • Classification : Interdit aux moins de 18 ans (à sa sortie), Interdit aux moins de 16 ans,
  • Formats : 1.85 : 1 / Couleur (Eastmancolor, 35mm) / Mono
  • Illustrateur / Création graphique : © Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : © Dania Film, Medusa Distribuzione, National Cinematografica. Tous droits réservés / All rights reserved
Note des spectateurs :

Cannibal Ferox est un pur film d’exploitation qui défraya la chronique de par ses scènes barbares. Le film notoire d’Umberto Lenzi, où ethnocentrisme, viol, émasculation, et tueries d’animaux se succèdent, est réservé à un public averti.

Synopsis : Des étudiants en anthropologie se rendent en Amazonie afin de prouver que le cannibalisme est un mythe. Sur place, ils rencontrent deux Américains, trafiquants de diamants et de cocaïne, qui ont réduit un village indigène en esclavage. Suite à un viol commis par l’un d’eux, les habitants du village se rebellent.

Le film gerbant de gore et de sadisme qu’Umberto Lenzi n’aimait pas

Critique : Dans une filmographie rocambolesque, Umberto Lenzi n’est pas du genre à s’appesantir sur ses films d’horreur. Le réalisateur du Triomphe de Robin des Bois, Catherine de Russie, au début des années 60, de Si douces, si perverses avec Jean-Louis Trintignant, La guerre des gangs, ou La rançon de la peur, ne tient pas son plus gros succès, Cannibal Ferox, dans son cœur. Selon la légende publicitaire, le film d’exploitation barbare aurait été interdit dans plus de 30 pays, mais a connu une carrière de carnassier en VHS un peu partout dans le monde. Forcément le steak tartare intarissable en protéines permettra à Umberto Lenzi de vivre pendant de très longues années sur ses rentes. L’homme au caractère trempé s’érigera même en auteur maudit dont on aura retenu le pire de sa carrière. Il considère ses meilleurs opus méconnus et rarement sources d’inspiration pour ses nombreux solliciteurs en interviews baveuses.

Cannibal Holocaust, affiche VOD

© 1980 C.E.D. Cinematografica. Tous droits réservés.

Le désamour de Lenzi pour Cannibal Ferox provient probablement du fait qu’il s’agisse d’un film de commande, pour le producteur Luciano Martino, frère du cinéaste de La montage du dieu cannibale Sergio Martino.  Esthétiquement, le film est limité et la réalisation est terne. A peine le cinéaste parvient-il à diriger des comédiens en surjeu. Les yeux sont possédés (Giovanni Lombardo Radice, en salaud haïssable) ou vides d’expression (Lorraine De Selle dont on se demande encore si elle n’incarne pas à sa façon une sorte de néant).

Un rip-off à peine maquillé de Cannibal Holocaust

L’histoire, pour sa part, semble directement essorée du jus sanglant de Cannibal Holocaust, phénomène mondial en 1980-1981. Ruggero Deodato, auteur de Cannibal Holocaust vouera à Lenzi une rancœur sans équivoque qu’il partagera avec quiconque l’interrogera à son sujet, pendant des décennies. On reconnaîtra pourtant à Lenzi d’être le cinéaste italien à avoir lancé la mode du film de cannibales en 1972 avec Cannibalis, au pays de l’exorcisme, pacotille d’aventure où les sauvages ne servaient nullement la dynamique du récit, car relégués à une sous-intrigue. Lenzi réalisera également La secte des cannibales, connu mondialement sous le titre d’Eaten Alive. Cannibal Ferox est parfois vendu comme étant sa suite.

Affiche de cinéma rare de La secte des cannibales d'Umberto Lenzi

© Dania Films. Tous droits réservés

Reste que le moralement très contesté Cannibal holocaust reste le maître étalon du sous-genre qui ne connaîtra jamais d’équivalent aussi fort. Cannibal Ferox pourtant démontre bien l’outrecuidance d’Umberto Lenzi qui, afin de surfer sur la vague, décide de transposer son récit anthropologique pas inintéressant – le cannibalisme est-il un mythe? – dans un abattoir à ciel ouvert, où l’homme est un loup pour l’homme. Dans l’outrage, le cinéaste se complaît à filmer des mises à morts d’animaux, allant jusqu’à forcer l’un de ses acteurs à trucider un porc avec une sauvagerie consternante. Giovanni Lombardo Radice, bad guy au regard tors dans le film, ne le lui pardonnera pas. Umberto Lenzi scénariste fait par ailleurs subir à ses personnages les pires outrages : les parties génitales sont fréquemment amputées ou atrophiées avec un sens du détail qui fera tourner de l’œil les âmes sensibles. La censure britannique interdira le film, le classant dans les Nasty Movies, cette collection de titres maudits qui se zyeutaient sous le manteau dans le Royaume-Uni de Margaret Thatcher. En France, l’interdiction sera logiquement aux moins de 18 ans et le distributeur, Commodore Films, jouera forcément de cette estampille pour attirer les âmes insensibles.

Cannibal Ferox, dégueulasse de son titre aux horreurs infligées

Malgré ces immondices, Cannibal Ferox, dont le titre même sonne dégueulasse, ne deviendra pas le film de cannibale ultime. Techniquement et émotionnellement, la bisserie ne parviendra jamais à capter la rage viscérale de Cannibal Holocaust s’époumonnant dans la course à accepter sa position intermédiaire de divertissement pathologique moins pire que les autres. Contre lui, les sempiternelles scènes new-yorkaises (de L’enfer des Zombies de Lucio Fulci au classique de Deodato, on y a droit) alourdissent le métrage. Dans l’une de ces scènes, l’on y retrouve l’un des acteurs de Cannibal Holocaust, en guise de clin d’œil masochiste. Ruptures de ton, de musicalité et de couleurs ponctueront l’électron à moitié décérébré du gore italien qui ne sera jamais meilleur que dans sa vilénie et sa brutalité en terre anthropophage.

Au moins, la musique synthétique italienne, dont on reconnaît parfois l’ADN nihiliste, si elle ne relève pas de l’élégie crépusculaire du score de Riz Ortolani sur Cannibal Holocaust, permet de créer une ambiance putride qui rabiboche les yeux et les oreilles. Un vinyle parfaitement collector en sera tiré en 2018.

Vinyle de Cannibal Ferox chez

© Silver Ferox Design


Les tares de Cannibal ferox n’ont jamais éconduit ses fans qui lui vouent un culte acharné pour les sensations fortes que sa barbarie suscite. Les spectateurs contemporains seront pour leur part scandalisés par la monstruosité de l’offre et n’y verront que l’emprise d’un cinéaste sur son équipe, la violence faite aux femmes, aux animaux, et donc aux spectateurs témoins forcés de ses atrocités ; ils imagineront par ailleurs des coulisses du pire. Ils jugeront l’ethnocentrisme aux relents racistes inacceptables. Et ils auront probablement raison. Mais la vérité, comme souvent, doit se trouver quelque part entre ces deux positions extrêmes.

Un film polémique qui fera les bonnes et mauvaises fortunes de son auteur

Dans tous les cas, paradoxalement, malgré son succès conséquent, Cannibal Ferox mit un frein considérable à la carrière d’Umberto Lenzi, après des décennies de succès dans le film d’espionnage, l’aventure exotique, le polar urbain ou le giallo. Les polémiques autour de la violence sismique de Cannibal Ferox au X davantage évocateur de la déchéance pornographique que du mot latin signifiant cruel, le mettront au ban des auteurs italiens, alors que s’amorçait pour le cinéma italien un déclin inexorable en raison de l’ascension des chaînes privées qui tuèrent le cinéma local.

Jaquette VHS de Cannibal Ferox

© 1988 MPM

Les années 1980 d’Umberto Lenzi seront au mieux médiocres, au pire nullissimes, avec des jalons miteux comme Ironmaster la guerre du fer, Cinq salopards en Amazonie,  La Maison du cauchemar, Cop Target ou l’inénarrable Demoni 3 (Black Démons en France).

Quand Stallone sauve Lenzi de son enfer cannibale

Devenu classique contestable du cinéma d’épouvante malgré lui, Cannibal Ferox sera notamment promu au rang des nanars culte par le fils de Sylvester Stallone, le regretté Sage Stallone, qui nous as quittés en 2012. Associé au monteur culte Bob Muraski, la jeune vedette de Rocky IV s’était rendue en Italie pour acquérir les droits auprès du maestro. Il participera à la hype autour de l’auteur que le poto Quentin Tarantino portera au firmament.

Stallone Jr. et Muraski éditeront Cannibal Ferox en VHS et laser-disc, pour inaugurer leur société désormais fameuse, Grindhouse Releasing. Le film bénéficiera ainsi d’une première édition en DVD en 2000. Cannibal Ferox, initialement exploité aux USA sous le titre de Make them Die Slowly, sera upgradé en blu-ray au milieu des années 2010, trois ans après la mort de Sage Stallone, à l’âge de 36 ans. Lenzi mourra pour sa part en 2017.

DVD collector de Cannibal Ferox chez Neo Publishing

© 2005 Neo Publishing

Film trash pour public woke, ou pas

En France, après de nombreuses éditions VHS entre 1981 et 1995, l’éditeur culte Neo Publishing en proposera une édition DVD collector intégrale en 2005. Il faudra que la France attende 18 ans et l’avènement d’un réchauffement climatique historique avant la parution d’une édition blu-ray sous ses tropiques. Porté par le travail minutieux du Chat qui Fume, l’édition succède à un DVD qui s’est pris une majorité dans le nez, celle d’une nouvelle génération de cinéphiles partagés entre bienveillance systémique et désir pervers animal, mais aussi piégé par son ambivalence entre refus de la consommation physique, au nom de l’écologie, et consumérisme de collection steel-bookée. Au moins, chez le matou du bis, le packaging limité sera cartonné.

Frédéric Mignard

Sorties de la semaine du 16 juin 1982

Affiche française de Cannibal Ferox

© Dania Film, Medusa Distribuzione, National. Tous droits réservés. Cinematografica. Tous droits réservés.

Box-office :

Vous êtes-vous déjà demandé ce qu’avait donné la carrière de Cannibal Ferox au cinéma, en France? Attention, l’analyse est exclusive et unique sur le web. CinéDweller est dans la place.

Sorti en France au début de l’été 1982, Cannibal Ferox a plutôt convenablement fonctionné en France, avec un peu plus de 171 000 entrées. En revanche, il n’a été du goût des Parisiens qui l’ont accueilli dans une forme d’indifférence. La série B, à forte tendance Z, en tout cas, totalement bis, est exploitée dans le réseau Paramount qui ne compte pas le garder très longtemps dans son circuit, au vu d’une actualité d’époque qui accumulait les sorties d’une semaine à l’autre.

Interdit aux moins de 18 ans et fier de l’être

Interdit aux moins de 18 ans, et plutôt fier de l’être, le nouvel électro choc Cannibal de Umberto Lenzi vomit ses tripes dans treize cinémas sur Paris-Périphérie, dont 8 en intra-muros. Les réceptacles seront les Paramount City/Bastille/Marivaux/Montparnasse/Orléans/Galaxie/Montmartre, ainsi que le Max Linder.

Avec 15 072 entrées en première semaine, la bisserie italienne n’incorpore pas pour autant le top 15 francilien, où l’on voit en revanche débouler L’incroyable alligator de Lewis Teague en 5e position (35 061), Halloween II en 6e place (33 986), et La Galaxie de la terreur en 11e position (19 670). Le beau film fantastique de Peter Weir, La dernière vague était en revanche devancé (9 434 entrées), mais comme celui-ci ne figurait que dans 6 cinémas, son score était bien plus remarquable.

La dernière vague, l'affiche

© 1977 Ayer Productions PTY, LTD / Affiche : Gilbert Raffin. Tous droits réservés.

Un autre film d’horreur à l’affiche cette semaine-là versait également dans le gore décomplexé et malsain, en l’occurrence Cauchemars à Daytona Beach, qui, en 2e semaine, réunissait 2 680 amateurs de slasher hardcore dans 3 cinémas.

Deux films d’Umberto Lenzi à l’affiche simultanément

La deuxième semaine de Cannibal Ferox sera dans son cas compliquée. Malmenés dans le circuit Paramount par Meurtres à la Saint-Valentin, slasher qui leur vole quasiment tous leurs écrans, sans pour autant performer, nos cannibales ne s’acharnent plus que dans quatre cinémas Paramount (les City, Marivaux, Montparnasse et La Varenne en banlieue). Ils démembrent 4 910 victimes consentantes. Une autre curiosité italienne s’attaque au box-office, à savoir L’Avion de l’apocalypse (Incubo sulla città contaminata), d’un certain Umberto Lenzi – cela ne s’invente pas -, qui ne trouve néanmoins que deux cinémas pour 1 813 amateurs de nanars hystériques.

L'avion de l'apocalypse, affiche française

© 1980 Minerva Pictures

Des chiffres pas si nuls que cela

C’est en 3e semaine que Cannibal Ferox dépasse tant bien que mal les 20 000 spectateurs avec 1 133 entrées au Paramount City. Meurtres à la Saint-Valentin, foudroyé par sa première semaine radicalement nulle, n’est plus que dans deux cinémas pour un score similaire (1 833/14 000). Cette débandade américaine nous conduit forcément à de l’indulgence pour le film de Lenzi. L’avion de l’apocalypse lui disparaît, quand surgit un autre classique du cinéma gerbatif italien, Blue Holocaust de Joe d’Amato, qui engrange 5 454 nécrophiles dans 7 cinémas. Terreur à l’hôpital central de Jean-Claude Lord fait aussi une apparition sur les écran cette semaine-là.

Cannibal Ferox squattera la jungle du Paramount City une 4e et ultime semaine, avec 659 entrées, pour un total de 21 774 carnassiers.

En ce qui concerne ses résultats provinciaux, ils se feront sur la durée, avec un fort apport des villes moyennes et des petites bourgades qui lui offriront le gros de son audience.

Frédéric Mignard

Terreur à l'hôpital Central, affiche du film de Jean-Claude Lord

© Twentieth Century Fox

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Cannibal Ferox, affiche italienne

Bande-annonce de Cannibal Ferox

Horreur, Aventure, Gore

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