Box-office France : un bilan estival contrasté pour les producteurs et distributeurs, mais pas pour les exploitants qui ont bénéficié d’énormes succès à hauteur de multiplexe. Oui, si les Jeux Olympiques ont rassemblé la France de façon formidable, le cinéma n’était pas en reste servant enfin de ciment social.
Les spectateurs ont démontré être capables de faire des dérogations à leur binarité déprimante en oubliant la politique et les sujets ronflants qui les séparent pour se retrouver autour de trois films consensuels cet été, trois phénomènes à plus de 7, 8 et 10 millions d’entrées, ce qui n’était pas arrivé une seule fois durant cette sinistre décennie. Oui, c’est comme cela que l’on aime le cinéma.
Avec 457 000 entrées en 9e semaine, Le Comte de Monte-Cristo démontre une insolente santé, le film ne perdant que 23% de sa fréquentation d’une semaine à l’autre. Le pari gonflé de Pathé est gagné sur tous les plans, puisque la production française, fière de ses ambitions de film à l’ancienne, cumule 7 333 505 spectateurs. Au moment où nous écrivons ces lignes, il a déjà une journée de plus dans le moteur et a donc doublé Super Mario Bros, le film numéro 1 de l’année 2023.
Un p’tit truc en plus champion paralympique
Evidemment, les huit millions d’entrées sont déjà actés pour ce blockbuster validé pour rester dans les annales. De même, un autre succès français a démontré qu’on pouvait encore, en 2024, rassembler autour d’une comédie. Ce genre jadis fédérateur, reliant les générations, des salles aux multirediffusions à la télé, via les films avec Fernandel, Louis De Funès, le Splendid… retrouve sa fonction social du vivre ensemble. Un p’tit truc en plus, champion paralympique, ne perd que 16% de son audience en 17e semaine, pour une 7e place à 172 091 spectateurs. Le film d’Artus est increvable. Avec 10 320 985 spectateurs, il est une véritable leçon de divertissement pour Dany Boon qui s’est perdu dans la prétention, avec ses superproductions du rire qui sonnent faux et clinquantes. Jadis, avec Bienvenue chez les Ch’tis, Boon avait pourtant fait montre d’une simplicité fédératrice qui lui avait permis de battre tous les records, avec 20 438 757 spectateurs. A l’époque, la réponse du public se devait aussi d’être lue comme une réaction au blingbling de l’ère Sarkozy que l’on retrouvait jusqu’en salle, avec le pathétique Astérix aux Jeux Olympiques, de Thomas Langmann, produit par Pathé.
Entre Le Comte de Monte-Cristo et Un p’tit truc en plus, on retrouve un autre phénomène, cette fois-ci américain, le Pixar Vice-Versa 2. Le studio abîmé par les wokeries tièdes de Disney de ces dernières années prouve que le talent d’écriture, la finesse psychologique et l’universalisme, quand ils sont conjugués, font des merveilles. Vice-Versa a donc séduit 8 151 243 spectateurs en 10 semaines, dont 139 148 en 10e semaine. A côté, Moi, Moche et Méchant 4, pourtant un succès à 4 millions d’entrées, paraît moins bien armé. Et il est vrai, artistiquement, la comédie d’animation d’Universal était franchement décevante. Gru et les Mignons sont 6e en 7e semaine et se dorent encore la pilule, avec 190 042 spectateurs.
Emilia Pérez ou comment dire Jamais plus à Jacques Audiard ?
Face à ces gros morceaux, Jacques Audiard est à la peine. Après l’échec des Frères Sisters en 2018 (868 000 spectateurs pour un budget de 35 millions d’euros), il abandonne encore le français pour un nouveau gros budget, cette fois-ci en espagnol. Emilia Pérez est très ambitieux, mais avec son écriture grossière, il a bien du mal à exister en salle: 256 771 spectateurs dans 384 salles, c’est très peu pour la grosse sortie de la semaine qui entre en 5e place, loin derrière Jamais Plus avec Blake Lively (278 695 entrées dans 323 cinémas). Aidé par TikTok et une grande viralité sur les réseaux sociaux, le drame conjugal est le premier vrai succès personnel de Blake Lively, malgré des vidéos compromettantes pour la comédienne, où elle faisait montre de peu d’empathie, qui ont ressurgit pour nourrir un bad buzz artificiel. Le film pour jeunes femmes adultes écrase littéralement Emilia Pérez. Jacques Audiard en 2024, ce n’est vraiment plus le grand cinéaste de Sur mes lèvres et De battre mon cœur s’est arrêté, mais plus un dinosaure qui se cherche là où les modes vont. Si Emilia Pérez ne rebondit pas en deuxième semaine, son exploitation se limitera à quelques écrans ici et là sur les marchés étrangers où il a été acheté (les USA, l’Allemagne, l’Australie et l’Espagne).
Emilia Pérez est-il mort? Pas forcément. Un point important en sa faveur reste l’absence de nouveautés charismatiques pour cette semaine du 28 août et l’attrait des Parisiens pour son récit, puisqu’à Paris, le film a été en tête. Pour son 2e mercredi, Jacques Audiard reste encore en tête à Paris. Mais avec un tel budget, il lui faut impérativement le secours de la province. En attendant, Pathé Distribution ne se morfond pas, les 457 000 entrées du Comte de Monte-Cristo était plus ou moins ce que ses pontes attendaient d’Emilia Pérez pour sa première semaine.
Alien Romulus et Twisters tournent dans le vide
On passera vite sur Aliens : Romulus, suite bien réalisée mais plombée par un casting d’une fadeur indigne de la saga. Les adultes ne semblent pas trop s’en préoccuper ; les jeunes n’ont plus : 267 000 entrées en 2e semaine. C’est la plus grosse chute du top 10 avec une perte de 44% de sa fréquentation. Romulus a généré 745 000 entrées en 15 jours et devrait finir sa carrière autour des 1 300 000 entrées de Covenant. Au moins, Disney/Twentieth Century Studios peut se satisfaire d’un point : cet énième ersatz d’Alien n’est pas, en France, le bide intégral de Twisters qui perd 77% pour de sa fréquentation en 6e semaine durant laquelle 5 632 spectateurs l’ont vu en coup de vent. Son total de 621 000 chasseurs de tornade est à la hauteur de la médiocrité de ce produit hollywoodien bas de gamme. Heureusement ses producteurs, les USA en ont fait un beau succès (249M$), grâce à la présence du playboy Glenn Powell qui n’y fait pas grand-chose dedans. Bref, Twisters flop français, bourrasque américaine, sera dans tous les cas vite oublié.
Trap de M. Night Shyalaman et Golo & Ritchie sont de vraies bonnes surprises
Parmi les vrais succès de l’été, on comptera évidemment Deadpool & Wolverine, un autre beau succès pour Disney, avec 284 538 entrées en 5e semaine et un total de 3 255 000 spectateurs. Le nullissime Deadpool 2 et ses 2 600 000 spectateurs sont déjà loin derrière !
Le très moyen Trap, avec le peu charismatique Josh Hartnett, a surpris, avec 712 000 entrées en 3 semaines. C’est le meilleur résultat de M. Night Shyamalan en 5 ans. Old (311 000) et Knock at the Cabin (213 000) avaient été tous deux foireux au box-office. Si Warner parvient à dépasser les 947 000 entrées de Furiosa : une saga Mad Max, cela sera vraiment une leçon pour le studio dont le triomphe en 2024 demeurera Dune Partie 2 (4 203 000).
Toujours dans le top 10 pour sa deuxième semaine, Golo & Ritchie est une vraie bonne surprise pour Apollo Films. La comédie produite par Hugo Sélignac, d’Ahmed Hamidi, Martin Fougerol, n’a perdu que 30% de sa fréquentation en semaine 2 avec 103 000 spectateurs, soit un total exubérant de 252 000 entrées. La moitié de ses spectateurs se trouve à Paris et sa région.
Finissons sur quelques bocaux, creux et vides : Blink Twice, énième thriller MeToo, trouve 102 000 spectateurs dans 251 salles. The Crow, remake anniversaire foireux, massacré par son cinéaste, Rupert Sanders, avec un casting proche du néant (Bill Skarsgard, Fka Twigs, Danny Huston en roues libres) est l’accident industriel de la semaine avec 78 059 spectateurs dans 394 salles. Le premier volet, en 1994, avait ouvert à 211 681 spectateurs et clôt sa carrière estivale à 855 000 corneilles. Même La Cité des anges, le volet 2, avec notre Vincent Perez national, avait réalisé 480 000 entrées en 1997. Et cela avait été considéré comme très insuffisant en son temps.
Largo Winch 3 et Borderlands sont déjà morts
Les léthargiques Largo Winch – le prix de l’argent et Borderlands reposent désormais officiellement en paix. Le premier se situe à 33 000 entrées France en 4e semaine (total de 386 000), le second à 30 696 spectateurs en 3e semaine (total de 278 000). C’est effroyable dans les deux cas. Pour Largo Winch, c’est d’autant plus grave que cette troisième adaptation cinématographique est française et coûtera cher à ses producteurs. Pour mémoire, le deuxième épisode, avec dame Sharon Stone, avait déçu en 2011 avec 1 371 000 spectateurs. Donc, forcément, le troisième épisode qui ne réalisera même pas 500 000 entrées est bien parti pour entrer dans le top 10 des plus gros bides de l’année 2024. Affligeant.