Le cadavre du MCU bouge encore, mais Deadpool & Wolverine enfonce le clou sur le cercueil du genre super-héroïque avec un cynisme qui confine au suicide artistique.
Synopsis : Après avoir échoué à rejoindre l’équipe des Avengers, Wade Wilson passe d’un petit boulot à un autre sans vraiment trouver sa voie. Jusqu’au jour où un haut gradé du Tribunal des Variations Anachroniques lui propose une mission digne de lui… à condition de voir son monde et tous ceux qu’il aime être anéantis. Refusant catégoriquement, Wade endosse de nouveau le costume de Deadpool et tente de convaincre Wolverine de l’aider à sauver son univers…
Une gestation dans la douleur
Critique : Après les succès commerciaux de Deadpool (Tim Miller, 2016) et de Deadpool 2 (David Leitch, 2018), il était apparemment évident de mettre en chantier une suite aux aventures du héros le plus trash de la galaxie Marvel. Pourtant, si ce projet est validé dès 2018, les tractations prennent plusieurs années car l’agenda est bousculé par l’interminable affaire du rachat de la Fox (détentrice des droits de Deadpool) par Disney. Conscient de la perte de temps occasionnée, Ryan Reynolds s’est désespéré d’une telle situation, enfin débloquée durant l’année 2022 où l’annonce du lancement de la production de Deadpool 3 est officialisée au Comic-Con.
Entre-temps, le MCU (Marvel Cinematic Universe) a pris du plomb dans l’aile et les films de super-héros semblent entrer en phase terminale, le tout accéléré par la pandémie mondiale et surtout la lassitude du grand public. Ajoutons à cela une qualité de plus en plus discutable des films qui ne sont plus que l’occasion de vendre du fan service à un public acquis d’avance. Finalement, Deadpool 3, devenu désormais Deadpool & Wolverine apparaît comme le film ultime qui vient enfoncer un clou de plus dans le cercueil du genre.
Vers l’extinction et au-delà…
Non qu’il soit franchement mauvais, ni particulièrement bon d’ailleurs, mais Deadpool & Wolverine peut être vu comme une œuvre symptomatique de la mort d’un genre. Comme autrefois le western, le film de super-héros ne parvient plus à renouveler sa formule maintes fois usitée. Dès lors, le recours à l’humour et à la parodie devient le seul moyen de faire avaler au public des couleuvres bien indigestes.
Ainsi, au lieu de se soucier de raconter une histoire à même de passionner l’auditoire, les auteurs ont eu l’incroyable idée de fonder l’intégralité du long métrage sur du métacinéma. En réalité, Deadpool & Wolverine ne raconte rien d’autre que le rachat par Disney de la Fox et l’intégration du catalogue de cette dernière au MCU. Autant dire des événements qui ne passionneront guère que les aficionados et les geeks.
Le long métrage se sert donc du fameux multivers pour donner une explication aux incohérences entre l’univers partagé de la Fox et celui du MCU proposé par Disney et Marvel Studios. Les méchants de Deadpool & Wolverine qui veulent mettre fin à un univers peuvent donc être vus comme les patrons de Disney qui cherchent à annihiler l’héritage de la Fox, le Vortex serait le lieu où les films anciens sont broyés et Deadpool serait le sauveur en offrant une continuité entre deux compagnies concurrentes, au nom de la cohérence fictive des différents protagonistes.
De l’humour méta au pur cynisme
Cette métaphore méta débute dès la scène introductive, particulièrement efficace et qui retrouve l’élan jubilatoire du premier opus. Malheureusement, elle se poursuit sur l’intégralité du film qui n’est qu’une analyse sans nuance des dommages collatéraux des décisions financières sur un univers super-héroïque en principe détaché de ces contingences. Deadpool & Wolverine s’attache donc à détruire toute forme de fiction pour laisser la place à une amertume désagréable, voire détestable lorsqu’elle se mue en cynisme pur et dur.
Bien entendu, les acteurs – dont un Hugh Jackman qui n’en finit plus de revenir dans la peau du mutant griffu – n’y sont pour rien et ils s’amusent autant qu’ils le peuvent dans cette gaudriole où l’on jure à chaque syllabe, où le gore numérique s’étale de la manière la plus gratuite possible, comme s’il fallait donner des gages de « trashitude » à un public décidément blasé. Au moins Deadpool & Wolverine n’est assurément pas un film pour enfants, c’est toujours ça de pris.
Quelques bonnes séquences parviennent à divertir
Le résultat est occasionnellement amusant, parfois consternant car Shawn Levy n’est aucunement un grand réalisateur. Sa complicité avec les deux stars du film se ressent à l’écran, mais cela débouche rarement sur des moments poignants. Finalement, hormis l’introduction déjà mentionnée, on compte une autre grande réussite, à savoir l’affrontement avec les autres occurrences de Deadpool sur fond de Like a Prayer de la divine Madonna. La réalisation de la séquence semble avoir été calquée sur les inflexions de ce tube mémorable et indémodable, et c’est tant mieux.
Le reste est constitué de séquences d’action déjà vues et revues, de pompages parfaitement volontaires de l’univers de Mad Max, sans le talent visuel de George Miller, ainsi que de clins d’œil aux antiquités du genre (les présences de Jennifer Garner en Elektra, de Wesley Snipes en Blade et de Chris Evans en… Torche humaine et non en Captain America, toujours pour des affaires de droit, vous suivez toujours).
Symptomatique du déclin, voire de la mort prochaine d’un genre décidément usé jusqu’à la corde, Deadpool & Wolverine peut être vue comme une parodie audacieuse pour toute une génération. Pour notre part, elle nous rappelle surtout le cynisme des grands studios actuels, toujours prêts à faire des sous, même en se moquant d’eux-mêmes, et par conséquent du public.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 24 juillet 2024
Biographies +
Shawn Levy, Chris Evans, Jon Favreau, Hugh Jackman, Matthew McConaughey, Ryan Reynolds, Henry Cavill, Wesley Snipes, Blake Lively, Channing Tatum, Lewis Tan, Nathan Fillion, Matthew Macfadyen, Emma Corrin, Jennifer Garner
Mots clés
Films de super-héros, Marvel Cinematic Universe, Franchise : Deadpool, Parodie, Gore