Plombé par une production chaotique, Borderlands est un fourre-tout amusant par moments, mais qui échoue à créer un univers original. La faute à une réalisation faiblarde et de nombreux défauts d’écriture. Dispensable.
Synopsis : Lilith, une chasseuse de primes au passé trouble, revient à contrecœur sur sa planète natale, Pandore, la planète la plus chaotique de la galaxie… Sa mission est de retrouver la fille disparue d’Atlas, l’homme le plus puissant (et le plus méprisable) de l’univers. Pour y arriver Lilith va devoir former une alliance inattendue avec une joyeuse équipe de marginaux : Roland, un mercenaire chevronné ; Tiny Tina, une pré-ado avec un gros penchant pour la démolition ; Krieg, le protecteur musclé de Tina ; Tannis , une scientifique fantasque ; et Claptrap, un robot très bavard.
Du jeu vidéo au grand écran
Critique : Saga vidéoludique à succès entamée en 2009, Borderlands comporte plusieurs volets conçus par la société Gearbox Software et édités par 2K Games au cours de la décennie 2010. Celui-ci développe un univers touffu qui a énormément plu aux amateurs de jeux sur consoles. De quoi susciter des envies d’adaptation pour le grand écran, même si les réussites dans ce domaine peuvent se compter sur les doigts d’une main. Pas de quoi inquiéter Gearbox Software qui débloque un budget conséquent de plusieurs dizaines de millions de dollars pour donner vie à un Borderlands annoncé pour l’année 2022.
A l’aide de la société de production cinéma Lionsgate, le projet échoue dans les mains du cinéaste Eli Roth dès 2020 et celui-ci livre un scénario qui passe par de nombreuses étapes de réécritures. Rien d’inquiétant à ce stade du développement. Grâce à la petite stature culte du réalisateur, Borderlands séduit plusieurs pointures en matière d’acteurs. Ainsi, Cate Blanchett et Jack Black sont ravis de retrouver le cinéaste avec qui ils ont tourné La prophétie de l’horloge (2018), pourtant pas fameux. Le script attire également le comique Kevin Hart, ainsi que Jamie Lee Curtis, pas encore oscarisée pour son second rôle dans Everything Everywhere All at Once (2022) de Dan Kwan et Daniel Scheinert.
Une production aussi chaotique que le film lui-même
Tout ce petit monde se retrouve donc sur le plateau de tournage en Hongrie, et plus précisément à Budapest au début de l’année 2021, alors que la crise de la Covid-19 sévit encore dans le monde. A ce stade de la production, Borderlands est encore annoncé pour une sortie en 2022. Mais les choses se compliquent lorsque le long métrage est montré aux exécutifs du studio qui ne sont pas satisfaits du résultat final.
Ainsi, des reshoots sont programmés, mais le cinéaste Eli Roth est déjà parti sur un autre projet, en l’occurrence celui du film d’horreur Thanksgiving : La Semaine de l’horreur. Il est donc remplacé par Tim Miller, réalisateur du très ironique Deadpool (2016). Avec ces complications et un remontage complet du long métrage, la sortie a donc été repoussée à l’été 2024, soit près de trois ans après la fin des prises de vues. Dès lors, le film se trimballe une sale réputation de vilain petit canard et de navet intégral que les producteurs préfèreraient laisser dormir dans un placard.
Des problèmes d’écriture saillants
Il faut dire que le début du film ne nous rassure guère quant à la capacité des auteurs à raconter une histoire. Ainsi, l’utilisation d’une voix off intrusive semble faire le lien entre des séquences qui n’ont apparemment pas de sens isolément. Ce gros défaut d’écriture va peu à peu disparaître et cette voix off semble donc bien être une rustine pour colmater une brèche et non une volonté narrative pleinement assumée. Toutefois, elle a le mérite de poser assez rapidement les bases de l’univers Borderlands et de posséder une ironie et un cynisme qui vont faire tout le sel du programme. Malheureusement, cela sera sans doute le seul.
Toujours incapable de créer son propre univers cinématographique, Eli Roth confirme une fois de plus son statut de fanboy qui ne cesse de se référer au cinéma des autres. Ainsi, à la découverte de Borderlands – l’auteur de ces lignes n’a jamais joué au jeu vidéo en question – le spectateur se retrouve tour à tour plongé dans Star Wars (pour l’enlèvement de la gamine dans le vaisseau spatial), mais aussi dans un univers postapocalyptique à la Mad Max, le tout sur fond d’humour caractéristique des Gardiens de la galaxie. Car Eli Roth ne semble avoir qu’un seul désir, devenir le nouveau James Gunn d’Hollywood, soit un outsider venu du cinéma bis à qui l’on confierait désormais des gros budgets.
Un humour mieux géré que les scènes d’action
Pour autant, le réalisateur ne semble pas en posséder le talent. Certes, plusieurs séquences de Borderlands sont plutôt réussies et peuvent même déclencher le rire, mais on notera surtout l’incapacité du cinéaste à donner de l’ampleur à ses images. Lors des scènes d’action, le montage cut ne permet pas toujours de comprendre ce qui se déroule à l’écran et la confusion est souvent de mise.
L’humour est nettement mieux géré, grâce à une belle complicité avec les acteurs. Cate Blanchett s’en sort plutôt bien dans un rôle badass qui semblait surtout destiné à une Milla Jovovich. Face à elle, on peut également apprécier la bonne tenue d’Edgar Ramirez en grand méchant, ainsi que la faconde toujours impeccable de Jack Black dans un emploi uniquement vocal. En revanche, on est davantage circonspect devant la prestation très moyenne de Jamie Lee Curtis, trop grimaçante.
Borderlands ou comment le cynisme hollywoodien fait encore des ravages
Si les pérégrinations de cette équipe de bras cassés ne sont pas forcément désagréables à suivre et que l’ensemble peut même être amusant à plusieurs reprises, Borderlands souffre clairement d’une production chaotique qui ne parvient pas à compenser les faiblesses d’écriture. Même une fois la quête achevée, on ne comprend toujours pas la teneur du pouvoir enfermé dans la fameuse arche, ni en quoi le posséder peut avoir un impact sur l’univers entier. De même, la plupart des personnages se résument à un caractère bien précis, sans que rien ne soit jamais développé. Pas de quoi donner envie de visionner une suite à ces aventures qui s’inscrivent pleinement dans le cynisme actuel des exécutifs de studio.
Devenu incompétent dans la création d’univers cent pour cent originaux, Hollywood effectue donc un grand recyclage de tous les succès du passé à l’aide de nombreux clins d’œil et d’un humour soi-disant impertinent, mais qui n’est rien d’autre que de la subversion de bac à sable. Lem meilleur moyen d’y mettre un terme est encore de ne pas se rendre en salles pour valider cette démarche mercantile.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 7 août 2024
Biographies +
Eli Roth, Cate Blanchett, Jamie Lee Curtis, Gina Gershon, Haley Bennett, Kevin Hart, Ariana Greenblatt, Édgar Ramírez, Florian Munteanu, Jack Black
Mots clés
Films adapté de jeu vidéo, Les films de SF des années 2020, Cinéma postapocalyptique