Avec son histoire mystérieuse et son ambiance anxiogène, Old est aussi une belle réflexion sur le rapport de l’Homme au temps. Le tout est efficacement réalisé et plutôt bien interprété. Un bon cru pour Shyamalan.
Synopsis : En vacances dans les tropiques, une famille s’arrête pour quelques heures sur un atoll isolé où ils découvrent avec effroi que leur vieillissement y est drastiquement accéléré et que leur vie entière va se retrouver réduite à cette ultime journée.
Shyamalan revient aux fondamentaux de son cinéma
Critique : Ayant perdu pendant plusieurs années toute forme d’inspiration, M. Night Shyamalan semble revenu aux fondamentaux de son cinéma en disposant de budgets plus réduits et contraints. Il a su nous étonner avec sa série Wayward Pines (2015-2016), mais aussi par ses récents longs-métrages, dont les intéressants Split (2016) et Glass (2019) qui faisaient montre d’une réelle maîtrise de la réalisation. Pourtant, Old (2021) ne sort pas directement de son imagination fertile, mais est inspiré par un roman graphique suisse intitulé Château de sable de Pierre-Oscar Lévy sur des dessins de Frederik Peeters, publié en 2010. Difficile à adapter à cause de son absence de structure narrative ferme, Château de sable a donc été entièrement revu par Shyamalan qui y a retrouvé certains de ses thèmes de prédilection.
Ainsi, une fois de plus il enferme des personnages dans un lieu clos comme la ferme de Signes (2002), le bourg du Village (2004) ou encore la petite vallée de Wayward Pines (2015). Au cœur d’un lieu qui se révèle hostile, l’auteur en profite pour ausculter les peurs, angoisses et doutes existentiels de plusieurs protagonistes plus ou moins bien dépeints. Dans Old, la caractérisation des différents personnages est plutôt réussie, notamment par l’apport de comédiens de grande qualité. Le couple principal incarné par Gael Garcia Bernal et l’excellente Vicky Krieps est campé avec autorité par des comédiens habitués à creuser la psychologie de leurs personnages. Face à eux, Rufus Sewell est toujours un acteur solide, tandis que les jeunes gens sont efficacement interprétés par Alex Wolff et Thomasin McKenzie.
Bienvenue dans la quatrième dimension!
En fait, si l’on ajoute la présence de la jeune Eliza Scanlen, le casting d’Old est essentiellement constitué de comédiens venus du cinéma indépendant international, ce qui lui assure une bonne tenue au niveau de l’interprétation. Ces acteurs ne correspondent pas aux canons actuels de l’industrie hollywoodienne et l’on apprécie vraiment cette démarche plus authentique de la part de M. Night Shyamalan.
Doté d’une histoire mystérieuse qui évoque nécessairement les intrigues tarabiscotées de l’époque de La quatrième dimension, Old propose une immersion assez fascinante et toujours intéressante au cœur d’une temporalité accélérée. Même si le film offre quelques bons moments de tension et de suspense, l’aspect horrifique passe largement au second plan au profit d’une réflexion plutôt pertinente sur le temps qui passe et sur la notion de transmission. On retrouve ici les interrogations habituelles du cinéaste, toujours soucieux de proposer une double lecture à ses œuvres fictionnelles.
Un passage du temps judicieusement suggéré
Le passage très rapide du temps est brillamment illustré par des maquillages discrets qui ne cherchent pas l’épate visuelle, mais plutôt la continuité. Ainsi, même très vieux, Gael Garcia Bernal et Vicky Krieps ne croulent pas sous des tonnes de prothèses ridicules et leur jeu inspiré suffit à évoquer l’extrême vieillesse de leurs personnages. De même, le casting des gamins a été particulièrement soigné avec une vraie cohérence entre les acteurs qui les incarnent à des âges différents.
Le tout est rehaussé par une très lumineuse photographie de Mike Gioulakis, ainsi que par la beauté des paysages de la République Dominicaine où s’est déroulé le tournage en extérieurs. Bien entendu, l’ajout de quelques effets spéciaux vient renforcer le caractère impressionnant de ce lieu clos ceint de falaises dantesques. Là encore, le long-métrage ne se veut aucunement démonstratif et reste donc parfaitement tenu par un réalisateur en pleine possession de ses moyens.
Un tournage et une sortie sous la menace de la Covid-19
Le twist final – toujours très attendu dans les œuvres de M. Night Shyamalan – est encore une fois assez tordu, mais l’ensemble demeure acceptable, pour peu que l’on accepte le visionnage d’un pur film de science-fiction, aux desseins métaphoriques.
Plutôt réussi et toujours agréable à suivre, Old n’a pas vraiment eu de chance puisque son tournage a été quelque peu chahuté par la crise sanitaire de la Covid-19 et que sa sortie internationale a fait face à la désaffection des salles liée au virus. Si le long-métrage a plutôt bien performé aux Etats-Unis avec 48,2 M$ de bénéfices pour un budget raisonnable de 18 millions de billets verts, la France ne lui a pas déroulé le tapis rouge.
En France, Old a affronté le pass sanitaire
En fait, Old a joué de malchance puisque le film est sorti le mercredi 21 juillet 2021, c’est-à-dire le premier jour de l’application du pass sanitaire qui a eu pour effet de vider les salles hexagonales. Pour son premier jour, Old a attiré seulement 11 555 spectateurs dans 300 cinémas, ce qui était une sacrée déception pour Universal. Par la suite, le film a généré 105 841 passages en caisse lors de sa semaine inaugurale. Un score décevant, mais les semaines suivantes ont permis à l’œuvre de se stabiliser et finalement de tripler ses entrées au bout de sept semaines d’exploitation (311 781 entrées au total).
C’est évidemment insuffisant, mais le contexte était vraiment particulier avec une désertion du grand public des salles, ainsi qu’un embouteillage important au niveau des sorties, ne facilitant pas l’accès des copies aux cinémas. Depuis, le film a été exploité sur tous les supports possibles jusqu’au format 4K UHD, en vente depuis le mois de novembre 2021.
Critique de Virgile Dumez