Nettement supérieur au premier volet, Dune, deuxième partie pousse les curseurs du grand spectacle à leur maximum grâce à des enjeux revus à la hausse et une réalisation très inspirée d’un cinéaste au top de sa forme.
Synopsis : Paul Atreides s’unit à Chani et aux Fremen pour mener la révolte contre ceux qui ont anéanti sa famille. Hanté par de sombres prémonitions, il se trouve confronté au plus grand des dilemmes : choisir entre l’amour de sa vie et le destin de l’univers…
Une suite qui enterre son prédécesseur
Critique : Lorsque le premier épisode de Dune (2021) est sorti, le film portait quasiment sur ses épaules le destin des salles de cinéma marquées par la crise de la Covid-19. Avec son budget de 165 millions de dollars, la production a eu le mérite de ramener les spectateurs dans les salles, même si ses chiffres auraient pu être supérieurs dans un contexte différent. Remarquons également que ce premier volet souffrait de plusieurs défauts conséquents comme une absence de scène vraiment marquante, une exposition claire, mais très longue, des nombreux enjeux narratifs d’une saga littéraire réputée inadaptable, ainsi qu’un certain manque de charisme du couple principal formé par Timothée Chalamet et Zendaya. Enfin, le long-métrage se terminait brusquement comme un vulgaire épisode de série télé avec une absence notable de climax. Autant d’éléments qui explique pourquoi nous n’étions pas pressés de découvrir cette suite, pourtant annoncée comme encore plus spectaculaire.
Avec un budget en hausse, Dune, deuxième partie (2024) avait pour mission de surpasser le premier épisode en enjeux émotionnels. Et la réussite est patente avec cet épisode en tout point supérieur au numéro 1. Tout d’abord, le réalisateur a eu l’intelligence d’intégrer dès le début un journal de bord qui permet de résumer les événements du premier opus afin de ne pas perdre ceux qui ne l’ont pas revu. Il faut tout de même un petit temps d’adaptation pour se remettre dans le bain de cet univers complexe, avec une multitude de peuples qu’il faut parvenir à identifier.
Dune, deuxième partie se dote d’une dimension messianique
L’avantage de cette suite vient du fait qu’elle n’a plus à présenter les différents protagonistes et les enjeux et qu’elle peut donc aller à l’essentiel, à savoir la destinée de Paul Atreides au sein du peuple des Fremen, en lutte contre l’empereur (Christopher Walken, l’air de plus en plus fatigué) qui a justement fait éliminer le père de Paul. On retrouve ici des éléments qui ont fortement influencé George Lucas lors de l’écriture de la première trilogie Star Wars. Effectivement, dans Dune, deuxième partie, on retrouve la même thématique d’un peuple qui lutte pour sa survie au sein d’un empire autoritaire et qui se dote d’un sauveur, identifié ici à un Messie, pour le conduire à la victoire.
Très clairement inspiré par les écrits bibliques, l’œuvre littéraire de Frank Herbert permet surtout au réalisateur Denis Villeneuve de réfléchir sur des problèmes actuels par l’intermédiaire de métaphores passionnantes. Ainsi, le cinéaste multiplie les références à la politique menée par les Etats-Unis dans le monde arabo-musulman et sur la responsabilité du pays dans la création des martyrs de l’Islam. Certes, le réalisateur accuse le géant américain d’impérialisme, mais il ne délivre pas pour autant un certificat de bienveillance aux peuples opprimés qui se jettent dans les bras du premier prophète venu, surtout s’il est extrémiste.
La religion comme facteur de domination des masses
L’aspect le plus intéressant de Dune, deuxième partie vient notamment de sa défiance envers le fondamentalisme religieux. Villeneuve démontre notamment que la religion a toujours été au service du pouvoir et qu’un peuple qui croit aveuglément en un prophète est plus facilement manipulable. Dès lors, Paul Atreides devient en cours de métrage un personnage de plus en plus inquiétant dans sa volonté d’embrasser ce rôle de prophète qu’il n’a cessé de rejeter auparavant. Ainsi, les enjeux de ce second épisode s’avèrent bien plus sombres que dans le précédent, et même la romance entre Paul et Chani (Zendaya avec un air buté du début à la fin) ne tourne pas franchement à la comédie romantique.
Si l’on ajoute à cela des révélations sur les origines du protagoniste principal qui transforment cet affrontement en véritable tragédie familiale, Dune, deuxième partie place donc ses enjeux nettement au-dessus de ce qui était pressenti dans le premier volet. Afin d’accompagner cette dramatisation, Denis Villeneuve retrouve enfin un style flamboyant qui était le sien sur des œuvres marquantes comme Prisoners (2013), Sicario (2015) et Premier contact (2016). Alors qu’il semblait comme écrasé par le poids de l’adaptation et du budget colossal sur le premier volet, le cinéaste peut ici déployer ses ailes et sublime le matériau d’origine par une réalisation ample.
Dune, deuxième partie se conclue de belle manière
Tout ce qui nous avait laissé un peu froid dans le premier volet prend ici une autre dimension car le réalisateur y appose une vraie vision de cinéma, à la fois cohérente et spectaculaire. On adore notamment l’intégralité du passage sur la planète des Harkonnen, le tout filmé dans un noir et blanc qui permet de rendre esthétiques et conceptuels les effets numériques. Même les vers géants retrouvent leur majesté dans une séquence finale d’attaque totalement épique, et largement influencée par le western. Notons également que le film se termine sur une conclusion digne de ce nom. Certes, le script invite le spectateur à envisager la suite des événements, mais l’intrigue principale trouve bel et bien un dénouement satisfaisant, et délicieusement ambigu, contrairement à son prédécesseur.
En ce qui concerne les acteurs, ils paraissent également plus à l’aise car leurs personnages sont plus développés et les enjeux dramatiques ont été accentués. Timothée Chalamet assure plutôt bien en figure christique qui pourrait bien basculer du côté obscur, mais il est surtout soutenu par un casting solide. Rebecca Ferguson confirme ici tout le bien que l’on pensait d’elle au sein de la saga Mission impossible, Florence Pugh est également une actrice d’envergure (Midsommar ne s’oublie pas), tandis qu’Austin Butler (Elvis, c’était lui) compose un antagoniste très charismatique et flippant. Enfin, les vieux routiers comme Javier Bardem, Charlotte Rampling ou Stellan Skarsgård servent à renforcer la crédibilité artistique d’un projet qui prend véritablement toute son ampleur avec cet opus.
En ce qui concerne la musique composée par l’inusable Hans Zimmer, elle martèle les émotions à grands coups de boucles synthétiques et d’effets de type corne de brume. Le résultat est absolument dénué de subtilité, mais cela rend particulièrement bien sur grand écran et donne une allure encore plus spectaculaire à ce film de SF qui pourrait bien s’imposer dans quelques années comme un nouveau jalon du blockbuster de SF. Il le mérite amplement.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 28 février 2024
Biographies +
Denis Villeneuve, Josh Brolin, Dave Bautista (Batista), Rebecca Ferguson, Léa Seydoux, Javier Bardem, Christopher Walken, Charlotte Rampling, Austin Butler, Zendaya, Florence Pugh, Stellan Skarsgård, Timothée Chalamet, Anya Taylor-Joy, Souheila Yacoub
Mots clés
Les adaptations de Dune au cinéma, Les films de SF des années 2020, Le désert au cinéma, Les vers au cinéma