Ne réveillez pas un flic qui dort : la critique du film (1988)

Policier, Action | 1h37min
Note de la rédaction :
3/10
3
Ne réveillez pas un flic qui dort, l'affiche

  • Réalisateur : José Pinheiro
  • Acteurs : Alain Delon, Michel Serrault, Olivier Marchal, Féodor Atkine, Xavier Deluc, Serge Reggiani, Philippe Nahon, Daniel Beretta, Patrick Catalifo, Laurent Gamelon, Raymond Gérôme, Jean-Louis Foulquier, Bernard Farcy
  • Date de sortie: 14 Déc 1988
  • Nationalité : Français
  • Titre original : Ne réveillez pas un flic qui dort
  • Titres alternatifs : Let Sleeping Cops Lie (titre international) / Panther II - Eiskalt wie Feuer (Allemagne) / No despertar a un policía que duerme (Espagne) / Não Acordem Este Polícia (Portugal) / Nie budzi sie gliniarza, który spi (Pologne)
  • Année de production : 1988
  • Scénariste(s) : Alain Delon, José Pinheiro, Frédéric H. Fajardie, d'après le roman de Frédéric H. Fajardie
  • Directeur de la photographie : Raoul Coutard
  • Compositeur : Pino Marchese
  • Société(s) de production : Leda Productions, TF1 Films Production, Cité Films
  • Distributeur (1ère sortie) : Capital Ciné
  • Distributeur (reprise) : -
  • Date de reprise : -
  • Éditeur(s) vidéo : UGC Vidéo (VHS, 1989) / Pathé (DVD, 2003, 2011)
  • Date de sortie vidéo : Septembre 1989 (VHS, première édition), 18 juin 2003 (DVD)
  • Box-office France / Paris-périphérie : 802 437 entrées / 208 512 entrées
  • Box-office nord-américain : -
  • Budget : -
  • Rentabilité : -
  • Classification : Interdit aux moins de 12 ans
  • Formats : 1.66 : 1 / Couleurs / Son : Mono
  • Festivals et récompenses : -
  • Illustrateur / Création graphique : Michel Landi
  • Crédits : Leda Productions
Note des spectateurs :

Polar de fin de cycle, Ne réveillez pas un flic qui dort succombe sous le poids de ses propres excès de caricature et sa violence gratuite. Souvent ridicule.

Synopsis : Voyant des criminels remis en liberté, le commissaire Scatti fonde une organisation secrète de policiers extrémistes qui font leur propre justice : “Fidélité Police”. Un autre commissaire, Eugène Grindel, met sa vie en danger en enquêtant sur les crimes commis par ces policiers en colère…

Retour de l’équipe de Parole de flic

Critique : De plus en plus rare sur les écrans en cette fin des années 80, Alain Delon souhaite rebondir dans un genre qui lui assure généralement le succès, après des tentatives de diversification (Notre histoire, Le passage) qui ont moyennement convaincu. Persuadé que le mot flic dans le titre lui assurera automatiquement l’adhésion du public, Delon reconstitue l’équipe de Parole de flic (Pinheiro, 1985) qui lui avait permis de cumuler encore 2,5 millions d’entrées sur le sol français. Pourtant, le film était loin d’être une réussite, avec sa surenchère de violence gratuite et ses nombreux dérapages bis qui en font un nanar fort drôle à visionner de nos jours.

Ne réveillez pas un flic qui dort, jaquette DVD

© 1988 Leda Productions / © 2003 Pathé. Tous droits réservés.

Pour ce nouveau polar, Delon s’empare donc d’un roman de Frédéric Fajardie, avec qui il avait déjà travaillé sur Parole de flic. Largement inspiré par plusieurs organisations clandestines policières des années 70 (on pense notamment à Honneur de la Police en France, mais aussi à l’escadron de la mort anticommuniste d’Argentine Triple A qui est d’ailleurs nommément cité dans le film), Ne réveillez pas un flic qui dort (1988) reprend donc l’idée centrale au cœur du précédent film de José Pinheiro, à savoir la constitution de milices d’extrême droite au sein de la police française.

Delon lutte contre l’extrême droite infiltrée dans la police

Le thème n’est pas neuf et il est d’ailleurs toujours d’actualité puisque les policiers ont souvent eu par le passé le sentiment d’être impuissants face au crime organisé. De là à songer à devenir à la fois policier, juge et bourreau, il n’y a qu’un pas que les romanciers et cinéastes ont souvent franchi, agitant ainsi le chiffon rouge qui sépare la légalité du fascisme pur et dur. Alain Delon se présente donc dans le long-métrage comme un garant de la stabilité républicaine face à un Michel Serrault délibérément fasciste – on songe d’ailleurs à sa prestation hallucinée dans A mort l’arbitre (Mocky, 1984) tant l’acteur en fait des tonnes dans l’abjection.

Pour cette première confrontation entre deux acteurs de poids, Ne réveillez pas un flic qui dort s’avère assez frustrant puisqu’ils n’ont quasiment pas de scène commune. D’après Serrault dans son autobiographie …vous avez dit Serrault ? (2001) :

Alain Delon demanda à ce moment-là à me voir. Nous n’avions jamais eu de contact auparavant, et je trouvai devant moi un homme très aimable, avant tout chef d’entreprise. […] Sur le tournage, j’ai eu avec Delon des rapports très amicaux. Il ne cachait pas une sorte de respect et me parlait avec beaucoup de gentillesse.

Une dénonciation poids lourd

Toutefois, si le tournage fut agréable, le résultat final laisse franchement à désirer à cause d’une volonté encore évidente de tout exagérer. Afin de capter un public plus jeune, Delon met une fois de plus le paquet en matière de violence, au point que cela confine souvent au ridicule. Dès les premières séquences où la milice policière exécute des truands, on a le droit à une mort par lance-flamme – pratiquée par un Bernard Farcy en roue libre – puis à une émasculation à coup de tenaille géante. Durant ces scènes, tous les acteurs cabotinent un maximum, que ce soit le jeune espoir Xavier Deluc – dont l’arrestation est également un grand moment de cinéma bis – ou le vétéran Serrault.

Par la suite, le discours qui vise à dénoncer l’extrême droite est asséné de façon pachydermique par des dialogues signifiants d’une incroyable lourdeur démonstrative. Afin de faire passer la pilule, les auteurs ont cru bon adopter un langage qui voudrait imiter la verve populaire de Michel Audiard. Mais le talent fait ici clairement défaut et la plupart des punchlines tombent à l’eau.

Ne réveillez pas un spectateur qui dort

Pire, malgré plusieurs scènes d’action efficaces, Ne réveillez pas un flic qui dort est un polar désespérément mou, plombé par un script affreusement linéaire et prévisible. Au milieu de ce naufrage artistique, renforcé par la musique Bontempi de Pino Marchese, Alain Delon fait ce qu’il peut pour rester digne. Un peu meilleur que dans Parole de flic, l’acteur parvient à s’imposer, tout en faisant de son personnage un cliché d’un autre temps. Alors que dans le roman son personnage était un flic en bout de course, Delon ne se voit plus que comme un super-héros invincible. Il y séduit encore une jeune mannequin, de vingt ans plus jeune que lui et par ailleurs fort mauvaise actrice, dans un refus complet d’assumer son âge.

Tout ceci rend donc la projection assez douloureuse, voire comique au second degré. Le long-métrage apparaît donc comme une preuve supplémentaire  de l’effondrement d’un type de divertissement à la fin des années 80, par ailleurs ravagée par la crise du cinéma. Mauvais de bout en bout, accablant par la multitude de choix de mise en scène incompréhensibles, et ceci jusque dans les arrière-plans, Ne réveillez pas un flic qui dort est une vaste blague qui ne suscitera que l’indulgence des bisseux les plus endurcis.

La fin de la domination de Delon sur le box-office français

Sorti début décembre 1988, le film ne parvient pas à attirer le grand public en se positionnant seulement troisième lors de sa semaine d’investiture parisienne (avec 78 509 spectateurs dans une vaste combinaison de salles). Sur la France, le polar n’arrive qu’en cinquième position derrière des poids lourds comme Camille Claudel, Itinéraire d’un enfant gâté (avec son grand rival Belmondo), L’ours et Willow.

Si Ne réveillez pas un flic qui dort s’est maintenu pendant les vacances de Noël, le bouche-à-oreille plutôt mauvais l’a poussé assez rapidement vers la sortie au cours du mois de janvier 1989. Le film a tout juste réussi à franchir le seuil des 800 000 entrées sur la France, score qui fut une sacrée douche froide pour Alain Delon dont le règne était terminé. Comme le dit très bien Michel Serrault dans son autobiographie :

Le film ne fut pas à la hauteur des espérances d’Alain Delon, des miennes non plus.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 14 décembre 1988

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Ne réveillez pas un flic qui dort, l'affiche

© 1988 Leda Productions / Affiche : Michel Landi. Tous droits réservés.

Box-office :

Sorti le 14 décembre 1988, Ne réveillez pas un flic qui dort était la grosse sortie parisienne du mercredi avec 43 écrans mises à disposition par un distributeur, Capital, qui n’avait pas les reins d’AMLF ou Gaumont.

Ne réveillez pas un flic qui dort contre une armée de jeunes

La compétition est rude : le film d’heroic fantasy Willow de Ron Howard est exploité sur 33 salles, mais son bide américain n’en fait pas un favori pour les fêtes de fin d’année ; Beetlejuice de Tim Burton va être le film de la révélation d’un auteur et d’un public, ce jour-là, il dispose de 27 écrans. Le clip foutraque de Michael Jackson, Moonwalker, surfe sur 29 écrans. Gérard Jugnot repasse à la réalisation avec Sans peur et sans reproche, qui sera son premier échec commercial, après les succès de Pinot simple-flic, et, à moindre niveau, Scout toujours…. Il dispose de 28 écrans.

C’est la horde de fans de Michael Jackson qui prend d’assaut les cinémas, parmi les nouveautés, avec 14 050 spectateurs ; l’idole masculine des jeunes de l’époque est suivi par Delon dont le démarrage n’est pas très loquace (10 686 taulards).

A l’issue de la première semaine parisienne, Alain Delon a la gueule de bois. S’il bat le chanteur de Bad de justesse (mais avec beaucoup plus de salles), ses 78 509 spectateurs le laissent derrière Willow qui, contrairement à son exploitation américaine, sera un beau succès national, avec 87 956 entrées. Jugnot rame en 8e place (34 000) derrière Tim Burton (46 000) qui surprend. Evidement, Queen Adjani est le phénomène de cette fin d’année avec Camille Claudel qui demeure bien installée en première position pour sa deuxième semaine d’hystérie artistique.

A titre de comparaison, Parole de flic, sorti durant l’été 1985 n’avait pas été perturbé par son interdiction aux moins de 13 ans et avait flingué 211 546 spectateurs pour sa première semaine. En décembre 1986, Delon avait pris plus de risque avec Le passage de René Manzor, un semi-succès, qui finira son entame hebdomadaire à 105 755.

Alain Delon star de la télévision rit, Delon acteur de cinéma pleure

Ce qui est intéressant, c’est que Delon acteur, en octobre 1988, avait battu des records d’audimat avec la mini-série, ou téléfilm en quatre parties, Cinéma, avec Edwige Feuillère. Ces deux situations antagonistes, à deux mois près, désappointe Alain Delon qui ne connaîtra plus jamais le succès en salle par la suite. Pour lui, la sortie consécutive de son polar est une faute de la part des coproducteurs.

Ne réveillez pas un flic qui dort, promo Pariscope

D’après un visuel de Landi – Les Archives de CinéDwellerEn 2e semaine, sur Paname, en pleine semaine de vacances, Ne réveillez pas un flic qui dort rétrograde en 7e place et ne menace plus que 49 864 spectateurs. Il se retrouve au coude-à-coude avec Beetlejuice qui monte, quand Willow a saisi la première place pour Noël, et La petite voleuse avec Charlotte Gainsbourg séduit les foules en 2e place dans une combinaison de 28 cinémas.

La troisième semaine correspond à une semaine quasi creuse en terme de nouveautés (L’arme absolue avec Van Damme, était la seule production commerciale lancée pour la semaine du 28 décembre au 3 janvier. Cette semaine était chargée de bonnes ondes : 7 jours de pleines vacances, un jour férié et donc l’assurance d’un beau maintien, voir d’une progression. Delon, lui, décline (-4 écrans, 42 685 spectateurs). La rage est dans son camp.

La semaine du 4 janvier change la donne, le box-office s’effrite et la nouveauté Freddy 4, le cauchemar de Freddy cartonne en 4e place (60 178). Delon bascule toujours plus bas, avec 20 969 piliers de bar. Il a, au passage, perdu 16 écrans.

A peine huit semaines à l’affiche à Paris

En 5e semaine, le film de José Pinheiro essuie l’affront d’une exploitation locale dans 5 salles intra muros et 2 en banlieue, pour un total de 8 699 entrées. Ne réveillez pas un flic qui dort se hisse péniblement cette semaine-là au-dessus des 200 000 tickets.

En 6e semaine, il ne lui reste plus que 3 cinémas, mais des sites majeurs : l’UGC Normandie, le Paramount Opéra et le Pathé Montparnasse. Il y glane 4 363 retardataires.

Le film passera deux semaines de plus sur les Champs, au cinéma le Triomphe et, pour son ultime semaine, se retrouvera dans une salle de quartier, au Paris Ciné, où les tickets sont bradés. Il finit totalement anéanti à 208 512 spectateurs en 8e semaine.

Un flic, ça meurt aussi.

 Frédéric Mignard

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Bande-annonce de Ne réveillez pas un flic qui dort

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