Monsieur Klein : la critique du film (1976)

Drame | 2h03min
Note de la rédaction :
9/10
9
Monsieur Klein, l'affiche

Note des spectateurs :

Admirable par la finesse de son écriture et la classe de sa réalisation, Monsieur Klein demeure une œuvre particulièrement forte qui interroge avec pertinence la notion d’identité. Puissant.

Synopsis : Pendant l’occupation allemande à Paris, Robert Klein, un Alsacien qui rachète des œuvres d’art à bas prix, reçoit, réexpédié, à son nom, le journal Les Informations juives qui n’est délivré que sur abonnement. Il découvre bientôt qu’un homonyme juif utilise son nom, et décide alors de remonter la piste qui le mènera à cet inconnu.

Losey entame son exil français de la meilleure des manières

Critique : Scénariste et cinéaste italien de grand talent, Franco Solinas (1927-1982) est à l’origine de l’histoire de Monsieur Klein, qu’il rédige vers 1974. Initialement, le projet a été proposé à Costa-Gavras, avec lequel Solinas a déjà travaillé sur Etat de siège (1972), mais finalement cela ne se fait pas. Toutefois, le script séduit le cinéaste américain Joseph Losey – avec qui Solinas a collaboré sur L’assassinat de Trotsky (1972) – et l’acteur Alain Delon qui se propose de le produire.

Monsieur Klein, l'affiche de la reprise

© 1976 StudioCanal Image – Titanus Distribution / Affiche : Alain Baron. Tous droits réservés.

Le long-métrage fait clairement parti des projets ambitieux développés par Alain Delon, de ceux qui ne sont pas nécessairement voués à cartonner au box-office, mais peuvent asseoir la stature d’acteur de la star aux nombreux films millionnaires. Il fait ici pleinement confiance à un réalisateur dont l’engagement politique très marqué à gauche lui a valu l’exil suite au maccarthysme. Après avoir travaillé pendant une décennie en Angleterre, Losey est contraint par la crise britannique à s’expatrier quasiment à chaque nouveau film. Il arrive donc pour la première fois en France avec ce Monsieur Klein (1976) qui est assurément l’un des meilleurs films des années 70.

A la recherche de sa propre identité

Le film propose ainsi un script original fondé sur une brillante idée. Durant l’occupation allemande, un homme qui profite de la crise traversée par le pays pour s’enrichir est confronté à un problème d’homonymie. Le problème est que son mystérieux alter ego est juif et qu’il est activement recherché par la police. Cette confusion est le point de départ d’une quête identitaire pour le personnage principal incarné avec beaucoup de nuances par Alain Delon.

Là où le spectateur pourrait s’attendre à des rebondissements inattendus, à une sorte de complot visant ce marchand peu scrupuleux, les auteurs ont préféré opter pour une véritable audace narrative. Effectivement, à mesure que l’enquête avance, Robert Klein ne parvient jamais à prouver la réalité de son identité et finit même par s’identifier à l’homme qu’il traque, au point de prendre même sa place lors des marquantes séquences finales. Au lieu d’assister à la construction d’une identité, le spectateur se retrouve face à l’effacement d’un être qui, progressivement, prend la place d’un autre.

Une prise de conscience de la réalité de la déportation juive par la France

Bien évidemment, la symbolique est ici très forte puisqu’il s’agit de dénoncer l’incapacité des Français de l’époque à se mettre « à la place » des juifs qui sont alors déportés en masse. La dernière séquence se déroulant lors de la rafle du Vélodrome d’Hiver de 1942 va largement dans ce sens. Toutefois, cette symbolique n’est jamais lourdement appuyée et laisse donc le spectateur dans une situation d’inconfort, comme un témoin impuissant d’une situation qui échappe à tout contrôle.

Losey en profite pour régler ses comptes à cette population française qui a exploité le malheur des juifs et a refusé de voir ce qui se passait dans leur pays. Il est important de signaler que Monsieur Klein sort à un moment où la France commence à ouvrir les yeux sur cette période sombre et peu glorieuse de son histoire. Peu de temps avant sortaient des livres d’histoire comme La France de Vichy (Paxton, 1973), tandis que des films commençaient à parler sans détours de la collaboration. On songe bien entendu à Lacombe Lucien (Malle, 1974) qui a choqué l’opinion.

Alain Delon chez LOsey, Mr Klein

© 1976 StudioCanal ®studiocanal

Une ambiance étrange, à la lisière du fantastique

Toutefois, si la dénonciation de Losey est réelle, elle se fait plus insidieuse encore, car elle touche l’intimité d’un personnage, le tout filmé dans une ambiance quasiment fantastique. Certains passages pourraient très bien s’insérer dans une œuvre onirique, comme coupés de toute réalité historique et pragmatique. Il s’agit bien pour les auteurs de questionner la notion d’identité, et particulièrement celle de l’identité juive.

Tout ceci est réalisé avec une science du cadre absolument remarquable. Losey multiplie les déambulations dans les appartements à coups de plans-séquence et de multiples changements d’axe qui font leur petit effet. Ainsi, il confirme formellement que le personnage principal est pris au piège d’un labyrinthe kafkaïen. Tout bonnement admirable.

Delon n’explose pas le box-office

Certes, Monsieur Klein a su séduire de nombreux critiques de l’époque et a obtenu les César du meilleur film, du meilleur réalisateur et des meilleurs décors de l’année 1977, mais le grand public ne s’est pas rué dans les salles pour le voir. Pour une œuvre difficile, ses 711 752 entrées peuvent paraître satisfaisantes, mais beaucoup moins pour un film avec Alain Delon en tête d’affiche. Il s’agit même de l’un des scores les plus décevants de cette période pour la star.

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Critique de Virgile Dumez

Delon, impérial : Monsieur Klein de Losey

®studiocanal – © 1976 StudioCanal

Box-office :

Victime d’un sujet grave et d’une concurrence française impitoyable

En première semaine, sur Paris, Mr Klein devait affronter un certain L’aile ou la cuisse (Coluche/De Funès), ainsi que le Lelouch avec Catherine Deneuve et Anouk Aimée, Si c’était à refaire. On n’oubliera pas de mentionner le lancement de Mado de Sautet, avec Romy Schneider, Michel Piccoli, Ottavia PiccoloJacques Dutronc.

Le résultat pour ce formidable Mr Klein est en demi-teinte, avec 58 326 spectateurs et une 9e place parisienne décevante. Pas de quoi faire trembler Belmondo qui, en 3e semaine, attirait encore 88 610 spectateurs pour Le corps de mon ennemi. On notera que L’aile ou la cuisse réalisait alors un score exceptionnel, avec 261 990 spectateurs, quasiment un record, ce dernier étant alors tenu sur la capitale par Les Dents de la mer, avec 309 158 entrées. De Funès battait son propre record de Rabbi Jacob (189 439).

Les salles parisiennes le programmant

A Paris intra-muros, Mr. Klein était à l’affiche de 10 cinémas : l’UGC Biarritz, le Publicis Matignon, Le Capri, le Studio Jean Cocteau, le Bonaparte, l’UGC Odéon, l’UGC Opéra, le Paramount Galaxie/Montparnasse et Les 3 Murat.

En première exclusivité, Mr. Klein tiendra l’affiche jusqu’à la fin de l’année 1976, avant de connaître une nouvelle carrière, grâce aux César : le film emporte la statuette du film de l’année, du meilleur réalisateur pour Losey et celui du meilleur décor. Sa reprise grâce aux César lui permet de glaner 3 273 spectateurs en plus, la semaine du 23 février… Il tiendra à nouveau moins d’un mois dans nos salles. Toutefois, le film est devenu un classique, sûrement plus précieux que beaucoup des œuvres citées plus haut.

En 2014, Les Acacias proposent une sortie en copie restaurée. Cela permet au chef d’œuvre méconnu avec Alain Delon d’être (vu) et revu par 4 1 35 curieux.

Tous les César du Meilleur film

Les sorties de la semaine du 27 octobre 1976

Monsieur Klein, l'affiche

© 1976 StudioCanal Image – Titanus Distribution / affiche : René Ferracci © ADAGP Paris, 2019. Tous droits réservés.

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Monsieur Klein, l'affiche

Bande-annonce de la reprise de Monsieur Klein (2014)

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