Le train : la critique du film de John Frankenheimer (1964)

Film de guerre, Historique | 2h13min
Note de la rédaction :
7,5/10
7,5
Le train, jaquette mediabook

  • Réalisateur : John Frankenheimer
  • Acteurs : Burt Lancaster, Jeanne Moreau, Bernard Fresson, Michel Simon, Paul Scofield, Jacques Marin, Albert Rémy, Wolfgang Preiss, Suzanne Flon, Howard Vernon, Donald O’Brien, Charles Millot, Arthur Brauss
  • Date de sortie: 22 Sep 1964
  • Nationalité : Américain, Français, Italien
  • Titre original : The Train
  • Titres alternatifs : Der Zug (Allemagne) / El tren (Espagne) / O Comboio (Portugal) / Pociąg (Pologne) / Il treno (Italie) / O Trem (Brésil)
  • Année de production : 1964
  • Scénariste(s) : Franklin Coen, Frank Davis, Walter Bernstein, Howard Dimsdale, Nedrick Young
  • Directeur de la photographie : Jean Tournier et Walter Wottitz
  • Compositeur : Maurice Jarre
  • Société(s) de production : Les Films Ariane, Les Productions Artistes Associés, Dear Film Produzione
  • Distributeur (1ère sortie) : Les Artistes Associés
  • Distributeur (reprise) : Flash Pictures
  • Date de reprise : 15 août 2012
  • Éditeur(s) vidéo : MGM (DVD, 2006) / Coin de Mire Cinéma (Mediabook, 2019)
  • Date de sortie vidéo : 22 mai 2019 (Mediabook)
  • Box-office France / Paris-périphérie : 3 488 567 entrées / 634 043 entrées
  • Box-office nord-américain : 10,6 M$ (93,8 M$ au cours ajusté de 2021)
  • Budget : 6,7 M$ (soit 59,2 M$ au cours ajusté de 2021)
  • Rentabilité : -
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 1.66 : 1 / Noir et Blanc / Son : Mono
  • Festivals et récompenses : 1 nomination aux BAFTA 1965 pour le meilleur film / 1 nomination aux Oscars 1966 pour le meilleur scénario original
  • Illustrateur / Création graphique : Frank McCarthy (illustration affiche de 1964)
  • Crédits : Metro-Goldwyn-Mayer Studios Inc.
Note des spectateurs :

Film de guerre assez classique, Le train vaut surtout pour l’efficacité de sa réalisation et la parfaite gestion des scènes d’action et des cascades réalisées sans trucages. Les acteurs y sont tous excellents.

Synopsis : Après le débarquement allié, les Allemands veulent emporter par le train des tableaux de grande valeur en Allemagne. Mais la conservatrice du musée alerte la résistance. Sous la direction tenace de Labiche, sous-chef du secteur ferroviaire, toute la ligne où le convoi doit passer est sur le pied de guerre.

Un épisode peu connu de la Seconde Guerre mondiale

Critique : Au début des années 60, la crise du cinéma qui sévit alors pousse les producteurs américains à investir dans des œuvres à grand spectacle afin d’attirer le public dans les salles. D’où le succès de plusieurs productions épiques et guerrières comme Le jour le plus long (collectif, 1962). Les différents épisodes de la Seconde Guerre mondiale sont un terreau parfait pour tourner de grandes fresques et c’est ainsi que le livre historique de Rose Valland intitulé Le Front de l’art a été adapté dans une vaste coproduction franco-italo-américaine . Pour mémoire, cette conservatrice de musée – incarnée à l’écran par Suzanne Flon – a été une grande résistante qui a organisé en sous-main le sauvetage du patrimoine pictural français qui allait être pillé par les nazis. Cette histoire a d’ailleurs également inspiré le très médiocre Monuments Men de George Clooney en 2014.

Le train, détails du Mediabook

© 1964 Metro-Goldwyn-Mayer Studios Inc. / © 2019 Coin de Mire Cinéma. Tous droits réservés.

C’est donc cette histoire qui a servi de base au script développé par Franklin Coen et Frank Davis. Toutefois, de nombreuses modifications ont été apportées par rapport à la véritable histoire. Non seulement tous les noms ont été modifiés, mais le déroulement même de l’opération est totalement différent dans le long-métrage par rapport à ce qui s’est réellement passé. Il fallait effectivement développer une intrigue plus spectaculaire, selon la volonté de la star Burt Lancaster qui tenait à obtenir un gros succès après plusieurs déceptions commerciales. Si Lancaster conquiert effectivement les critiques au début des années 60 grâce à sa prestation dans Le guépard (Visconti, 1963), son étoile commence à pâlir sur le plan strictement commercial à l’approche de ses cinquante ans.

Arthur Penn remercié, John Frankenheimer à la rescousse

Projet initié par le réalisateur Arthur Penn qui souhaitait développer une atmosphère plus intimiste et fondée sur les personnages, Le train a connu rapidement des vicissitudes en matière de production. Ainsi, Penn a été congédié par Burt Lancaster – très coutumier de cette pratique – et a été remplacé au pied-levé par John Frankenheimer. Le cinéaste avait toute confiance en Lancaster puisque les deux hommes ont déjà tourné ensemble des films importants comme Le Prisonnier d’Alcatraz (1962) et Sept jours en mai (1964). Après quelques jours d’arrêt – entraînant donc des coûts de production plus élevés – le tournage a pu reprendre, mais avec une orientation bien différente. Désormais, Lancaster entend bien faire du Train un vrai film d’action et John Frankenheimer va lui donner toute satisfaction.

Ainsi, en accord avec les pontes de la SNCF, la production va pouvoir utiliser toutes les ressources possibles du réseau ferroviaire national. Dans Le train, aucune maquette n’a été utilisée et tous les déraillements et autres carambolages ont été filmés à l’aide de plusieurs caméras avec de véritables trains. Autant dire que la véracité des séquences d’action est totale et que le film devient dès lors une référence incontournable en la matière.

Une indéniable virtuosité technique

Il faut dire que John Frankenheimer est à l’apogée de sa carrière artistique et qu’il propose des plans absolument démentiels, à base de longs plans-séquence virtuoses. Sa caméra, installée sur des grues ou des travellings se meut entre les bombardements et les figurants avec une incroyable dextérité. On est notamment totalement convaincu par le fameux bombardement de la gare qui dure à peu près deux minutes à l’écran mais qui a nécessité des mois de préparation puisque le plan-séquence entrainant la destruction de tout le décor ne pouvait être réalisé deux fois.

Impressionnant défi sur le plan technique, Le train perd quelques points en ne s’attardant pas suffisamment sur les motivations des différents personnages – la talentueuse Jeanne Moreau est un peu sacrifiée, et Michel Simon écope d’un protagoniste à peine ébauché. De même, la valorisation du rôle des cheminots dans la Résistance appartient à la veine déployée dans Bataille du rail (Clément, 1946) et donc à une forme de résistancialisme qui a largement été remis en cause sur le plan historique depuis cette époque.

Le train est un film de guerre avant tout, assez éloigné de la véracité historique

Nous savons désormais que le nombre de résistants au sein de la SNCF a été proportionnellement le même que dans les autres corps de métier. Dans Le train, on a encore l’impression que l’intégralité de la population française a résisté à l’occupant. Heureusement, les événements se situant au mois d’août 1944, cela permet de mieux accepter le postulat du film puisque certains Français avaient déjà eu le temps de sentir le vent tourner en faveur des Alliés.

Autre reproche que l’on peut formuler à l’encontre du film, la tendance très américaine à valoriser un héros unique – ici Burt Lancaster donc – qui va s’en prendre à un ennemi facilement identifié, interprété avec charisme par l’excellent Paul Scofield, le tout se terminant par un duel apparenté au western. On notera d’ailleurs que le personnage de nazi amateur d’art qu’il incarne est de loin le personnage le plus intéressant du lot. On saluera également l’interprétation solide de seconds couteaux français comme Charles Millot ou encore Albert Rémy, particulièrement crédibles en cheminots résistants. D’ailleurs, Burt Lancaster ne s’en tire pas trop mal non plus dans le rôle d’un Français.

Le train a davantage passionné les Français que les Américains

Porté par la musique martiale de Maurice Jarre et les images en noir et blanc de Jean Tournier et Walter Wottitz, Le train est donc un film de guerre d’une belle efficacité, au suspense bien mené. Les amateurs d’Histoire, eux, devront se méfier de la vision très idéalisée donnée des événements. On notera enfin que la présence au générique français du nom de Bernard Farrel comme coréalisateur est uniquement destinée à satisfaire les syndicats, puisque l’homme n’a pas tourné un seul plan du long-métrage, tout occupé à son poste de producteur.

Avec le doublement de son budget prévisionnel, gonflé à 6,7 M$ (soit 59,2 M$ au cours ajusté de 2021), Le train a connu une carrière plutôt décevante aux États-Unis au printemps 1965, se classant seulement à la 20ème place du box-office américain de l’année 1965. Ce qui ne paraît pas vraiment étonnant puisque son sujet est essentiellement européen et que son casting constitué de stars françaises ne pouvait guère trouver d’écho auprès du public américain.

Un très gros succès en France

En France, par contre, le long-métrage est sorti en grandes pompes au mois de septembre 1964. Il s’impose à Paris en entrant directement à la première place avec 75 036 spectateurs pour sa semaine d’investiture. Le train conserve sa première place la semaine suivante avec 58 728 voyageurs supplémentaires. Il rétrograde en troisième semaine face à Zoulou (Enfield, 1964), mais emporte dans ses wagons 47 664 résistants de plus. Par la suite, le film s’est bien maintenu et finira son exploitation avec 634 043 spectateurs sur Paname.

En France, Le train ne débarque qu’en 5ème position lors de sa première semaine avec 70 940 tickets vendus. En réalité, les résultats des premières semaines supposent une exposition inégale en fonction des régions. Ainsi, le film atteint son plein potentiel au milieu du mois d’octobre où il se place pendant plusieurs semaines en deuxième position derrière le triomphal Gendarme de Saint-Tropez (Girault, 1964). Finalement, la semaine du 3 novembre, Le train parvient à se hisser à la première place du box-office national. Le film s’impose donc petit à petit et passionne les Français.

Un film récemment réédité en un superbe Mediabook

Fin novembre, le métrage dépasse le million de spectateurs. Après une baisse significative de ses entrées, le véhicule fou est relancé au début de l’année 1965 et retrouve des couleurs au point de remonter à la deuxième place du classement national au début du mois de février 1965. Rien ne semble arrêter la machine infernale qui dépasse les deux millions de tickets vendus fin février 1965. Increvable, le film se maintient encore pendant de longs mois et finit par attirer 3 488 567 spectateurs, faisant du long-métrage le 6ème plus gros succès de l’année 1964 en France.

Désormais disponible dans un superbe Mediabook édité par Coin de Mire Cinéma, Le train bénéficie d’une superbe copie entièrement restaurée par MGM, mais aussi de suppléments sympathiques dont un court making of d’époque de 10 minutes et des commentaires audio du réalisateur John Frankenheimer (assez peu disert, il faut l’admettre). De quoi redécouvrir dans les meilleures conditions possibles ce film de guerre d’une belle efficacité.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 23 septembre 1964

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Le train, l'affiche de 1964

© 1964 Metro-Goldwyn-Mayer Studios Inc. / Affiche : Frank McCarthy. Tous droits réservés.

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