Le discours est une comédie sympathique dont on apprécie le montage habile et l’interprétation de qualité. Mais on aurait aimé davantage de profondeur et moins de volonté de virtuosité.
Synopsis : Coincé à un repas de famille qui lui donne des envies de meurtre, Adrien attend. Il attend que Sonia réponde à son SMS et mette fin à la « pause » qu’elle lui fait subir depuis un mois. Et voilà que Ludo, son futur beau-frère, lui demande de faire un « petit » discours pour le mariage ! Adrien panique. Mais si ce discours était finalement la meilleure chose qui puisse lui arriver ?
Le discours, un cinéma de scénaristes et d’acteurs
Critique : Ancien lecteur de scénario pour Warner Bros. et ex-journaliste de Studio Magazine, Laurent Tirard avait été remarqué par un premier long métrage sensible, Mensonges et trahisons et plus si affinités… (2004). Cette comédie d’auteur avait été suivie par six autres films adoptant un ton également léger, mais davantage en conformité avec les canons d’un certain familial grand public. Le cinéaste est en effet resté essentiellement célèbre pour avoir réalisé un Molière charmant mais académique (2007), avant de signer Le petit Nicolas (2009) et Astérix et Obélix : Au service de sa Majesté (2012). Si Le discours appartient toujours au genre de la comédie, le projet est ici plus ambitieux sur les plans narratif et formel.
Il s’agit de l’adaptation d’un roman éponyme de Fabcaro (éditions Gallimard), auteur par ailleurs connu pour ses bandes dessinées. C’était un pari risqué, car l’essentiel du récit initial se déroule autour d’un repas familial, avec pour seul « MacGuffin » l’attente d’un SMS à la suite d’une rupture (ou plutôt une pause) conjugale. Et le roman accordait une large place aux pensées et fantasmes du protagoniste. « Le livre n’est pas écrit de façon linéaire : la narration est chaotique puisqu’elle sort de la tête d’Adrien. Je voulais que le film soit pareil. Il fallait donc que je construise un récit tout aussi déstructuré mais qui soit cinématographique et pas littéraire », précise ainsi Laurent Tirard dans le dossier de presse. De l’éternel défi des adaptations littéraires (et théâtrales)…
Un film nourri de références
En même temps, le scénario aborde des thématiques aptes à séduire un large public, à commencer par celle des rancœurs et des non-dits familiaux, traitée à l’aide de dialogues ciselés et en mode semi-burlesque, ce qui n’empêche pas des touches d’émotion. À cet égard, Laurent Tirard assume la référence à certains classiques comme Un air de famille (1996) de Cédric Klapisch, la névrose du personnage central faisant par ailleurs écho à celle du Woody Allen d’Annie Hall (1977). Quant à la dimension temporelle bousculée, elle n’est pas sans évoquer Eternal Sunshine of the Spotless Mind (2004) de Michel Gondry. Le discours trouve ici un certain équilibre entre le brio des dialogues et un montage habile. Et l’on soulignera la réussite de plusieurs séquences, dont une digression savoureuse autour d’un arbre à vœux.
Pour autant, le dispositif n’est pas complètement abouti. On peut être agacé par la misanthropie d’Adrien et le regard condescendant qu’il porte sur son entourage, décrit comme superficiel et médiocre, ce que le réalisateur tente de compenser par un sentimentalisme consensuel. Le télescopage des périodes ainsi que l’articulation entre le vécu réel de l’adulescent et son introspection mentale donnent en outre l’impression que le réalisateur cherche à épater par le brio formel, et ce au détriment de la profondeur de personnages somme toute stéréotypés. Un péché mignon qui est celui d’un certain cinéma français depuis Le fabuleux destin d’Amélie Poulain (2001) de Jean-Pierre Jeunet ou Les garçons et Guillaume, à table ! (2013) de Guillaume Gallienne.
Un divertissement agréable et ambitieux
Ces réserves n’empêchent pas Le discours de se laisser regarder sans ennui. Et l’on ne peut que louer la qualité de l’interprétation, à commencer par Benjamin Laverhne qui trouve un premier rôle à sa mesure. Les nuances de son jeu, face à la caméra, sont dignes des plus grands. François Morel et Guilaine Londez sont parfaits en parents conformistes, tout comme Sara Giraudeau en petite amie source des tourments sentimentaux. Le moindre petit rôle est tenu à la perfection, de Sarah Suco en copine hystérique à Hanna Castera en infirmière rigide, en passant par Adeline D’Hermy, Christophe Montenez et Sébastien Pouderoux, sociétaires de la Comédie-Française.
Le discours faisait partie de la sélection officielle du Festival de Cannes 2020, qui n’a pu avoir lieu sous sa forme habituelle. En raison de la crise sanitaire et de la fermeture des cinémas, le film n’a pu sortir en salles que le 9 juin 2021.