Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? est le Rabbi Jacob des années 2010… Une œuvre généreusement populaire au potentiel commercial énorme, devenue le second plus gros succès de la décennie. Un phénomène.
Synopsis : Claude et Marie Verneuil, issus de la grande bourgeoisie catholique provinciale sont des parents plutôt “vieille France”. Mais ils se sont toujours obligés à faire preuve d’ouverture d’esprit…Les pilules furent cependant bien difficiles à avaler quand leur première fille épousa un musulman, leur seconde un juif et leur troisième un chinois.
Leurs espoirs de voir enfin l’une d’elles se marier à l’église se cristallisent donc sur la cadette, qui, alléluia, vient de rencontrer un bon catholique.
Blacklistés par les attaché.e.s de presse
Critique : Il aurait été facile d’être mesquin avec cette énième comédie française dans un paysage de divertissements nationaux souvent rébarbatifs. Après tout, n’avions-nous pas été blacklistés de la projection officielle du film ? Les attachés de presse chargés des comédies sont parmi les moins drôles du métier et aiment servir de cerbère pour sauver ce qu’ils peuvent de produits souvent attaquables qu’ils rêvent de voir surtout défendus sur les plateaux de télévisions. Parisianisme et élitisme, quand tu nous tiens…
Mais, en retour, nous ne sommes pas tomber pas dans le jeu aisé de l’attaque contre Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu? qui vraiment méritait un autre état d’esprit de la part de son équipe de communication. Etre juste et vrai face aux comédies françaises, genre casse-gueule et mal-aimé des critiques, mais qui mérite bien des égards quand leurs jalons sont réussis, c’est ce que nous nous essayons toujours de faire.
Philippe de Chauveron comprend enfin ce qu’est une bonne comédie
Nous serons honnêtes en soulignant la réussite populaire qu’est Qu’est ce qu’on a fait au bon dieu ?, premier bon film du réalisateur Philippe de Chauveron, habitué jusqu’ici aux comédies ras-les-pâquerettes comme Les parasites ou L’amour aux trousses. Cette fois-ci, fort d’une étude de marché parfaitement échantillonnée, où il a compris ce qui composait les grands succès de ces quarante dernières années, le spécialiste de la comédie a conçu un authentique blockbuster du rire, pure bombe de marketing où tout relève de l’artisanat loufoque, entre dialogues pétaradants et rires de situation. UGC et les producteurs du film pouvaient largement envisager d’atteindre les 5 millions de spectateurs. En fait, le film parviendra à ce score en moins de trois semaines et achèvera sa carrière phénoménale à plus de 12 millions de Français hilares.
Comédie de mariage ethnique et communautaire, c’est banco
Le potentiel comique de Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? évoque celui des comédies ethniques et/ou communautaires qu’ont été Rabbi Jacob, La vérité si je mens!, Black Mic Mac, mais aussi celui très bankable comédies de mariage qui irriguent les écrans mondiaux depuis au moins Quatre mariages et un enterrement en 1994.
A la fois black, beur, juif, bourgeois, provincial, djeune, boomer et retraité, Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? fonctionne aussi bien pour tous les publics, chose rare pour un ersatz du genre franchouillard. Les femmes et les hommes y répondront aussi favorablement tant le casting a été soigné pour manger à tous les râteliers. Le travail d’équilibriste donne donc raison au cinéaste qui est également co-scénariste. La dynamique comique agrège ; elle ne divise pas une société morcelée qui a bien besoin de ciment social pour la reconstruction. On rit effectivement de stéréotypes, mais avec ces mêmes communautés que le film ne méprise pas.
Au moins aussi bon que Les aventures de Rabbi Jacob
Désopilant, sans aucun temps mort, le divertissement joue sur une situation apriori tirée par les cheveux : un couple de notables catho voit chacune de leurs quatre filles épouser des enfants d’immigrés de différentes communautés, les plongeant dans une dépression inéluctable. Ce qui pouvait s’avérer difficilement à avaler devient extrêmement cocasse. Il faut dire que ce Rabbi Jacob des années 2000, au moins aussi bon que le film de Gérard Oury (un rêve pour Clavier qui égale enfin Louis de Funès sans chercher à imiter le comique comme il a pu le faire dans La soif de l’or vingt ans auparavant) est une bombe comique se jouant du politiquement correct en se vautrant généreusement dans le petit racisme quotidien. Tout le monde ici, peu importe ses origines, s’en donne à cœur joie dans les petits gags de la xénophobie ordinaire, sans jamais être méchants, puisque le film est taquin et non d’un conservatisme abject.
Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu, un politiquement incorrect fédérateur
L’approche est simple, titiller les relents racistes du tout un chacun en confrontant ses préjugés à une situation extraordinairement improbable, pour in fine mieux marier les communautés et porter un message social d’apaisement entre les populations. A l’époque des fortes tensions sociales que traversaient la France en 2014, où certaines villes basculaient dans les extrêmes, le spectacle iconoclaste fédérait une nation rarement réunie dans un lieu de culture populaire autour d’une thématique qui lui ressemblait autant, dans un bon esprit que la trilogie essaiera de conserver avec plus ou moins de succès en 2019 et 2022.
Lors de l’avant-première public de Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? à laquelle nous avons assisté, il était difficile de se souvenir de spectateurs qui riaient autant et surtout qui paraissaient aussi heureux d’être dans le collectif de la salle. Le phénomène n’avait pas été aussi flagrant depuis Bienvenue chez les Ch’tis. Philippe de Chauveron et son casting quatre étoiles aussi extraverti qu’attachant, parvenaient à l’impensable, rassemblant lors d’une grand-messe burlesque, toutes les communautés ethniques et sociales, tous les âges et tous les genres, au sein de la plus efficace des comédies populaires vue en France depuis le second film de Dany Boon.
Pour ceux qui découvriraient le film en 2022, époque des générations offensées, oubliez vos propres préjugés, notamment envers la comédie franchouillarde, et tentez le diable ; il y a matière à y passer encore un excellent moment de divertissement ludique, de ceux que l’on voit et revoit pendant des décennies grâce aux multidiffusions à la télévision. Cela tombe bien, Christian Clavier et sa clique reviennent régulièrement en prime réchauffer les chaumières. Pour notre part, on s’est déjà laissé tenter par les rediffusions.
La trilogie Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu?
Sorties de la semaine du 14 avril 2014
Design Le Cercle Noir pour Fidelio, d’après des photos de © Arnaud Borrel. Tous droits réservés.