Qu’est-ce qu’on a encore fait au Bon Dieu : la critique du film (2019)

Comédie | 1h39min
Note de la rédaction :
6/10
6
Qu'est-ce qu'on a encore fait au Bon Dieu?, affiche du film

Note des spectateurs :

Après un démarrage laborieux, la comédie populaire affûte ses gags et se pare d’un discours sur la France, à un tournant de son histoire, des plus apaisants. Presque une comédie politique, ni de droite, ni de gauche, mais pas toujours audible dans le contexte social actuel.

Critique : Le retour des familles Verneuil et Koffi au grand complet ! Claude et Marie Verneuil font face à une nouvelle crise. Leurs quatre gendres, Rachid, David, Chao et Charles sont décidés à quitter la France avec femmes et enfants pour tenter leur chance à l’étranger. Incapables d’imaginer leur famille loin d’eux, Claude et Marie sont prêts à tout pour les retenir. De leur côté, les Koffi débarquent en France pour le mariage de leur fille. Eux non plus ne sont pas au bout de leurs surprises…

Synopsis : Film de société au discours sur la France positif, la suite de Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu, carton historique avec plus de 12 millions d’entrées localement, et des fans dans toute l’Europe, n’est pas des plus finaudes, mais veut apaiser les esprits, avec les sujets communautaires qui fâchent. Il s’agit de rassembler les spectateurs quand tous les politiques sont discordants et que certains médias tendent à assombrir le voile d’une nation où tout ne va pas si mal, selon le discours du film, qui pourrait aussi sonner présidentiel très 2018. Après tout, n’est-ce pas là une œuvre dont la dynamique est entièrement orientée sur le cliché des Français toujours en grogne, des ronchons qui se victimisent, qui font grève ou qui se sentent surtaxés, envahis, en permanente insécurité, et qui réclament plus de flexibilité, bref, une nation d’éternels dépressifs ?

© Arnaud Borrel. Tous droits réservés.

Dans le film, les Français sont devenus des Gaulois réfractaires, mais attention, des Gaulois d’origines communautaires diverses ; le mal franco-français gagne ainsi les fils d’immigrés que l’on reconnaît davantage à leur identité au sein de notre patrie par ce pseudo fléau hexagonal qui les prend à leur tour, quand Clavier, philosophe conclut en suggérant qu’être français, c’est avant tout de se saisir de son droit de râler, de ne pas être d’accord, de pinailler, de s’engueuler, et même d’accepter la grève qu’il retrouve en France avec un certain plaisir dans sa couleur locale, après avoir parcouru les pays d’origine de leurs quatre beaux-fils.
La blague de Clavier, ce vieux mâle blanc, qui lâche quelques paroles autour de la philosophie du président français du moment, suscite beaucoup de réflexion quant à ce discours positif sur le pays. Tourné bien avant la rentrée exécrable du président Macron, le film peut être lu de différentes façons. Il pose un discours sociétal, ni de droite ni de gauche, porté sur la cohésion, où la jeunesse BCBG des quatre beaux-frères interchangeables tellement ils sont lisses, s’oriente vers un avenir tonique, ailleurs qu’en France, avec une mobilité qui fait sourire. Mais il se trouve que ces quatre Français fâchés avec eux-mêmes, sont aussi à côté de la plaque.
Là où Qu’est-ce qu’on a encore fait au Bon Dieu ? est moins percutant que son prédécesseur et très macronien dans l’âme, c’est dans son manque de discernement quant à l’actualité qui coïncide avec sa sortie, puisque, depuis le tournage du film concomitante au triomphe du macronisme, cette actualité a surtout démontré que la diversité française, avant d’être ethnique ou communautaire, était surtout sociale et économique. Nous la nommerons fracture.

© Arnaud Borrel. Tous droits réservés.
En cela, à l’instar de Macron, le film n’a pas vu venir le mouvement des Gilets Jaunes. Avocat, banquier, intermittent du spectacle ou apprenti homme d’affaires, ces quatre “beaufs” sont surtout des représentants d’une France pas si populaire, repliés sur la ville intra-muros, ce qui fait d’ailleurs sourire le personnage de Clavier, vieux con conscient du caractère bobo de ces beaux-fils. Et c’est forcément ironique au vu du visage pluriel des spectateurs à qui se destine ce film, par ailleurs extrêmement apprécié du public d’origines diverses, lors des avant-premières qui ont précédé sa sortie.
L’embourgeoisement des personnages est d’ailleurs ce qui rend les vingt premières minutes pénibles et vaines : il faut un certain temps pour découvrir que l’on n’est pas en train d’assister à un énième accident industriel gênant, tellement tout sonne faux, avant que l’on puisse se réapproprier ces personnages, jadis appréciés, mais devenus faussement cool, poncifs souriants sur fond de lumière excessive, au cœur d’un procédé narratif artificiel…
Ce début se concentre sur les personnages du nouveau monde, les moins intéressants, des beaux-fils proprets, en soit individuellement sympathiques, mais dont la réintroduction est grotesque. Pis, leurs épouses, à une époque #metoo, assumée par le film lors d’un rebondissement savoureux, ne sont que l’ombre de ce que l’on attend d’une figure féminine dans un divertissement contemporain, des personnages totalement fades, vides d’existence, fagotés dans des stéréotypes d’épouses qui n’existent que dans l’ombre de leurs époux.

 

© Arnaud Borrel. Tous droits réservés.

Derrière ses ressorts comiques efficaces dans ses trois quarts, la comédie de Philippe de Chauveron n’est ni niaise, ni superficielle. Elle évoque beaucoup de choses, trop sûrement, au vu du nombre de personnages, avec l’intrusion plutôt bien vue du Mariage pour tous, et un bel hommage à l’ancienne Garde des Sceaux et ministre de la Justice Christiane Taubira ; mais elle a aussi tort, en n’accordant pas suffisamment de place aux personnages les plus cocasses du film, ceux de l’ancien monde, Clavier et Chantal Lauby, éminemment les plus drôles. Le comédien Clavier, avec ses bagages politiques de droite, rend son personnage moins réac que prévu, et en cela, il domine un casting souvent illustratif, qui n’a pas le tempérament comique de l’ancienne vedette du Splendid. Lauby, en parangon de vieille bourgeoise 2.0., qui n’oublie pas qu’avant d’être catho, elle est surtout mère, est jubilatoire.

© Arnaud Borrel. Tous droits réservés.
Film très écrit, jamais dans le délit de sur-écriture, Qu’est-ce qu’on a encore fait au Bon Dieu ? ne peut indifférer, car il ne se présente pas, de par son approche de thèmes délicats, comme une œuvre fade ayant choisi le rire pour le rire. Il pousse à la réflexion, déjà sur son propre discours. Au moins a-t-il l’ambiguïté de ses idées, ni extrémistes de gauche ni extrémistes de droite, ni de droite ni de gauche, et in fine, pas forcément au centre pour autant. Car en tapant sur les personnages des quatre beaux-fils, c’est un peu sur une certaine attitude jupitérienne aveuglée par son intelligence et son brio que la comédie frappe. Tiendrait-elle un discours authentiquement anti-Macron ? Peut-être, mais sans “Gilet Jaune”. Des critiques et réserves peuvent être émises sur le déni d’une fracture sociale totalement passée à la trappe dans cet enchevêtrement de différences sociales et de bons sentiments, qui a sûrement oublié l’essentiel, les difficultés économiques d’une grande partie de son public cible, qui en rira peut-être jaune.

 

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