Dotée d’un discours humaniste sur la tolérance entre les peuples, Les aventures de Rabbi Jacob est une formidable comédie et un jalon essentiel dans les carrières respectives du duo Oury / de Funès.
Synopsis : Victor Pivert, homme d’affaires irascible et foncièrement xénophobe, se rend à Paris pour le mariage de sa fille. Victime d’un accident de la route sans gravité, il entre dans une usine de chewing-gum pour trouver du secours. Là, il croise le chemin de dangereux terroristes qui s’apprêtent à éliminer un leader révolutionnaire nommé Slimane. Celui-ci parvient à s’échapper aux côtés de Victor Pivert. Les deux hommes gagnent l’aéroport d’Orly, bientôt suivis par leurs ravisseurs. Pour leur échapper, ils n’auront d’autre choix que de se déguiser en rabbins. Pivert est alors pris pour Rabbi Jacob, sommité new-yorkaise attendue en grande pompe par la communauté juive de la rue des Rosiers…
“Comment, Salomon, vous êtes juif ?”
Critique : En ce début des années 70, le duo Oury / de Funès enchaîne les incroyables performances au box-office français. Ils sont à l’origine du plus gros scores de l’histoire du cinéma hexagonal avec La grande vadrouille et viennent de signer l’une des meilleures comédies de tous les temps avec l’exceptionnelle Folie des grandeurs (1971).
Les deux hommes prennent alors leur temps pour concocter un nouveau sommet du rire et passent ainsi une année entière à écrire (avec Danièle Thompson au stylo) le scénario de ce qui deviendra Rabbi Jacob. Ce soin maniaque apporté à chaque détail, ainsi que la profusion d’idées sont pour beaucoup dans la réussite de ce métrage audacieux dans son propos.
Oury et de Funès appellent à la tolérance en pleine guerre du Kippour
Effectivement, cet appel à la tolérance entre peuples de religion différente pouvait poser de nombreux problèmes à une époque où les tensions entre Israël et la Palestine étaient à leur comble. Si le discours ne fait aucun doute sur sa profonde humanité, il n’est pas sûr que toutes les communautés apprécient le portrait qui est fait d’eux, les Français racistes en premier lieu.
Dans un rôle antipathique, le génial Louis de Funès parvient à nous rendre attachant un homme qui découvre peu à peu la culture de ceux qu’il rejette par ignorance. Message convenu diront certains esprits chagrins, mais ô combien toujours d’actualité. Toutefois, la principale qualité du long-métrage vient de l’époustouflant dynamisme de sa star comique, véritable bourrasque qui entraîne le spectateur dans un tourbillon de gags tous plus savoureux les uns que les autres.
Une comédie délirante au rythme endiablé
Grâce à un scénario ciselé, un montage à la limite de l’hystérie et une réalisation luxueuse, Les aventures de Rabbi Jacob (1973) s’impose immédiatement comme une référence du genre. Oury a également eu l’excellente idée de confronter deux générations d’acteurs qui se complètent parfaitement : de Funès, Suzy Delair et Marcel Dalio incarnent la vieille école du rire avec une efficacité redoutable, tandis qu’Henri Guybet, Claude Giraud et Miou-Miou donnent une bouffée d’air frais avec un style de jeu plus naturel et moderne.
Avec son budget de superproduction, Rabbi Jacob bénéficie de tous les moyens nécessaires pour traduire son délire comique en images marquantes. Ainsi, on n’est pas près d’oublier la séquence d’anthologie dans l’usine de chewing-gum où de Funès baigne dans un liquide vert-pomme qui tranche esthétiquement avec la tonalité neutre du décor principal.
Encore une belle affaire au box-office
Sorti en pleine guerre du Kippour, le film n’a pas souffert de ce contexte tendu et s’est imposé immédiatement comme une valeur sûre du box-office français. Resté six semaines en tête du classement national, le film a terminé sa carrière au-delà des 7 millions d’entrées / France. Une remarquable performance pour un de Funès encore en pleine possession de ses moyens. Malheureusement, peu de temps après, il a été contraint de s’éloigner des écrans durant deux ans à cause d’une très grave crise cardiaque qui l’a sérieusement diminué. En ce sens, on peut considérer Rabbi Jacob comme son dernier grand film.
Critique du film : Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 18 octobre 1973
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