Le choc tant attendu n’a pas eu lieu et ce polar de série banal n’a que peu d’atouts dans sa manche pour séduire, si ce n’est son casting de stars. Quand la montagne accouche d’une souris…
Synopsis : Un tueur professionnel, Martin Terrier, envisage de se retirer, mais ses commanditaires s’y opposent, préférant le voir mort que retraité. Terrier se réfugie alors dans une ferme tenue par la belle Claire et son mari. Le gang ne tarde pas à le débusquer.
Le choc ou la rencontre entre Delon et Deneuve
Critique : Après le gros succès rencontré par La guerre des polices (1979), le réalisateur Robin Davis a refusé bon nombre de propositions qui émanaient de producteurs désireux de le voir rempiler dans le genre du polar teigneux. Ne voulant pas se laisser enfermer dans ce genre, le cinéaste a donc attendu plusieurs années avant d’accepter finalement de tourner le nouveau projet d’Alain Delon, initié cette fois-ci par les producteurs Alain Sarde et Alain Terzian. Le but était de trouver une histoire capable de réunir à l’écran Alain Delon et Catherine Deneuve qui sortait du triomphe du Dernier Métro qui lui avait valu le César de la meilleure actrice.
Comme Delon venait de retrouver les faveurs du grand public grâce à 3 hommes à abattre (Deray, 1980) et Pour la peau d’un flic (Delon, 1981), tous deux adaptés de romans de Jean-Patrick Manchette, les producteurs et Robin Davis se sont accordés sur une adaptation de La position du tireur couché publié en 1981. Toutefois, le roman d’origine ne va servir que de canevas car le personnage principal ne correspond aucunement à l’image d’Alain Delon. Effectivement, Terrier est décrit dans le bouquin comme un alcoolique impuissant, ce qui ne pouvait pas être accepté par la star. Ainsi, le script a été entièrement revu par l’acteur aidé par Claude Veillot et Dominique Robelet, au point que le film Le choc n’a plus grand-chose en commun avec le livre.
Une histoire banale desservie par plusieurs incongruités
Avec une sortie arrêtée au mois d’avril 1982, la production du long-métrage est précipitée et le tournage s’est révélé très compliqué en raison de différends très importants entre le réalisateur Robin Davis et Catherine Deneuve. C’est finalement Alain Delon qui semble avoir fait le médiateur entre les deux, la star prenant de plus en plus l’ascendant sur le plateau. D’autant que l’entente n’est guère cordiale entre Robin Davis et son directeur de la photographie Pierre-William Glenn, ce qui ajoute encore des tensions à une ambiance déjà passablement délétère.
Cette atmosphère conflictuelle n’a assurément pas servi Le choc dont le titre semble en décalage complet avec le résultat à l’écran. Si le polar se suit sans réel déplaisir, il cumule un nombre conséquent de défauts qui en font une sacrée déception. Le pire vient d’une intrigue extrêmement banale, à savoir la traque d’un ancien tueur à gages par son organisation qui refuse sa démission. Sans vrai rebondissement, le scénario est d’une linéarité parfaitement ennuyeuse. Cela ne s’arrange pas lorsque l’on découvre Catherine Deneuve en éleveuse de dindons. Parfaitement coiffée et manucurée, l’actrice n’est absolument pas crédible en paysanne mariée avec Philippe Léotard, dépeint en rustre alcoolique et féru de jazz. Il faut ajouter à ces incongruités l’intervention peu réaliste d’une bande de terroristes allemands (sur le modèle de la bande à Bader) en pleine campagne française.
Alain Delon devient la caricature de lui-même
Autant dire que la crédibilité en prend sérieusement un coup, d’autant que les scènes d’action ne sont pas toujours abouties. Ainsi, les fusillades laissent quelque peu rêveur quant à la capacité des truands à viser juste. Même Alain Delon, pourtant habitué à l’action, n’est pas mis en valeur lors des affrontements à mains nues : lors de la séquence de l’attaque de la ferme par les terroristes, un plan malheureux le montre abattre son poing à plusieurs centimètres du visage de son adversaire. Ce coup de poing de cinéma ne fait guère illusion, par la faute d’une réalisation peu adroite et certainement un manque de temps dans la production.
Enfin, si le thème musical de Philippe Sarde est plutôt intéressant, il est souvent employé à tort et à travers sur des scènes qui ne correspondent pas à l’atmosphère du morceau. La première victime de cette déconvenue est sans aucun doute Alain Delon qui commence à ne plus interpréter de rôle, mais à faire du Delon. Il surjoue ici la masculinité affirmée et ne cesse de se valoriser. On a ainsi le droit à une scène de nudité intégrale sous la douche totalement gratuite si ce n’est pour prouver sa vitalité physique à l’approche de la cinquantaine.
On retrouve bien évidemment un peu de nudité féminine avec Catherine Leprince (qui avait débuté dans le film érotique Bilitis) qui est chargée de s’exhiber dans une scène totalement inutile. Porté par une vision excessivement machiste des rapports entre hommes et femmes, Le choc pâtit également d’une forme désuète de romance entre les deux stars. Même le happy end semble totalement artificiel et donc peu crédible.
Une campagne de publicité monstre soldée par une déception
Sans doute conscients de la médiocrité du produit fini, les producteurs ont choisi de miser sur une publicité agressive entièrement fondée sur la rencontre au sommet des deux stars. Ainsi, les affiches publicitaires ont recouvert les murs de Paris au printemps 1982, annonçant Le choc qui se devait d’être cinématographique. Pour éviter un buzz défavorable, le film n’a pas été montré à la presse et tout a été fait pour glaner un maximum d’entrées dès la première semaine.
Pour son investiture parisienne, Le choc entre directement à la première place, disposant d’une combinaison de salles importante. Ils sont 186 734 spectateurs à venir voir l’événement qui fera pschitt. La semaine suivante, le métrage conserve sa pole position, mais avec une chute considérable des entrées (97 166 retardataires). En troisième semaine, Le choc dévisse déjà avec 36 433 curieux, se faisant doubler par des nouveautés comme Pour cent briques, t’as plus rien (Molinaro), comédie avec Daniel Auteuil et Gérard Jugnot et Le retour de Martin Guerre (Vigne), drame historique avec Depardieu et Nathalie Baye. Le choc remonte un peu en 4ème semaine avec 43 323 nouveaux clients, mais la septaine suivante est catastrophique avec seulement 16 417 tickets vendus. Finalement, le film que ses producteurs espéraient voir tutoyer le million d’entrées à Paris va rester coincé à 412 964 spectateurs sur la capitale.
Un Delon mal aimé et peu édité en vidéo
Dans l’Hexagone, le film entre également à la première place la semaine de sa sortie avec 521 765 clients. Comme à Paris, la pole position est conservée la deuxième semaine malgré une chute conséquente des entrées. La troisième semaine, Le choc est battu par la comédie d’Edouard Molinaro évoquée plus haut et le film ne glane plus que 138 191 curieux sur toute la France. Le polar remonte un peu en quatrième semaine (163 994 retardataires), mais la baisse continue s’amorce dès la septaine suivante. La dégringolade s’amorce vraiment début juin où le long-métrage est déjà périmé, preuve d’un bouche à oreille négatif.
Le choc termine donc sa carrière avec 1,5 millions d’entrées, bien loin des espoirs des producteurs. Même Le battant, le prochain film réalisé par Alain Delon en personne, fera mieux. Mal aimé des fans de Delon, Le choc a été édité en VHS, puis une seule fois en DVD. Désormais, le long-métrage a rejoint le catalogue de la plateforme de Canal +.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 28 avril 1982
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