Drôle, gentiment impertinente et parfaitement amorale, Pour 100 briques t’as plus rien, comédie typique du début des années 80, se révèle toujours aussi pêchue et enlevée malgré ses trente-cinq ans d’âge.
Synopsis : Influencés par une série de casses, Sam et Paul voient dans cette méthode un moyen facile de gagner l’argent qui leur fait cruellement défaut. Mais leur plan ne se déroule pas exactement comme ils l’avaient prévu…
Critique : Dramaturge à succès enchaînant dans les années 70 les belles performances au théâtre de boulevard, Didier Kaminka est de plus en plus souvent adapté au cinéma au début des années 80. Il est notamment à l’origine de Viens chez moi, j’habite chez une copine (Leconte, 1980) qui impose un ton plus décomplexé, et légèrement impertinent au sein de la comédie française de l’époque. Devenu spécialiste de l’adaptation des succès théâtraux du moment depuis Oscar, L’emmerdeur et La cage aux folles, le réalisateur Edouard Molinaro est intéressé par la transposition à l’écran de la pièce Pour 100 briques t’as plus rien maintenant créée initialement en 1976. Il s’adjoint les services de trois comédiens qui sont alors au sommet de leur popularité comique, à savoir Daniel Auteuil (starifié par Les sous-doués), Gérard Jugnot (issu de la troupe du Splendid et des Bronzés) et Anémone (connue alors pour sa prestation dans Le père Noël est une ordure, déjà avec Jugnot). Il en profite également pour distribuer les seconds rôles à des pointures comme Jean-Pierre Castaldi, François Perrot, Georges Géret ou encore Darry Cowl.
Dans l’air du temps, sur fond de montée inexorable du chômage
Le métrage débute par un constat social plutôt inquiétant, à savoir la montée inexorable du chômage qui engloutit la jeunesse du début des années 80. Pour autant, cette amorce n’engendre pas la mélancolie puisque les deux compères principaux trouvent toujours des combines pour s’en sortir. On retrouve d’ailleurs ici la marque de fabrique de Kaminka qui met souvent en valeur la débrouillardise de ses protagonistes. On notera d’ailleurs que cette première partie comporte un nombre assez impressionnant de scènes de nudité, souvent gratuites, mais qui participent de l’aspect légèrement insolent de l’ensemble. On se croirait parfois au cœur d’une œuvre de Gérard Lauzier ou de Wolinski. Toute une époque, en quelque sorte.
Pour 100 briques t’as plus rien!, la comédie de mai 1982
Mais la comédie prend vraiment son essor lorsque les deux loustics préparent un hold-up et qu’ils passent enfin à l’action, pour le meilleur et surtout le pire. Une fois enfermés dans la banque avec leurs otages, le comique de situation se met enfin en place et les rires ne cessent de fuser avec bon cœur. Il faut dire que les personnages restent toujours très sympathiques et que les relations qu’ils établissent avec leurs otages sont particulièrement originales. Poussant le principe du syndrome de Stockholm jusqu’au bout, l’auteur inverse le cliché habituel et organise une perversion totale du genre établi quelques années auparavant par Un après-midi de chien de Sidney Lumet. Dès lors, le spectateur est invité à revoir toute sa conception de la morale pour accepter une fin parfaitement amorale qui nous indique que l’argent ne fait peut-être pas le bonheur, mais qu’il y contribue fortement. Réalisé de manière classique par Edouard Molinaro, Pour 100 briques t’as plus rien (1982) est donc une comédie doucement impertinente osant bousculer les attentes du spectateur avec un bonheur certain. A revoir aujourd’hui, elle n’a guère perdu de son impact et demeure un divertissement de bonne tenue.
Critique de Virgile Dumez