Péplum très classique et passablement ennuyeux, La bataille de Marathon est surtout remarquable pour les éclairages savants de Mario Bava. Le reste, sans être mauvais, demeure anecdotique et terriblement daté.
Synopsis : En 490 avant J.-C., Philippidès, vainqueur des Jeux Olympiques, est nommé chef de la Garde Sacrée d’Athéna. Il tombe amoureux d’Andromède, la fille d’un dignitaire athénien, mais elle est promise à Théocrite, un aristocrate ambitieux et fourbe qui manigance le retour au pouvoir du tyran Hippias réfugié chez Darius Ier, roi des Perses…
L’unique péplum de Jacques Tourneur
Critique : A la fin des années 50, le péplum à l’italienne connaît un regain d’intérêt auprès du grand public grâce au triomphe rencontré par Les travaux d’Hercule (Pietro Francisci, 1958) qui fait du culturiste Steve Reeves une star de cinéma. Encouragé par le succès de nombreux films américains tournés en Italie comme Ben-Hur (William Wyler, 1959), les producteurs locaux ont voulu profiter de cette nouvelle manne à exploiter.
Pour cela, ils s’emparent des épisodes les plus célèbres de l’histoire antique afin de leur donner une traduction spectaculaire à l’écran. Ecrit, entre autres, par le scénariste et futur cinéaste Ennio De Concini, le script de La bataille de Marathon entend rendre hommage à la la légende de l’athlète Philippidès lors de cet épisode des guerres médiques opposant les Grecs et les Perses de Darius. Le rôle principal est taillé sur mesure pour l’athlète Steve Reeves qui aurait insisté auprès des producteurs pour proposer la réalisation du film à Jacques Tourneur dont il avait aimé le travail sur La flèche et le flambeau (1950) avec Burt Lancaster.
Un marathon aussi pour les trois réalisateurs qui se succèdent
Les coproducteurs franco-italiens s’accordent sur un engagement du réalisateur franco-américain pour une durée de dix semaines. Malheureusement, le tournage en Yougoslavie n’avance pas à la vitesse voulue et plusieurs témoignages semblent indiquer que le cinéaste Jacques Tourneur n’était pas vraiment enthousiasmé par ce projet. Alors que son contrat prend fin, le célèbre réalisateur n’a mis en boite que les séquences dialoguées à l’aide de son directeur de la photographie Mario Bava. Pire, Tourneur refuse de continuer le tournage une fois son contrat achevé.
Dès lors, la production est en péril et les financiers, dont Bruno Vailati, supplient Mario Bava de terminer en urgence les prises de vues. Une fois de plus considéré comme une roue de secours, le directeur de la photographie négocie cette fois-ci la possibilité de réaliser son premier vrai film en reconnaissance de ses bons services. Cela donnera quelques temps plus tard le chef d’œuvre Le masque du démon (1960). Pendant que Mario Bava réalise des scènes de bataille terrestres et certains plans sous-marins, Bruno Vailati donne également un coup de main en emballant pour sa part les séquences de bataille maritime. Ainsi, La bataille de Marathon a vu se succéder trois réalisateurs différents sur son plateau.
La bataille de Marathon court après son scénario
Cela explique en partie un certain manque de cohérence dans le résultat final. Alors que la première partie du film se concentre essentiellement sur des intrigues de palais et une histoire d’amour impossible entre Steve Reeves (colossal, mais trop raide) et la belle Mylène Demongeot. Cette partie réalisée entièrement par Jacques Tourneur s’avère assez ennuyeuse, si l’on excepte la qualité de la photographie, déjà assurée par le très talentueux Mario Bava.
Le spectateur sent aisément que le scénario est uniquement un prétexte pour aborder la célèbre bataille sous un angle attractif pour le grand public. On a donc le droit à tous les clichés du genre en vigueur à l’époque. Ainsi, Philippidès apparaît comme un homme sans défaut, sa dulcinée est une jeune femme fragile et qui obéit aux ordres de son père. Enfin, un traître odieux vient ourdir des plans pour contrecarrer cet amour. Il s’agit ici de Théocrite qui est incarné par Sergio Fantoni, très à l’aise en méchant de service. Il est soutenu par une comparse plus retorse interprétée par la divine Daniela Rocca. Tout ceci semble parfaitement anecdotique, mais peut occasionnellement divertir, d’autant que la description de la Grèce de l’époque archaïque n’est pas trop fantaisiste.
Des séquences de bataille encore efficaces
Bien entendu, bon nombre d’anachronismes se sont glissés dans les costumes, décors et surtout mentalités, mais on est loin des délires qui affaibliront le genre du péplum dans les années 60, jusqu’à devenir purement parodique. Avec La bataille de Marathon, les auteurs ont encore à cœur d’offrir une vision à peu près crédible de la Grèce antique. En revanche, ils ne respectent aucunement le déroulement de la véritable bataille et mélangent parfois les sources – qui se contredisent de toute façon.
La deuxième partie du film oublie en grande partie les personnages principaux pour multiplier les séquences de bataille. Si les évolutions terrestres sont inégales, on peut saluer l’originalité des séquences sous-marines et quelques beaux moments kitsch lors de la bataille maritime finale. Ainsi, La bataille de Marathon demeure un film sympathique à suivre, mais qui souffre d’un manque d’écriture et qui a plutôt mal vieilli à cause de l’abus de clichés et d’archétypes.
Un succès en Europe, mais aussi aux Etats-Unis
Cela n’a guère dérangé le grand public de l’époque qui en a fait un bien beau succès, y compris aux Etats-Unis où le film a également été distribué. Avec des gains nord-américains s’élevant à 1 335 000 $ (soit 14 060 000 $ au cours de 2023), La bataille de Marathon a clairement été une excellente affaire pour ses producteurs. Du côté de Paris, ils furent 36 732 amateurs de l’Antiquité à faire le déplacement lors de sa semaine d’investiture début septembre 1960 avec pourtant seulement quatre salles parisiennes à son actif. Cela lui a même permis d’arriver en 19ème position sur le plan national, avec uniquement ces quatre cinémas d’exclusivité.
La semaine suivante, le péplum divertit encore 22 884 Franciliens, mais n’est toujours pas projeté en province. En réalité, La bataille de Marathon entame sa course provinciale au début du mois de novembre 1960, se hissant à la 12ème place du box-office national la semaine du 8 novembre avec un total de 186 411 curieux. Les copies continuent ainsi à circuler d’une province à l’autre, engrangeant des résultats corrects à chaque séance. Au long de son exploitation interminable typique de l’époque, on retrouve le métrage fin février 1961 avec un cumul de 668 799 entrées. Son exploitation au cours des mois suivants permet de gonfler ses chiffres jusqu’à un total de 1,8 million de tickets vendus.
Depuis, le métrage a fait l’objet de sorties en VHS en 1982 chez l’éditeur VIP, puis en DVD au cours des années 2010. Le spectacle est toutefois à réserver aux nostalgiques de cette époque, tant il a mal vieilli.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 9 septembre 1960
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Bruno Vailati, Jacques Tourneur, Mario Bava, Mylène Demongeot, Steve Reeves, Sergio Ciani (Alan Steel), Sergio Fantoni, Philippe Hersent, Gérard Herter, Daniele Vargas, Ivo Garrani, Daniela Rocca