Comédie policière qui ne trouve jamais vraiment le bon ton, Family Business ne vaut que par le charisme de son casting, tandis que la réalisation de Sidney Lumet lorgne trop souvent du côté du téléfilm de luxe. Dispensable.
Synopsis : Jessie Mc Mullen, la soixantaine passée, a voué son existence au crime et rêve encore de nouveaux exploits, ce qui n’est pas de l’avis de son fils Vito, qui mène une vie bien rangée. Adam, lui, le petit-fils, voudrait suivre la voie de son grand-père auquel il propose un coup fumant. Vito finira par se joindre à eux, bon gré, mal gré…
Sidney Lumet aborde un registre plus léger que d’ordinaire
Critique : Lorsque le cinéaste Sidney Lumet entame la préparation de Family Business (1989), il vient d’essuyer coup sur coup plusieurs échecs commerciaux qui fragilisent sa position à Hollywood. Effectivement, ni le thriller Le lendemain… du crime (1986) avec Jane Fonda, ni le très beau A bout de course (1988), avec le regretté River Phoenix n’ont obtenu de succès, aussi bien aux Etats-Unis que dans le reste du monde. Le cinéaste trouve dans le roman éponyme de Vincent Patrick publié en 1985 une occasion rêvée d’aborder la thématique du passage de témoin compliqué entre générations, à travers une histoire simple fondée sur une comédie policière amusante. Il pouvait ainsi en tirer une fable sur la transmission et ses limites, mais aussi sur l’atavisme entre membres d’une même famille.
Afin de mettre toutes ses chances de son côté, le cinéaste au passé prestigieux parvient à convaincre son vieux complice Sean Connery de jouer à nouveau un personnage plus âgé. Les deux hommes ont déjà collaboré sur plusieurs grands films dont le chef d’œuvre La colline des hommes perdus (1965) ou encore Le gang Anderson (1971), deux belles références.
Un casting quatre étoiles en tête d’affiche
De plus, avoir Sean Connery en tête d’affiche en 1989 est un atout non négligeable depuis que l’acteur a cartonné avec Les Incorruptibles (Brian De Palma, 1987) et surtout Indiana Jones et la dernière croisade (Steven Spielberg, 1989). Pour interpréter son fils Vito, Sidney Lumet parvient à séduire le très rare Dustin Hoffman, tout juste auréolé de son Oscar pour Rain Man (Barry Levinson, 1988). On notera par ailleurs que seuls sept ans séparent les deux acteurs, nécessitant donc de vieillir considérablement Sean Connery pour obtenir une certaine crédibilité.
Enfin, dans le rôle du petit fils, Lumet donne sa chance à Matthew Broderick qui pourrait attirer la jeune génération puisqu’il demeure l’éternel adolescent sympathique de La folle Journée de Ferris Bueller (John Hughes, 1986) et qu’il a confirmé ses qualités d’acteur avec Biloxi Blues (Mike Nichols, 1988) et Torch Song Trilogy (Paul Bogart, 1988).
Une description attentive de la communauté juive de New York
Pourtant, ce casting de rêve comportait en lui-même un piège : comment rendre crédible le lien de parenté de comédiens aux parcours si différents et aux physiques totalement disparates. Certes, les dialogues tentent bien d’expliquer les brassages qui ont eu lieu dans la famille, mais cela demeure relativement peu crédible. Situé comme souvent chez Sidney Lumet à New York, et plus particulièrement dans la communauté juive, Family Business commence tout doucement par une description attentive des Juifs new-yorkais qui ont le sentiment d’être de plus en plus isolés dans leurs propres quartiers.
© 1989 TriStar Pictures, Gordon Company, Regency International Pictures, The A. Milchan Investment Group. Tous droits réservés.
Ensuite, le cinéaste établit les relations complexes entre les trois générations d’hommes du clan familial. Le point de vue adopté est plutôt celui du plus jeune qui déteste son père et préfère suivre la voie de son grand-père dans la criminalité. Son admiration s’avère parfaitement crédible tant Sean Connery dégage un charisme fou, tandis que le personnage de Dustin Hoffman paraît bien plus terne. Le comédien tente bien de s’imposer par ses habituels tics de jeu, mais il ne peut rien faire face à deux autres personnages bien plus intéressants. Même Matthew Broderick est mieux servi par Sidney Lumet.
Deux tons qui s’opposent pour un résultat bancal et mollasson
Malheureusement, l’histoire du casse, bien trop conventionnelle, débute un peu trop tard et semble traitée par-dessus la jambe par un cinéaste décidément peu intéressé par le suspense ou la tension dramatique. En fait, Family Business devait initialement être une comédie policière irrévérencieuse, vaguement immorale et pétillante, mais Sidney Lumet a dilué l’ensemble dans des considérations plus personnelles qui rendent le produit fini complètement bancal. Comme si le réalisateur n’avait pas pleinement assumé de livrer un pur film commercial. En résulte une œuvre qui balance entre deux pôles irréconciliables, d’une part une fable maladroite sur la transmission entre générations et de l’autre une comédie policière plutôt poussive et d’une rare mollesse.
Même la réalisation de Sidney Lumet ne paraît pas très inspirée, avec une tendance à flirter dangereusement avec le téléfilm de luxe. Une tendance qui se renforcera au cours de la décennie suivante chez un cinéaste dont les fulgurances sont déjà derrière lui.
Un échec américain doté de critiques ternes
Sorti aux Etats-Unis pour la Noël 1989, Family Business a le droit à un accueil glacial de la part des critiques de l’époque. Ainsi, Ronald Bergan parle du film dans son livre consacré à Dustin Hoffman (Zelié, 1991) en ces termes :
Family Business ne se décide jamais pour une chose ou une autre, passant par à-coups de la comédie au mélodrame, de la farce à la tragédie, du mélodrame au film policier. C’est dans ce dernier style qu’il est le meilleur, bien qu’il faille attendre plus d’une heure pour qu’il y ait de l’action. Le cambriolage, dans lequel trois générations sont impliquées, nous donne une idée de ce que le film aurait pu être. […] La plupart des critiques furent peu flatteuses.
Le résultat au box-office nord-américain ne fut effectivement guère convaincant et Sidney Lumet a donc perdu son pari de créer une comédie policière fédératrice.
Un accueil nettement plus favorable en France
En France, le long métrage obtient un écho critique plus favorable comme dans Première n°153 du mois de décembre 1989 où Jean-Paul Chaillet écrit :
Sidney Lumet filme carré et sans chichis. Pas de fioritures superflues, c’est l’histoire qui prime. Elle est servie par des acteurs qui sont tous les trois formidablement justes. Irritants et émouvants, toujours convaincants. Un régal.
Ainsi, le grand public semble avoir été séduit par le trio en tête d’affiche. Pour sa première semaine parisienne débutée le 13 décembre 1989, Family Business se place deuxième du classement hebdomadaire avec 106 290 entrées dans 43 salles à Paris et en périphérie, juste derrière SOS Fantômes 2 (Ivan Reitman) qui caracole en tête avec 156 903 spectres sur 48 sites.
Pour un film de Sidney Lumet, ce score est plutôt encourageant. En deuxième semaine, le métrage dégringole en quatrième position avec 68 427 retardataires. Les jeunes, eux, se précipitent pour suivre les aventures temporelles de Michael J. Fox dans Retour vers le futur 2 (Robert Zemeckis). Il est clair pour les adolescents de l’époque que Family Business représente un cinéma de vieux qui ne les attire pas du tout malgré la présence de Matthew Broderick.
Un des plus gros succès de Sidney Lumet en France
Pourtant, grâce aux vacances scolaires, Family Business fait de la résistance et remonte à 78 096 cambrioleurs de plus dans un parc augmenté à 44 salles. Au début du mois de janvier, la comédie policière continue à attirer 41 457 spectateurs de plus, tutoyant ainsi les 300 000 entrées en un mois. Le métrage continue sa route jusqu’à la fin janvier où il se stabilise à 337 669 entrées. Sur la France entière, Family Business a tout de même attiré 857 073 clients, ce qui en fait le troisième plus gros succès de Sidney Lumet sur le territoire français, après Vu du pont (1962) et La colline des hommes perdus (1965).
Peu remarquable sur le plan qualitatif, le film n’a guère laissé de traces dans les mémoires, avec une seule VHS et un DVD cheap dégoupillé au début de l’ère du support. Désormais, la comédie policière anodine traine sur les plateformes dans un anonymat qui lui convient finalement assez bien.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 13 décembre 1989
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Mots clés
Cinéma américain, Les comédies américaines des années 80, Film de casse, La famille au cinéma, New York au cinéma