Diva : la critique du film (1981)

Policier, Thriller | 1h57min
Note de la rédaction :
10/10
10
Diva de Jean-jacques Beineix, Farracci

  • Réalisateur : Jean-Jacques Beineix
  • Acteurs : Richard Bohringer, Brigitte Lahaie, Dominique Besnehard, Gérard Darmon, Roland Bertin, Isabelle Mergault, Dominique Pinon, Jacques Fabbri, Wilhelmenia Wiggins Fernandez, Frédéric Andréi, Thuy An Luu
  • Date de sortie: 11 Mar 1981
  • Nationalité : Français
  • Titre original : Diva
  • Titres alternatifs : La diva (Espagne) / A Diva e os Gangsters (Portugal) / Diva: Paixão Perigosa (Brésil)
  • Année de production : 1981
  • Scénariste(s) : Jean-Jacques Beineix, Jean Van Hamme, d'après le roman éponyme de Delacorta (Daniel Odier)
  • Directeur de la photographie : Philippe Rousselot
  • Compositeur : Vladimir Cosma
  • Société(s) de production : Les Films Galaxie, Greenwich Film Productions
  • Distributeur (1ère sortie) : CCFC
  • Distributeur (reprise) : -
  • Date de reprise : -
  • Éditeur(s) vidéo : Canal + Vidéo (VHS et DVD, 1998) / M6 Vidéo (DVD, 2008) / StudioCanal (blu-ray, 2021)
  • Date de sortie vidéo : 1er janvier 2021 (blu-ray)
  • Box-office France / Paris-périphérie : 2 281 569 entrées / 774 569 entrées
  • Box-office nord-américain : -
  • Budget : -
  • Rentabilité : -
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 1.66 : 1 / Couleurs / Son : Mono
  • Festivals et récompenses : César de la meilleure première œuvre : Jean-Jacques Beineix / César de la meilleure musique : Vladimir Cosma / César de la meilleure photographie : Philippe Rousselot / César du meilleur son : Jean-Pierre Ruh / National Society of Film Critics (NSFC) 1983 : meilleure photographie à Philippe Rousselot
  • Illustrateur / Création graphique : René Ferracci (affiche)
  • Crédits : StudioCanal
Note des spectateurs :

Premier film culte de Beineix, Diva est un véritable bijou d’esthétisme raffiné qui dépoussiérait d’un coup le cinéma français et le faisait entrer dans la modernité. Un coup de maître revenu de loin au box-office.

Synopsis : Jules est un petit postier mélomane fou de Cynthia Hawkins, la Diva (qu’il a enregistrée clandestinement avec son Nagra). Par accident, il se trouve mêlé à une affaire glauque de flic ripoux et proxénète. Il trouve chez la légère Alba une aide inattendue.

Un premier film en forme de manifeste esthétique

Critique : Durant plus d’une dizaine d’années, Jean-Jacques Beineix a été un assistant-réalisateur prisé dans le métier. Pourtant, au sortir des années 70, celui-ci envisage sérieusement de passer à l’étape suivante et donc de devenir réalisateur à part entière, lui qui a déjà dépassé la trentaine. Après avoir essuyé quelques échecs avec certains de ses projets, il parvient enfin à convaincre Irène et Serge Silberman de produire Diva (1981), l’adaptation d’un roman policier de Daniel Odier qu’il a concocté avec le scénariste de bande dessinée Jean Van Hamme (auteur culte des séries Thorgal, XIII ou encore Largo Winch).

Pour ce premier film, Jean-Jacques Beineix entend marquer le coup en livrant une œuvre formellement aboutie. Il a donc des exigences qui entrainent de nombreuses tensions avec la production. Comme il le dit dans Jean-Jacques Beineix, version originale (Denis Parent, Barrault Studio, 1989, p 189) :

Sans arrêt j’ai dû justifier mes choix : « Vous voulez une grue ? mais vous ne savez pas vous en servir », et « Pourquoi ceci et pourquoi cela ? » et « Pourquoi aller tourner dans un phare alors qu’on a la possibilité d’aller dans une ferme ? »… Et moi j’étais obligé de dire : « Serge, faites-moi en tant que cinéaste la moitié de la confiance que je vous fais en tant que financier. Est-ce que je viens tous les quarts d’heure vous demander d’où vient l’argent ? Êtes-vous sûr d’être solvable ? » […] Rapidement, j’ai su que pour le bien du film il fallait que je vire ces gens du plateau.

Un soupçon de modernité et une bonne dose de réalisme poétique

Si la tension fut constante avec les producteurs, le tournage fut toutefois porté par un véritable esprit d’équipe, puisque tous les collaborateurs de Beineix ont rapidement compris qu’ils tournaient une œuvre différente de ce qui se faisait alors en France. On peut effectivement considérer Diva comme un véritable manifeste esthétique, faisant basculer le cinéma français dans une nouvelle modernité. Avec ses éclairages savants (magnifique travail de Philippe Rousselot), ses décors magnifiques et ses mouvements de caméra d’une incroyable fluidité, Diva a été accusé à l’époque de s’emparer d’une esthétique publicitaire, à l’image de cinéastes britanniques comme Ridley Scott, Alan Parker ou encore Adrian Lyne.

Lire l’entretien carrière exclusif avec Jean-Jacques Beineix

Certes, le long-métrage s’inscrit bel et bien dans une tendance esthétisante du début des années 80, mais le travail de Jean-Jacques Beineix n’est aucunement réductible à cette classification simpliste. En fait, il s’empare ici d’un genre typique du cinéma français, à savoir le polar urbain, pour le faire glisser progressivement vers un réalisme poétique qui s’inspire tout autant du mouvement des années 30 que du cinéma américain expressionniste. En fait, Beineix en profite pour créer un espace poétique en décalage avec la réalité banale. Ses personnages sont eux-mêmes en rupture avec les codes et conventions de la société.

Des personnages décalés au cœur d’une œuvre éthérée

C’est notamment le cas du couple étrange formé par Richard Bohringer et Thuy An Luu qui semble vivre dans une réalité parallèle. On pourrait également le dire à propos de cet amour improbable entre le jeune postier – sympathique Frédéric Andréi dans son rôle le plus marquant – et la diva – sublime Wilhelmenia Wiggins Fernandez. Alors que le métrage reprend des thématiques typiques du thriller, Beineix ne livre qu’une ou deux séquences d’action, dont une excellente course poursuite dans le métro parisien. On ne s’ennuie pourtant jamais au cœur d’une œuvre ne tenant debout que par la grâce d’une réalisation virtuose.

Magnifié à chaque plan par des éclairages divins, ainsi que par l’extrait sublime de La Wally d’Alfredo Catalani, Diva est une œuvre marquante par son extrême modernité et son aspect visionnaire.

Un phénomène très rare dans l’histoire de l’exploitation française

Sorti dans une combinaison de 19 salles à Paris lors de sa semaine d’investiture en mars 1981, Diva a réuni 17 400 spectateurs pour une 16ème place décevante. En deuxième semaine, le métrage perd déjà 12 salles, mais semble se maintenir en termes de fréquentation. Finalement, les semaines suivantes, Diva va parvenir à gagner à nouveau quelques salles supplémentaires grâce à un bon bouche à oreille qui lui permet de réunir à Paris environ 10 000 fidèles supplémentaires par semaine. A l’issue de cette première exploitation, le résultat du film s’avère tout de même décevant.

Pourtant, le long-métrage va également sortir aux États-Unis et va connaître un beau succès pour un film en langue française. Ce coup de projecteur inespéré va permettre de relancer la carrière du film en France où il réapparaît dans les classements au mois de février 1982. Porté par les quatre César obtenus pour la meilleure première œuvre, meilleure photo, musique et son, Diva intéresse enfin le public français qui lui fait alors un triomphe.

Plus d’un an et demi à l’affiche

A ce moment-là, la première œuvre de Beineix n’a cumulé que 300 000 entrées sur toute la France, mais sa carrière en salles va vraiment pouvoir commencer, plus d’un an après sa sortie initiale. Sur la France, le film remonte vers les premières places du classement et parvient à susciter l’engouement de 100 000 spectateurs par semaine. Devenu un véritable phénomène sur la durée, Diva franchit le million de spectateur la semaine du 20 avril 1982. Absolument increvable, il continue à accumuler des spectateurs durant tout l’été 1982, mais aussi tout l’automne, au point d’arriver à enchanter 2 281 569 fans d’un cinéma français novateur.

Le film est ainsi devenu culte auprès de toute une génération qui a pu découvrir ses charmes, faisant immédiatement de Jean-Jacques Beineix un cinéaste à suivre de très près.

Critique de Virgile Dumez

Histoire d’un flop qui devint phénoménal

Lorsque CCFC distribue Diva dans 19 cinémas, personne ne s’en émeut vraiment. Le premier film réalise 14 235 entrées sur Paris et accuse 3 165 entrées dans ses 8 salles de banlieue qu’il perdra dès l’issue de cette semaine catastrophe à 17 400 entrées.

Où voir le film en première semaine?

Sur Paris intramuros, Diva est censé plastronner au Marignan Pathé, au Clichy Pathé, au Montparnasse Pathé, au Gaumont les Halles, au Berlitz, au Rex, au St-Germain Village, au St-Lazare Pasquier, à la Fauvette, au Gaumont Convention et au Gaumont Gambetta.

Beineix n’entre même pas dans le top 15 Paris-Périphérie, devancé par le porno de Jean-Marie Pallardy, Trois filles dans le vent qui, en 7 salles, savourait ses 18 578 spectateurs.

La comédie La puce et le privé de Roger Kay, avec le duo Bruno Cremer et Catherine Alric, s’en sort mieux avec 27 977 spectateurs sur 25 sites.

Pourtant, la concurrence parmi les nouveautés est restreinte. Les seules deux grosses sorties sont La dame au camélia de Bolognini avec Isabelle Huppert, beau numéro 1, et Des Gens comme les autres de Redford qui fait un score parisien moyen (39 940/20 salles, contre 58 351 pour Huppert).

Sorti la même semaine en province, Diva se contente des miettes : 971 entrées sur Bordeaux, 948 curieux sur Lyon, et une 20e position à Toulouse avec 1 332 entrées.

Une chute en 2e semaine, un sursaut en 3e

Diva est parti pour mourir. Sa seconde semaine est celle de la perte sèche de 12 écrans sur 19. Le future classique se contente de 12 267 tickets. Il frôle alors les 30 000 entrées sur la capitale en 15 jours.

Mais en 3e semaine, alors que les grandes villes de province l’ont évincé de ses salles, le thriller urbain aux allures d’art moderne, gagne un écran supplémentaire sur Paris, et surtout rebondit à 14 428 entrées dans seulement 8 cinémas ; le film entre pour la première fois dans le top 15 du Paris-Périphérie.

En 4e semaine, l’ascension se poursuit, avec 16 929 entrées dans seulement 9 cinémas. Avec désormais 60 000 entrées dans le compteur, Diva le magnifique a dépassé le nanar La puce et le privé qui est à l’agonie dans une salle, avec un total de 40 000.

Un film bobo avant l’heure

En 5e semaine, alors que l’on commence à parler de Cannes 1981 et que les élections présidentielles sont une obsession nationale, Diva est toujours seulement programmé à Paris, avec 12 112 entrées dans 8 salles. Le microphénomène est parisien et l’on sait juste qu’il dépassera les 100 000 entrées sur la capitale du cinéma. Bref, un film bobo avant l’heure.

En 6e semaine, cette œuvre miroir des années 80 conserve ses arrières (8 écrans) et se retrouve enfin reprogrammé en banlieue, sur Asnières. Il redescend toutefois à 9 727 spectateurs.

La 7e semaine, désormais sur 6 salles, le hisse au-dessus des 8 000 entrées et d’un total parisien de 90 000.

L’actualité va peu à peu diminuer son impact ; les moyennes par écran chutent, et le film va passer de nombreuses semaines dans une seule salle, comme au Français, au moins de juin, et au Movies Les Halles, en 17e semaine,  celle du 1er juillet, où le bouche-à-oreille lui vaut de s’assurer 1 247 spectateurs pour un total très provisoire de 115 036 entrées.

Diva entre au Panthéon

La semaine du 15 juillet, un exploitant craque pour le film, celui du cinéma le Panthéon qui rejoint le Movies Les Halles lors de la 19e semaine en salle (1 855 spectateurs sur 2 cinémas, dont 705 au dit Panthéon). Ils le conservent tous deux jusqu’à la fin de l’été.

Basculement lors de la rentrée, le Panthéon de l’exploitant, mais aussi producteur, Pierre Braunberger, est désormais le seul à croire en cette proposition de cinéphilie qui rameute les étudiants. En 25e semaine, la salle peut compter sur 990 spectateurs de plus.

Dans ce seul cinéma, Diva y passera l’intégralité du printemps, puis de l’hiver également. La semaine du 20 janvier, le film arty y dépasse les 150 000 entrées en 46e semaine.

Tout change en 48e semaine avec 5 nominations aux César

L’annonce des nominations aux César, dominés par Claude Miller, Tavernier, Lelouch, Granier-Deferre et Jean-Jacques Annaud, permet à Diva de rentrer dans la cour des grands. La production est nominée comme Meilleur premier film, mais aussi obtient 4 nominations supplémentaires (décor, musique, son et photo).

Aussitôt, l’on parle davantage du Beineix qui se retrouve sur deux écrans de plus : le Marignan sur les Champs et le Français Pathé sur les Grands Boulevards. Le total enfle : 5 386 entrées dans 3 salles, cette semaine-là, sa 48e

Mort de Ferracci, auteur de l’affiche de Diva, deux jours avant les César

Parallèlement, le distributeur américain United Artists annonce la sortie de Diva aux USA, au Plazza.

En 49e semaine, dans 2 salles, Diva remonte à son plus haut niveau depuis avril 81 (6 280). La semaine précédant les César, la production Silberman, magnifiée par l’affiche de Ferracci, occupe 4 écrans et est découvert par 7 370 retardataires.

Les César ont lieu le 27 février, et l’illustrateur mythique décède deux jours avant, lors d’une opération chirurgicale. Un drame.

Diva remporte 4 prix sur 5, perdant seulement le César du décor qui revient au film de science-fiction Malevil de Christian de Chalonge. La semaine des César, alors que le Palmarès n’était pas encore tombé, Diva, programmé dans 4 cinémas (Panthéon, Pagode, Ciné Beaubourg, Marignan Pathé) dépasse pour la première fois depuis près d’un an les 10 000 spectateurs.

Diva explose. En 53e semaine, il réalise son meilleur score depuis sa sortie (26 428 entrées dans 11 salles). La province se réveille enfin.

Désormais, le film échappe à son auteur et à son distributeur, pour n’appartenir qu’au public, français et américain. Sur la France qui l’avait tant boudé, le premier film de Beineix achève sa carrière à  2 281 569 entrées, dont plus de 770 000 sur la capitale.

Le Panthéon proposera le film en salle jusqu’à la fin de l’année 1983. Le Rivoli Beaubourg lui succèdera et le gardera une très longue partie de l’année 1984. On se souvient de ce cinéma pour sa fermeture définitive à la suite d’un tragique attentat antisémite en 1985. Quelle histoire. Celle de notre patrimoine, évidemment, auquel Diva appartient.

Auteurs du texte : Critique de Virgile Dumez / Box-office détaillé de Frédéric Mignard

Les sorties de la semaine du 11 mars 1981

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Diva de Jean-jacques Beineix, Farracci

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