Petite série B qui exploite le filon des Gremlins, Critters est un spectacle généreux et distrayant, porté par un humour salvateur. Sympathique.
Synopsis : A des milliers de kilomètres de la Terre, de dangereux prisonniers s’échappent de leur astéroïde-prison, à l’aide d’un vaisseau spatial. On lance à leurs trousses deux chasseurs de prime inter-galactiques, à qui l’on recommande de rattraper les évadés avant qu’ils ne trouvent à se nourrir. Car il s’agit des « Critters », à l’appétit criminel. Ces derniers ont choisi de se réfugier sur Terre. Ils se posent dans un coin de la campagne du Kansas, non loin de la ferme de la famille Brown…
New Line surfe sur le triomphe de Gremlins
Critique : En 1984, la production Amblin intitulée Gremlins (Dante) cartonne dans le monde entier, rapportant plus de 390 millions de dollars (ajustés au cours de 2021) rien qu’en Amérique du Nord. Cette formidable manne financière ne pouvait qu’initier d’autres imitations par des studios désireux de surfer sur la vague. Ainsi, la firme indépendante New Line (qui triomphe avec la franchise Freddy) achète le script de Domonic Muir décrivant des drôles de créatures extraterrestres nommées les Critters.
Le réalisateur Stephen Herek, qui a aussi travaillé sur le scénario, ne cesse d’insister en interview sur le fait que l’idée d’origine était venue à Muir plusieurs années avant la sortie de Gremlins. Mieux, si l’on croit ses propos, il aurait contribué à diminuer les points communs entre les deux œuvres. Peu importe finalement puisque le script a bien trouvé preneur grâce au triomphe de Gremlins et que la volonté de New Line était bien de lancer une nouvelle franchise lucrative. La dimension commerciale du projet est d’ailleurs particulièrement évidente puisque le film horrifique se teinte de comédie, que le héros est un gamin de treize ans et que la violence est limitée à deux morts dont on n’étale pas les souffrances.
Une dimension humoristique sympathique
Dès le départ, Critters ne cherche pas à se prendre au sérieux. Les extraterrestres qui poursuivent les boules de poils aux dents longues prennent ainsi l’apparence d’un groupe de metal FM comme il en pleuvait en ce milieu des années 80. C’est d’ailleurs l’acteur Terrence Mann lui-même qui s’est amusé à pousser la chansonnette pour Power of the Night, titre quasiment parodique qui rappelle les belles heures du hard rock pour gamines prépubères.
Stephen Herek nous présente ensuite la petite famille de ruraux qui seront les héros de cette histoire. Il décrit au passage une petite bourgade typiquement américaine, avec ses flics qui s’ennuient dans leur voiture, ses piliers de bar, son idiot du village et ses centaines de kilomètres de champs à perte de vue. Le scénario suit donc la logique de Gremlins en proposant une peinture mi-amusée, mi-attendrie d’une certaine Amérique traditionnelle, la causticité d’un Joe Dante en moins.
Critters s’inscrit dans la mouvance des divertissements Amblin
Stephen Herek décrit une petite famille attachante menée par Dee Wallace, habituelle mère au foyer des années 80 depuis ses prestations remarquées dans E.T. (Spielberg, 1982) et Cujo (Teague, 1983). La référence à l’univers d’Amblin (firme de Spielberg) n’est pas isolée puisqu’une poupée E.T. se trouve dans la chambre du gosse, tandis que les plans sur les vélos nous renvoient directement à l’ambiance adolescente des productions de l’époque. En bon cinéphile, Stephen Herek a encore ajouté des clins d’œil à Ghoulies (Bercovici, 1984) lorsqu’un critter sort de la cuvette des toilettes ou à S.O.S. Fantômes (Reitman, 1984) par le biais d’un faux logo sur le blouson d’un des personnages.
Ces références incessantes à la culture populaire de l’époque rend le long-métrage fort sympathique, d’autant que le jeune incarné par Scott Grimes n’est jamais irritant et que la plupart des protagonistes sont bien campés, par-delà le fait qu’ils correspondent à des stéréotypes. Cerise sur le gâteau, les frères Chiodo – futurs réalisateurs du culte Les clowns tueurs venus d’ailleurs en 1988 – ont créé une bébête charismatique avec ces Critters qu’on nous montre quand même beaucoup. Leur aspect de boule de poils les rend acceptables pour les enfants, mais leur bouche volumineuse et leurs dents proéminentes en font des armes redoutables. Les effets spéciaux d’époque sont encore efficaces de nos jours et les bestioles parviennent à voler la vedette aux acteurs à plusieurs reprises.
Les Archives CinéDweller
Le premier et le meilleur film de Stephen Herek
Malgré un nombre de morts très limité, Critters s’avère être un spectacle généreux, dopé aux séquences trépidantes et dynamité par un humour jamais parodique. Le film a le grand mérite d’assumer pleinement son statut de simple série B destinée à divertir le temps d’une soirée. Ce sens de l’efficacité et de l’économie se retrouve dans la durée ramassée du produit, parfaitement calibré.
Cette ambiance détendue a beaucoup fait pour la réputation d’un film qui reste l’un des meilleurs de son réalisateur. Effectivement, Stephen Herek s’est ensuite spécialisé dans les spectacles humoristiques et familiaux pour la plupart insipides (Les petits champions en tête). Son premier film reste donc l’un de ses meilleurs, sans être un classique incontournable pour autant.
Un joli succès international en salles et en VHS
Avec 13,1 M$ de recettes (31,6 M$ ajustés au cours du dollar en 2021) pour un budget de 2 M$ (4,8 M$ ajustés à 2021), Critters a atteint la 69ème place annuelle aux Etats-Unis. La VHS a ensuite connu une jolie carrière en vidéoclub. En France, la série B étonne également en se plaçant à la 5ème position du classement parisien, la semaine de sa sortie. La suite est un peu moins valeureuse à Paris, mais le métrage s’est globalement mieux maintenu dans le reste de la France. Critters a terminé sa carrière française à 294 607 gamins effrayés, avant d’être là aussi relayé par des locations en VHS.
Il n’en a pas fallu plus pour qu’une suite soit envisagée. Malheureusement, les trois segments qui suivront ne seront guère au niveau de cet épisode séminal. Depuis 2019, la télévision s’est emparée de la franchise avec une série et un téléfilm destinés à un jeune public.
Critique de Virgile Dumez