My Beautiful Laundrette : la critique du film (1986)

Comédie dramatique, Romance, LGBT | 1h37min
Note de la rédaction :
7,5/10
7,5
My Beautiful Laundrette, l'affiche

  • Réalisateur : Stephen Frears
  • Acteurs : Daniel Day-Lewis, Gordon Warnecke, Derrick Branche, Roshan Seth
  • Date de sortie: 03 Sep 1986
  • Nationalité : Britannique
  • Année de production : 1985
  • Scénariste : Hanif Kureishi
  • Directeur de la photographie : Oliver Stapleton
  • Compositeurs : Stanley Myers, Hans Zimmer (sous le pseudo Ludus Tonalis)
  • Sociétés de production : Working Titke / SAF Productions pour Film Four International
  • Distributeur : Pari-Films
  • Editeur vidéo : UGC Vidéo (VHS) / Doriane Films (combo DVD / Blu-ray)
  • Sortie vidéo (combo) : 18 novembre 2015
  • Budget : 650 000 £
  • Box-office USA : 2,4 M$
  • Box-office France / Paris-périphérie : 238 042 entrées / 116 986 entrées
  • Récompenses : 1 nomination aux Oscars 1987 pour le meilleur scénario
  • Format : 1.66 : 1 / Son : Mono
  • Crédits affiche : © Guy Peellaert. Tous droits réservés.
Note des spectateurs :

Portrait sans concession de l’Angleterre libérale de Margaret Thatcher, My Beautiful Laundrette est un témoignage passionnant sur une époque, ainsi qu’une œuvre cinématographique enthousiasmante à plus d’un titre.

Synopsis : Omar, jeune pakistanais de la banlieue Sud de Londres, prend la gérance d’une vieille laverie automatique appartenant à son oncle. Il est aidé de Johnny, qui devient son amant. Quand son cousin Salim blesse un membre de l’ancien gang de Johnny, une bagarre éclate…

Un petit téléfilm qui deviendra grand…

Critique : My Beautiful Laundrette est assurément un film très important pour le cinéma britannique des années 80, à plusieurs titres d’ailleurs. Pour mémoire, la production britannique a connu une chute spectaculaire à la fin des années 70 et au début des années 80, condamnant la plupart des studios traditionnels à la fermeture et poussant les jeunes auteurs émergés à la fin des années 60 comme Ken Loach, Mike Leigh et Stephen Frears à travailler pour la télévision. D’autres comme Alan Parker, Ridley Scott ou encore Adrian Lyne ont choisi la voie de la publicité, puis l’exil hollywoodien.

My Beautiful Laundrette, jaquette du combo DVD / Blu-ray

© 1985 Channel Four / © 2015 Doriane Films. Tous droits réservés.

Difficile dans ces conditions de faire émerger des talents. Toutefois, en 1983, une nouvelle société de production nommée Working Title Films apparaît et commence par produire des spots publicitaires. A l’aide de Channel Four, ils se lancent en 1985 dans la production d’un téléfilm qui exploite un script de l’auteur Hanif Kureishi intitulé My Beautiful Laundrette. Pour mettre en image ce scénario qui évoque la vie quotidienne de la communauté pakistanaise dans le Londres des années 80, les producteurs proposent le réalisateur Stephen Frears qui a déjà plus d’une quinzaine de téléfilms à son actif. Pour le rôle de Johnny, on envisage tout d’abord Gary Oldman, mais après son départ du projet, c’est Daniel Day-Lewis, encore inconnu, qui décroche le jackpot. La même année, il tourne dans Chambre avec vue (Ivory, 1985) dans un emploi radicalement différent, ce qui sera ensuite sa marque de fabrique.

Sorti en salles et distingué par une nomination à l’Oscar

Après un tournage assez long et fastidieux, My Beautiful Laundrette est jugé suffisamment bon pour être finalement projeté dans quelques salles londoniennes et dans des festivals. Le film est alors acheté pour être diffusé sur de nombreux marchés, dont la France où le film a glané 238 042 curieux sur tout le territoire. Le long-métrage a également reçu une nomination aux Oscars, prouvant ainsi que le cinéma britannique n’était pas définitivement mort. Certes, ce n’est pas encore le temps de la renaissance des années 90 – justement porté par la société Working Title – mais il s’agit d’un frémissement. D’ailleurs, le film peut être considéré comme l’acte de naissance véritable de plusieurs artistes, à savoir l’écrivain Hanif Kureishi, le réalisateur Stephen Frears et l’acteur Daniel Day-Lewis.

Que reste-t-il aujourd’hui de ce film qui osait bousculer les spectateurs britanniques dans leurs convictions les plus rétrogrades ? Il s’agit assurément d’un portrait très juste de l’Angleterre ruinée par l’action de Margaret Thatcher. Le scénariste n’hésite pas à se servir des arguments de la Première ministre pour construire son intrigue. Thatcher vantait par exemple les mérites de la libre entreprise et du libéralisme sauvage, alors Kureishi pousse ses personnages à se saisir de leur destin en investissant dans une laverie automatique de luxe au cœur d’un quartier populaire. Les deux jeunes ambitieux – homosexuels de surcroît – deviennent alors les symboles de cette Angleterre ultra-libérale qui veut se débarrasser des fainéants (fonctionnaires et chômeurs) pour mettre en avant la valeur travail (les investisseurs, petits et grands patrons).

Critique cinglante de l’Angleterre ultra-libérale de Thatcher

Sauf que l’auteur démontre de manière brillante que cette politique ne fonctionne aucunement si l’on part du bas de l’échelle sociale. Le jeune Omar est un loup aux dents longues – pas nécessairement très sympathique d’ailleurs dans son obsession de réussite – mais pour arriver, il doit se servir de méthodes douteuses (il arnaque sa famille en revendant de la drogue, se sert de son petit ami en exploitant ses talents de bricoleur etc…). Issu d’une communauté repliée sur elle-même, Omar doit doublement lutter pour arriver : il doit s’imposer face au racisme des Britanniques, mais en tant qu’homosexuel, il doit aussi cacher son orientation à sa propre communauté, loin d’être tolérante à ce niveau.

Hanif Kureishi en profite donc pour régler ses comptes avec un certain empire britannique qui n’a pas digéré son éviction de territoires comme l’Inde ou le Pakistan. Il montre le racisme des Blancs, mais aussi l’intolérance de nombreux Pakistanais. S’il n’accuse personne en particulier, on le sent virulent vis-à-vis du désastre social en cours sous le mandat de la dame de fer Margaret Thatcher.

Une réalisation inspirée par les maîtres du film noir américain

En ce qui concerne la réalisation, Stephen Frears fait preuve d’un talent évident pour la direction d’acteurs, mais il n’en oublie jamais de faire du cinéma en proposant quelques superbes plans à la grue qui montrent son amour d’un certain cinéma hollywoodien des années 40-50. Ainsi, My Beautiful Laundrette peut parfois se lire comme un hommage aux films noirs de cette époque, transposé au cœur du cinéma social britannique. Ce mélange audacieux fonctionne plutôt bien ici et même si le film souffre d’un manque de conclusion satisfaisante, il n’en demeure pas moins une œuvre emblématique d’une époque.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 3 septembre 1986

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My Beautiful Laundrette, l'affiche

© 1985 Channel Four / Affiche : © Guy Peellaert. Tous droits réservés.

Box-office :

Sorti dans 8 cinémas parisiens, quand la France avait les yeux rivés sur Deauville 86 (Aliens, le retour…), la romance homo de Stephen Frears, magnifiquement illustrée par Guy Peellaert (Paris, Texas), affrontait Bronson (Act of Vengeance, 32 salles), L’invasion vient de Mars de Cannon et Tobe Hobe Hooper (33 salles), Alain Resnais (Mélo, 15 écrans), Sauve-toi Lola (21 salles) et le succès à venir du Rayon vert de Eric Rohmer qui ouvrait sur 5 sites.

Ce 3 septembre, la grosse nouveauté du jour est en fait Les aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin (38 salles), qui va prendre logiquement la tête des nouvelles sorties. Le Stephen Frears obtient  le démarrage le plus faible du cinéma canonique de cette journée avec seulement 1 649 LGBT friendly, et, juste derrière lui, les pornographiques L’été, petites culottes s’envolent (1 452, 5 salles), et Viens par derrière (1 452, 4 écrans).

Malgré ce démarrage moyen, My Beautiful Laundrette va réaliser une belle première semaine qui en fait un succès réel pour une œuvre indépendante à la thématique homosexuelle. Il rassemble 17 492 spectateurs sur ce circuit réduit. Certes, Rohmer avec 4 écrans de moins le déclassait (23 395), mais il faut reconnaître au film britannique un sacret toupet : Carole Laure dans Sauve-toi Lola fait à peine 600 entrées de plus avec 13 salles supplémentaires (un vrai bide) et Bronson dérouille à 25 000 avec ses 23 salles supplémentaires. Carrément la honte.

Présent exclusivement en intra-muros, le classique de Stephen Frears réalise un beau taux de remplissage aux Gaumont Champs-Elysées, Gaumont Les Halles, Gaumont Opéra, Saint-André des Arts, aux 14 Juillet Bastille et Beaugrenelle, et enfin à l’Escurial et au Gaumont Parnasse.

Le film est stable en 2e semaine, avec 14 729 spectateurs, puis s’installe sur la durée : 9 754, 8 178, 6 121, 6 025, 5 965, 4 864, 4 656…

En 15e semaine, il réalise encore 704 entrées dans un seul cinéma parisien (le Cinoche) pour un total de 87 273 entrées. Le film indépendant britannique est donc un beau sleeper. Il restera au total jusqu’en 1989 dans cette salle parisienne, pour une exploitation formidable de 124 semaines et un total enivrant de 116 986 spectateurs.

UGC et Film Office le proposeront conjointement en VHS en version française (sic). Cette sortie interviendra plus de 5 ans après sa diffusion en salle. Depuis, le film est culte et Daniel Day-Lewis est devenue une méga-star du cinéma académique dit “à Oscars”.

Frédéric Mignard

Blu-ray Britannique de My Beautiful Landrette

© 1985 Channel Four, Working Titles – 2017 BFI. Tous droits réservés.

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My Beautiful Laundrette, l'affiche

Bande-annonce de My Beautiful Laundrette (VO)

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