Petit film horrifique pour enfants, The Gate – la fissure séduit par un regard juste sur l’adolescence et des effets spéciaux réussis. Le spectacle n’en demeure pas moins modeste dans ses ambitions.
Synopsis : Glen et sa grande sœur Al passent le week-end seuls chez eux, leurs parents s’étant absentés. Alors qu’Al devait garder son petit frère, elle n’a qu’une seule idée en tête: organiser une fête. Terry, le meilleur ami de Glen, le persuade que le trou au fond du jardin familial est une porte vers l’enfer. La mort du chien de Terry et les incantations des amis de Al vont réveiller les démons…
Un script sombre retravaillé pour être accessible au plus grand nombre
Critique : Au milieu des années 80, le scénariste et réalisateur Michael Nankin (Midnight Madness, 1980) vient d’échouer à monter un projet qu’il devait réaliser et décide d’évacuer tous ses sentiments négatifs au cœur d’un script qui sera la base de The Gate. Très sombre, le scénario précipite des enfants dans une aventure sanglante qui ne néglige ni les morts ni les épisodes traumatiques. Contre toute attente, Michael Nankin parvient à vendre ce script horrifique à la société canadienne Alliance Entertainment.
© 1986 The Gate Film Productions Inc / © 2020 Le Chat qui Fume. Tous droits réservés.
A l’époque, le gouvernement canadien offrait effectivement de nombreux avantages fiscaux pour ceux qui voulaient tourner des films dans le pays. Bon nombre de sociétés américaines ont saisi la balle au bond, dont New Century Entertainment qui s’associe à Alliance pour produire ce scénario si alléchant. Toutefois, deux conditions majeures doivent être acceptées par Michael Nankin : la réalisation lui échappe au profit du Hongrois Tibor Takacs et le script doit être modifié en profondeur pour être PG13. Nankin accepte ces contraintes lorsqu’il se rend compte qu’il va pouvoir collaborer intelligemment avec Tibor Takacs. Les deux hommes vont ainsi effectuer les modifications ensemble.
Un teen movie destiné au jeune public
Le réalisateur Tibor Takacs, qui n’avait tourné qu’un obscur long-métrage en 1978, n’a jamais caché sa volonté de tourner un conte horrifique destiné à un jeune public. Il ne faut donc pas s’attendre à éprouver de grands frissons au visionnage de ce tout petit film fait avec les moyens du bord et beaucoup d’ingéniosité. Certes, le scénario évoque bien l’ouverture de la porte vers les enfers, mais rien ne s’approche ici d’une ambiance horrifique et putride comme celle d’un Lucio Fulci avec L’au-delà. Avec The Gate – la fissure (1987), on est plus proche d’un univers à la Spielberg ou Joe Dante qu’à celui d’un vrai film d’angoisse.
Le film commence d’ailleurs comme un vrai teen movie avec la présentation des personnages de gamins qui abordent à peine la puberté. Alors que Stephen Dorff et Louis Tripp jouent deux copains d’une douzaine d’années, Christa Denson incarne la grande sœur Al qui a des préoccupations d’adolescente. Le cinéaste décrit avec beaucoup de justesse et pertinence ces âges de la vie où tout bascule pour chacun d’entre nous. Le passage de l’enfance à l’âge adulte est donc au centre du long-métrage, avec la traditionnelle angoisse d’abandon que l’on peut éprouver alors. Le petit Glen (joué avec beaucoup de charisme par l’excellent Stephen Dorff) voit que sa sœur s’éloigne de lui car elle a d’autres centres d’intérêt, tandis que ses parents sont souvent absents. Il doit donc se construire une carapace pour affronter ses peurs de gamin.
The Gate, un avant-goût de Stranger Things
Ces thématiques sont d’abord abordées de manière légère, mais aussi avec un vrai sentiment de nostalgie envers cette période de l’existence. A revoir aujourd’hui, c’est finalement cette première partie où il ne se passe pas grand-chose qui fonctionne le mieux. On peut d’ailleurs faire un rapprochement avec les thématiques développées dans la série Stranger Things qui semble recycler des idées venues de The Gate. Bien évidemment, comme le budget est très étriqué, la seconde partie qui voit se déchaîner les forces démoniaques est moins probante, handicapée par son absence de violence et de véritable frisson.
Comme le film est intégralement joué par des enfants, on comprend dès le départ qu’aucune mort atroce n’interviendra et que les péripéties se limiteront à quelques petits rebondissements peu enthousiasmants si l’on a passé l’âge requis. The Gate peut ainsi se voir comme l’ancêtre des ouvrages de la collection Chair de poule débutée en 1992 et destinée aux enfants et jeunes ados. Il n’est pourtant pas interdit d’apprécier les efforts de l’équipe technique qui a optimisé ses faibles moyens pour tourner des plans audacieux. On aime notamment tous ceux tournés en perspective forcée, ou encore le monstre final en animation stop motion.
De beaux effets spéciaux pour un succès surprise aux Etats-Unis
Ces multiples effets avaient le mérite d’être réalisés devant la caméra par des artistes et techniciens ingénieux à une époque où l’ordinateur n’était que peu employé. Ils ont notamment effectué un très bon travail sur The Gate qui propose parfois de très jolis plans, alors même que la réalisation est assez banale.
Malgré son caractère légèrement anodin, The Gate – la fissure a obtenu un beau succès aux Etats-Unis. Sorti le 15 mai 1987, soit le même jour que la superproduction Ishtar (May), The Gate a généré 4,2 millions de dollars de recettes en un seul week-end, tandis que le film d’Elaine May n’en a glané que 4,3. Cela a encore plus attiré l’attention sur The Gate, petite production indépendante sans star ni argent qui a ainsi tenu la dragée haute à un blockbuster budgété à 55 millions de dollars (soit 100M$ en 2020), avec Dustin Hoffman, Isabelle Adjani et Warren Beatty. Au final, The Gate a cumulé un beau pactole de 13,5 millions de dollars, permettant de poursuivre la saga par un second volet en 1990, Gate 2: The Trespassers, à l’échec notoire (2 032 973$ pour un budget de 6 500 000$).
Devenu culte aux Etats-Unis, ce premier ouvrage cinématographique mérite d’être vu pour son ambiance typique des années 80, tout en sachant qu’il ne vous fera guère frissonner pour peu que vous ayez plus de quinze ans.
Le test du blu-ray :
© 1986 The Gate Film Productions Inc / © 2020 Le Chat qui Fume. Tous droits réservés.
Encore une belle édition dégoupillée par Le Chat qui Fume avec son traditionnel packaging luxueux. Le test suivant a été effectué à partir d’un exemplaire finalisé.
Compléments & packaging : 5 / 5
Encore une fois, rien à redire quant à la présentation du produit dans son joli fourreau et son volet intérieur qui se déplie pour dévoiler le blu-ray. Attention, désormais l’éditeur se concentre sur la galette bleue et donc point de DVD à l’horizon, ce dont nous ne nous plaindrons pas.
En terme de contenu éditorial, rien à redire non plus avec plus de 2h30 de suppléments passionnants. On peut notamment tout comprendre du travail effectué sur les effets spéciaux grâce à des entretiens avec Randall William Cook et Craig Reardon pour une durée d’une quarantaine de minutes. Le producteur Andras Hamori vous dira tout sur le montage financier canadien (13min), tandis que le scénariste Michael Nankin (16min) revient en détail sur les modifications apportées à son scénario jugé trop sombre. Un entretien intéressant avec le réalisateur Tibor Takacs (28min) revient sur l’aventure de ce petit film sans prétention. On regrette toutefois l’absence de Stephen Dorff dans ces suppléments. Pour les acteurs, il faudra se contenter du témoignage de Carl Kraines qui joue le rôle de l’ouvrier zombie (12min).
On aime également beaucoup les témoignages des intervenants canadiens (28min) qui se souviennent avec émotion de leur contribution à ce petit film. Ils n’ont pas la langue de bois parfois courante à Hollywood. Enfin, on termine ce petit tour par un making of d’époque en qualité VHS qui n’a pas d’autre intérêt qu’historique (23min) et la bande-annonce.
Signalons enfin la possibilité d’écouter la bande originale synthétique du film sur une piste isolée.
L’image : 5 / 5
Absolument rien à reprocher au master utilisé ici. On n’a jamais vu ce film dans une copie aussi belle. Elle permet notamment de percevoir des qualités photographiques absentes des versions vues précédemment et de prouver que les effets visuels tiennent plutôt bien la route malgré leur caractère artisanal. La photographie parfois volontairement kitsch et très colorée est bien mise en avant, tout en conservant un léger grain cinéma appréciable. Du très bon boulot.
Le son : 4 / 5
Les pistes française et anglaise sont présentées en DTS-HD Master Audio 2.0, respectant ainsi le son d’époque. Sur la VO, la musique est mixée de manière harmonieuse avec des voix claires et naturelles. Les ambiances ne sont pas négligées non plus. Sur la version française, l’équilibre est légèrement moins probant avec des voix parfois un peu trop en avant et surtout un doublage très moyen. Mais là encore, cela offre un vrai confort de visionnage.
Critique et est blu-ray de Virgile Dumez