
© FDC / Philippe Savoir (www.filifox.com)
Titane était le second long métrage attendu de la réalisatrice de Grave. C’est globalement une autre réussite dans la même veine, avec davantage de moyens et autant d’audace.
Synopsis : Après une série de crimes inexpliqués, un père retrouve son fils disparu depuis dix ans.
Titane : Métal hautement résistant à la chaleur et à la corrosion, donnant des alliages très durs.
Métal hurlant
Critique : Titane est cohérent avec la jeune filmographie de Julia Ducournau. La réalisatrice avait été révélée à la Semaine de la Critique 2007 avec son court métrage Tout va bien, histoire de la stupéfiante transformation d’une ado. Neuf ans plus tard, dans cette même section, elle présentait son premier long, Grave, récit d’une étudiante en école vétérinaire tentée par des pulsions cannibales. On retrouve à nouveau une jeune femme tourmentée (c’est le moins qu’on puisse dire) dans ce second long. Le prologue montre une petite fille agitée à l’arrière d’une voiture conduite par son père, et qui provoque un accident. Une opération chirurgicale permet de sauver la fillette grâce à un implant en titane dans le crâne. Des années plus tard, Alexia (Agathe Rousselle, une révélation) est devenue une jeune femme presque trentenaire. Elle est danseuse dans divers lieux dont un salon de l’automobile. Elle sera amenée à croiser sur sa route Justine, avec laquelle elle va ébaucher une relation amoureuse (Garance Marillier, égérie de la réalisatrice), et Vincent (Vincent Lindon), un pompier désespéré depuis la disparition inquiétante de son fils dix ans plus tôt.
Les Palmes d’Or cannoises à travers le temps
En raconter davantage relèverait du spoiling. Or, Titane repose en grande partie sur les qualités de son scénario insolite et à rebondissements. Comme dans Grave, le corps s’exprime par la violence mais la matière corporelle traduit la détresse psychologique de son anti-héroïne. La cinéaste évoque à nouveau des rapports familiaux tendus et des secrets inavouables. Mais Titane enrichit ces thématiques par une réflexion sur l’identité de genre et les frontières de la féminité, renforcée par le caractère androgyne du personnage principal (et de son actrice). Plusieurs séquences seraient ici à citer, dont une fascinante danse sensuelle improvisée dans une caserne de pompiers.
Titane, une réussite du genre
Titane © 2021 Kazak Productions. Tous droits réservés.
Julia Ducournau confirme aussi son sens du rythme et de l’atmosphère, jouant sur les peurs enfouies du public. Mais alors que Grave trouvait un juste équilibre entre le hors champ suggestif et l’horreur à l’état brut, Titane (interdit aux moins de seize ans) mise davantage sur le gore et la surenchère, ce que lui permet son budget plus cossu. Si Ducournau impose un authentique style personnel et parvient à concilier originalité et efficacité, cinéma d’auteur et film de genre, ses références cinématographiques sont manifestes. Les organes en mutation ou souffrance évoquent inévitablement Cronenberg, celui de Chromosome 3 ou eXistenZ. Quant à la relation avec la voiture, comment ne pas penser à Crash ? Titane convoque aussi, pêle-mêle, les souvenirs de La féline (version Schrader plus que Tourneur), Christine ou Terminator.
Et si Titane mélange les genres (polar, drame psychologique, voire comédie), son inscription explicite dans le fantastique le situe dans un courant du cinéma français peu prolifique mais comportant plusieurs pépites, des Yeux sans visage à Ghostland. On pourra cependant regretter que la réalisatrice n’assume pas jusqu’au bout la noirceur du premier tiers du film, se perdant parfois dans des digressions comiques, ou cédant à la mièvrerie sentimentaliste du Besson de Nikita. Cette réserve n’empêche pas d’apprécier ce long métrage insolite qui vaut aussi pour son casting, qu’il s’agisse d’interprètes chevronnés (Myriem Akheddiou, Dominique Frot) ou de jeunes acteurs (Laïs Salameh, Mehdi Rahim-Silvioli). Titane est donc une réussite globale, hautement recommandable.
Critique de Gérard Crespo
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