Dernier film de Sam Peckinpah, Osterman Week end est une œuvre paranoïaque mal fichue, mais qui possède encore quelques fulgurances et une atmosphère tendue plutôt réussie. Cela compense en partie les trous narratifs.
Synopsis : Que feriez-vous si un parfait inconnu vous prouvait que vos trois meilleurs amis travaillent pour des services secrets étrangers ? John Tanner, journaliste à la TV, découvre la vérité à la veille d’un week-end, pour lequel il a invité chez lui les trois espions. Sa maison, truffée de caméras, est placée sous le contrôle de Lawrence Fassett, un agent de la CIA. Tanner et sa famille vont vivre de terribles heures d’angoisse et de violence…
Le retour d’un cinéaste devenu persona non grata à Hollywood
Critique : Au début des années 80, les petits producteurs indépendants Peter S. Davis et William N. Panzer parviennent à mettre la main sur les droits d’adaptation du roman Le Week-end Osterman, écrit et publié par Robert Ludlum (par ailleurs créateur de la saga littéraire d’espionnage consacrée à Jason Bourne) en 1972. Pour la petite compagnie Davis-Panzer Productions, il s’agissait d’une réelle opportunité pour sortir de l’ornière de la série B où elle était jusque-là cantonnée. Après avoir commandé une adaptation aux scénaristes Alan Sharp et Ian Masters, les producteurs ont fait le tour des financeurs privés et ont obtenu un budget plutôt costaud pour eux, à savoir 6,5 M$ (soit 19,8 M$ au cours de 2023).
Pour donner une plus-value à leur production, Panzer et Davis acceptent la proposition pourtant risquée de l’agent Martin Baum, à savoir engager le réalisateur Sam Peckinpah. Ce choix n’était pas forcément le plus évident lorsque l’on sait que le cinéaste est devenu persona non grata à Hollywood à la suite de plusieurs dérapages liés à son mauvais caractère, mais aussi à ses excès en matière d’alcool et de drogues. Pire, après le tournage du Convoi (1978), Sam Peckinpah a été victime d’une attaque cardiaque et vit donc en sursis à l’aide d’un pacemaker. Autant d’éléments qui ne peuvent que repousser les investisseurs potentiels.
Un tournage agréable, mais gâché par un final cut qui échappe à son auteur
Toutefois, le nom de Sam Peckinpah permet d’approcher plus facilement les acteurs pressentis. Ainsi, Panzer et Davis parviennent à convaincre Rutger Hauer, John Hurt, Dennis Hopper et Chris Sarandon de s’engager dans l’aventure. Ils arrivent même à persuader la star vieillissante Burt Lancaster d’y jouer un rôle majeur, malgré un temps de présence à l’écran limité.
Osterman Week end bénéficie donc d’un tournage plutôt détendu entre l’équipe artistique et le réalisateur. Cependant, les heurts sont systématiques entre Peckinpah et ses producteurs qui entendent rogner sur les coûts et contraindre le cinéaste à une certaine sobriété, y compris dans la réalisation de ses séquences d’action. N’ayant pas vraiment le temps de fignoler son travail, Sam Peckinpah va aussi déchanter lorsque les producteurs vont charcuter son travail lors du montage final. Le réalisateur très exigeant a donc renié ce qui sera malheureusement son dernier film puisqu’il s’éteint en décembre 1984 d’une insuffisance cardiaque à l’âge de 59 ans.
Un début confus
A découvrir de nos jours, Osterman Week end (1983) n’est assurément pas le meilleur opus de son auteur, mais, contrairement à ce qui a parfois été écrit à sa sortie, il ne s’agit aucunement d’un navet indigne de son créateur. En fait, le long-métrage souffre de très nombreux défauts, souvent liés à son montage. Ainsi, la présentation des différents protagonistes lors des vingt premières minutes est totalement ratée, avec un manque évident de caractérisation et de background. L’intrigue semble d’abord inutilement complexe, d’autant qu’elle est exposée en peu de scènes et qu’une certaine confusion règne en matière de mise en scène.
Copyrights : Landi
Pire, Sam Peckinpah parvient à rater la première grosse séquence d’action du film, une course poursuite en voiture où le spectateur a du mal à comprendre ce qui se passe, alors même que tout est filmé au ralenti. Nous n’accablerons pourtant pas le réalisateur, car les soucis de continuité sont causés par un montage confus qui lui a échappé. Durant cette première demi-heure, on se dit alors que les critiques assassines envers ce dernier film sont bien méritées.
Osterman Week end, un Home Invasion efficace à l’ambiance paranoïaque
Pourtant, Osterman Week end parvient à se rattraper in extremis grâce à une dernière heure bien plus intéressante, malgré des trous béants dans le script. Dès que le réalisateur enferme les protagonistes dans la maison du reporter télé joué avec charisme par Rutger Hauer, le film prend son envol et la tension finit par prendre le spectateur à la gorge. On retrouve dans ces séquences l’anarchisme du réalisateur et sa vision très sombre de l’espèce humaine. Dès lors, il n’épargne personne et livre un terrible réquisitoire contre le gouvernement, les agences de sécurité, mais aussi contre les médias et la télévision qu’il accuse de vampiriser l’esprit des citoyens.
Ainsi, Osterman Week end s’inscrit dans un style de cinéma américain paranoïaque typique des années 70, mais qui était déjà passé de mode en 1983, ce qui explique sans doute le peu d’intérêt des Américains pour le résultat final. Elaborant une thématique de la surveillance permanente et de la relativité de la vérité filmée, Peckinpah livre une réflexion que n’aurait pas renié un certain Brian De Palma à la même époque.
Quelques dérapages bis assaisonnent le tout
Pour plonger le spectateur dans cette ambiance faite d’incertitude et de malaise, le cinéaste a recours à une musique discrète mais essentielle composée par le grand Lalo Schifrin. Il s’appuie également sur une photographie très contrastée de son fidèle chef opérateur John Coquillon. Enfin, l’ensemble finit par totalement déraper avec l’explosion de violence finale qui retrouve les accents traditionnels du cinéaste, toujours dans la rudesse des sentiments.
Interprété avec talent par une troupe de comédiens prêts à tout pour satisfaire le cinéaste de légende, Osterman Week end n’évite pas toujours les dérapages bis, avec notamment une tendance à déshabiller son casting féminin de manière totalement gratuite ou encore dans son économie générale confinée dans un lieu de tournage quasi unique. Cela n’en fait pas pour autant un mauvais bougre, même si les aléas de la production ont forcément pesé lourd sur le résultat final, en-deçà de ce que l’on était en droit d’en attendre.
Osterman Week end ou Osterman Week-end ?
Sorti aux Etats-Unis à la fin du mois d’octobre 1983 dans une combinaison limitée à 125 sites, Osterman Week end a vu son exploitation être poussée sur plus de 600 sites, ce qui n’en demeure pas moins assez peu pour un territoire aussi vaste que les Etats-Unis. Dans ce contexte, le film glane 6,4 M$ de recettes, ce qui équivaut à peu près à son budget initial.
En France, après une présentation au Festival du film policier de Cognac 1984 où il a remporté deux prix (Prix Spécial du jury et Prix TF1), le nouveau Sam Peckinpah est distribué par Gaumont sous le titre Osterman Week end – sans trait d’union donc – comme on peut le constater sur l’affiche et le matériel promotionnel de l’époque. Pourtant, dès sa première sortie en VHS, le titre utilisé verra à nouveau apparaître le trait d’union, devenant ainsi Osterman Week-end. Le thriller burné sort donc la semaine du 18 avril 1984, soit en même temps que Viva la vie (Lelouch), Retour vers l’enfer (Kotcheff) ou encore Les fauves (Daniel), également distribué par Gaumont qui lui a offert ses plus beaux écrans contrairement à la série B américaine.
Affiche © Renato Casaro
Une carrière relativement courte sur le territoire français
Avec une combinaison de salles plus réduite que ses concurrents, Osterman Week end entre à la 9ème place du box-office parisien avec 30 021 espions. Pour son deuxième tour, le film se maintient plutôt bien avec 23 339 retardataires. Même constat en semaine 3 avec 19 912 amateurs de violence en plus. Malheureusement, comme il faut faire de la place aux nouveautés, la quatrième semaine condamne le thriller à l’essoufflement avec moins de 10 000 Franciliens. Le film ne franchit donc pas la barre symbolique des 100 000 entrées à Paris et s’arrête à 95 391 tickets.
En France, la série B s’insinue à la 14ème place du classement lors de sa semaine d’investiture avec moins de 50 000 curieux. Le métrage voit sa combinaison provinciale augmenter en deuxième semaine et il parvient à dépasser les 100 000 tickets en deux semaines. Toujours situé autour des 50 000 entrées en troisième semaine, Osterman Week end semble plutôt bien se maintenir, mais, comme à Paris, la quatrième septaine lui est fatale. En terminant à 237 769 paranoïaques, Osterman Week end n’est pas un grand événement, même s’il faut rappeler que les films de Sam Peckinpah ont souvent connu des mauvaises fortunes dans notre pays.
Pour en savoir plus sur la carrière du film en France, n’hésitez pas à poursuivre la lecture plus bas.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 18 avril 1984
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© 1983 Osterman Weekend Associates – Davis-Panzer Productions / Gaumont. Tous droits réservés.
Biographies +
Sam Peckinpah, Burt Lancaster, Craig T. Nelson, Rutger Hauer, Dennis Hopper, Chris Sarandon, John Hurt, Meg Foster
Mots clés
Home Invasion, Les films d’action au cinéma, René Chateau Vidéo