Sean Penn s’égare avec Flag Day, récit bâclé sur un lien père-fille, tiré des écrits d’une journaliste. Le montage hasardeux et le manque de profondeur des personnages nuisent à la crédibilité du film.
Synopsis : John Vogel était un personnage hors norme. Enfant, sa fille Jennifer s’émerveillait de son magnétisme et de sa capacité à faire de la vie une grande aventure. Il lui a beaucoup appris sur l’amour et la joie, mais elle va découvrir sa vie secrète de braqueur de banques et faussaire.
Flag Day, adaptation d’une autobiographie
Critique : Flag Day est le sixième long métrage de Sean Penn en tant que réalisateur. L’acteur de Clint Eastwood et Gus Van Sant avait débuté dans la mise en scène avec The Indian Runner (Quinzaine des Réalisateurs 1991), perle du cinéma indépendant. Les films suivants avaient connu un accueil critique et public divers, le flop The Last Face (sifflé à Cannes en 2016) ayant succédé au très apprécié Into the Wild (2007). Son dernier opus ne risque pas de redorer le blason d’un cinéaste qui semble en manque d’inspiration depuis maintenant plusieurs années. Adapté d’un ouvrage autobiographique de la journaliste Jennifer Vogel, le récit (écrit par Jez Butterworth) relate les relations difficiles qu’elle a entretenues avec son propre père, John Vogel. Ce dernier, vivant de combines et larcins, avait purgé des peines de prison pour escroquerie et faux-monnayage, avant d’être abattu par la police lors d’un casse qui a mal tourné.
C’est tout à l’honneur de Sean Penn d’avoir refusé la narration linéaire, préférant opter pour une structure en flash-back, l’action se déroulant au cours de la période des années 1970-90, dans le Middle West américain. Nous suivons du coup le cheminement du père en essayant de comprendre comment il est arrivé à la case prison. Le paradoxe de la fille, que l’on voit épanouie professionnellement dès le début du film, est qu’elle est parvenue à s’affirmer socialement en dépit des vicissitudes personnelles. Flag Day met ainsi en exergue des fragments de l’existence de ces deux-là, d’une séparation parentale douloureuse pour Jennifer et son petit frère, aux relations louches de John, en passant par l’addiction à la drogue des deux générations.
Dylan Penn à la peine
Mais le problème principal de Flag Day est celui de nombreux métrages se sentant protégés par la caution du « d’après une histoire vraie », sans que leurs réalisateurs se soucient de vraisemblance ou de rigueur scénaristique. Les dialogues et la psychologie des personnages sont dignes d’un soap, et les ellipses donnent lieu à une confusion de certaines séquences. Cela semble dû à un montage bâclé et remanié, Penn ayant manifestement opéré maintes coupures. On remarque d’ailleurs que des acteurs dont on annonçait il y un mois la présence (Miles Teller, James Russo) sont tout bonnement absents de l’écran et au générique… La voix off laborieuse de la protagoniste, sur des paysages ruraux, semble se référer maladroitement au cinéma de Malick, quand des chansons de Cat Power et Glen Hansard noient Flag Day dans un sirop et une ambiance de clip.
Enfin, l’interprétation des personnages principaux laisse à désirer. Sean Penn qui joue lui-même John Vogel en fait des tonnes. S’il a cherché une intéressante mise en abyme en dirigeant ses propres enfants pour les rôles de Jennifer et son frère, le résultat est loin d’être concluant. Dylan Penn a en effet du mal à porter le film (déjà bancal) sur ses frêles épaules. Seuls les seconds rôles permettent d’échapper à un ennui total, de Josh Brolin en brave oncle jouant les médiateurs, à Dale Dickey en grand-mère bavarde et Norbert Leo Butz en beau-père libidineux, en passant par Katheryn Winnick en mère alcoolique. On apprend avant le générique de fin que Jennifer Vogel est désormais sereine, vivant avec son mari et son chien. On est content pour elle…
Critique de Gérard Crespo