Film à sketchs très inégal, Caprice à l’italienne vaut surtout le détour pour le segment de Pier Paolo Pasolini et quelques courts passages plus offensifs. L’ensemble peine toutefois à faire corps.
Synopsis : «Le monstre du dimanche». Un bourgeois s’en prend à des hippies. – «Pourquoi ?» Dans un embouteillage, une femme pousse son compagnon à commettre le pire. – «Que sont les nuages ?» La tragédie d’Othello est transposée en spectacle de marionnettes. – «Voyage en Afrique». Le récit d’une gaffe diplomatique. – «La gouvernante». Pour détourner les enfants des bandes dessinées qu’elle trouve trop violentes, une gouvernante leur lit les contes de Perrault. – «La femme jalouse». Rongée par la jalousie, une femme ne laisse aucun répit à son époux…
Un nouveau film à sketchs produit par Dino de Laurentiis
Critique : Durant les années 60, les producteurs italiens ont mis en place une formule à succès qui consistait à mobiliser quatre ou cinq grands cinéastes chargés d’illustrer un thème unique, généralement comique, au sein de ce que l’on a appelé un film à sketchs. A la suite du succès de certains titres, les producteurs ont multiplié ces initiatives qui ont rarement débouché sur des chefs d’œuvre à cause du principe même qui appelle l’inégalité du produit en fonction des segments.
Comme ses homologues, Dino de Laurentiis a mis sur pied Les sorcières (1967) qui réunissait des grands noms comme Mauro Bolognini, Vittorio De Sica, Pier Paolo Pasolini, Franco Rossi et même Luchino Visconti. Satisfait de l’expérience, le célèbre nabab retrouve quelques-uns d’entre eux pour Caprice à l’italienne (1968) qui est divisé en six segments de durée variable. Cette fois, les réalisateurs appelés se nomment Steno, Pino Zac, Mario Monicelli, tandis que Mauro Bolognoni, Pier Paolo Pasolini et Franco Rossi rempilent.
Steno s’appuie sur le grand Totò dont ce fut le dernier emploi
Le film débute par un sketch assez drôle de Steno retrouvant l’acteur Totò dont ce fut l’ultime apparition à l’écran avant son décès. Le comique s’en donne à cœur joie en multipliant les déguisements afin de piéger des hippies à qui il veut couper les cheveux. Tout ceci est plutôt bon enfant et met le doigt sur le fossé générationnel entre les vieux bourgeois et les révolutionnaires juvéniles. En réalité, l’intégralité du sketch repose sur l’interprétation outrée, mais vraiment efficace, du grand comique.
Le cinéaste Mauro Bolognini est un peu moins inspiré avec un très court segment voyant un embouteillage tourner au pugilat à cause d’une femme particulièrement irritante et vindicative. Cet aspect volontiers misogyne se retrouve également dans le segment final intitulé La femme jalouse où Bolognini met Walter Chiari aux prises avec une épouse terriblement intrusive (Ira von Fürstenberg en mode insupportable). A chaque fois, ces segments reposent sur une idée de base simpliste qui est inutilement étirée, au risque d’ennuyer le spectateur.
Le meilleur segment est signé Pasolini
Au cœur de ce film omnibus vient se nicher le segment réalisé par Pier Paolo Pasolini. Nettement plus ambitieux, aussi bien sur le plan esthétique que thématique, ce sketch tranche totalement par rapport au reste du programme. Nous suivons ainsi la destinée de marionnettes humaines qui doivent interpréter une version guignol d’Othello. Pourtant, le public s’oppose à l’issue de la tragédie, ce qui condamne les marionnettes à être détruites par son créateur. Bien entendu, la métaphore sur la condition humaine est parfaitement claire, mais le cinéaste lui apporte une touche de poésie bienvenue. Avec son final émouvant, ce sketch est de loin la plus belle réussite de Caprice à l’italienne.
Malheureusement, la sauce retombe vite avec le sketch de Pino Zac et Franco Rossi qui mélange film d’animation et prises de vues réelles pour un résultat très court, mais totalement inconséquent et surtout jamais drôle. Il fallait donc tout le talent de Mario Monicelli pour compenser ce faux-pas. Avec La baby-sitter, il livre un sketch très court mais vraiment très drôle où la grande Silvana Mangano empêche des enfants de lire une bande dessinée au prétexte que cela est néfaste pour la santé mentale des bambins. Mais elle leur substitue un conte de Perrault qui s’avère bien plus traumatisant, faisant hurler de terreur les enfants à sa charge. C’est assurément bête et méchant, mais efficace car dans la lignée des sketchs vus dans les anthologies comme Les monstres (1963) ou Les nouveaux monstres (1977).
Une comédie bancale très rare en France
Marquée par une grande diversité d’approches et de styles, Caprice à l’italienne (1968) est donc une œuvre bancale qui réserve quelques bonnes surprises, mais sans aucun doute trop peu nombreuses pour être mémorable. Son échec public en Italie a condamné le long métrage à l’anonymat le plus total en France, malgré les noms prestigieux qui y sont attachés. Inédit dans les salles obscures, la comédie n’a été diffusée qu’une seule fois à la télévision sur FR3 en avril 1982 et vient agrémenter de nos jours la plateforme de streaming OCS. On ne compte toujours pas d’édition vidéo physique en France.
Critique de Virgile Dumez
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© 1968 Dino de Laurentiis Cinematografica. All Rights Reserved.
Biographies +
Franco Rossi, Pino Zac, Mario Monicelli, Pier Paolo Pasolini, Mauro Bolognini, Steno, Laura Betti, Totò, Silvana Mangano, Ninetto Davoli, Sandro Merli, Franco Franchi, Ciccio Ingrassia, Ira von Fürstenberg, Walter Chiari
Mots clés
Cinéma italien, Films à sketchs, Films sur le couple, Les marionnettes au cinéma