Caligula, la véritable histoire est un pur film d’exploitation, voyeur et sans limites, qui fit le bonheur pécunier de Joe d’Amato. L’un de ses meilleurs opus, certes, mais pas pour autant une œuvre de qualité.
L’apogée du distributeur Arts et Mélodie
Critique : Hasard des calendriers, Caligula, la véritable histoire succède à Creepshow pour le distributeur Arts et Mélodie, puisque ce dernier propose le film une semaine après la sortie du classique de George A. Romero et Stephen King. Bernard Dauman voyait sa société de distribution poursuivre une belle ascension estivale, en survendant le produit bis, fièrement accompagné de la mention en gros “Interdit aux moins de 18 ans”. Evil Dead toujours sous l’égide d’A.M. Films débarquera un mois et demi plus tard pour achever ce bel été de succès pour un distributeur alors en collaboration avec Metropolitan Film Export (Samuel Hadida) qui est présent sur l’affiche de Caligula, sous la mention “une sélection Metropolitan Film Export“.
L’omniprésence du péplum érotique en salle
Après le succès du controversé Caligula de Tinto Brass, le genre du péplum cochon a envahi les salles peu regardantes. Caligula, la véritable histoire, sort tout juste une semaine après Les aventures sexuelles de Néron et Poppée deuxième collaboration de Vincent Dawn, donc Bruno Mattei, et du Français Anthony Pass, après Caligula et Messaline (sorti en 1982), qui fera un peu mieux au box-office France, mais pas en cassette vidéo.
En effet, en mai-juin 1983, parallèlement à la sortie salle de Caligula, la véritable histoire, l’éditeur de vidéocassettes ultra culte Hollywood Vidéo paradait avec ce titre de gladiateur racoleur dont ils inséraient la bande-annonce entre Rambo et Evil Dead, deux forces de frappe pour l’indépendant.
Joe d’Amato, deux films en deux semaines au cinéma et des pseudos, beaucoup de pseudos
Caligula ‘la véritable histoire’ est un sacré succès vidéo en 1983, l’un des plus beaux pour son cinéaste, Aristide Massaccesi. Connu sous l’alias Joe d’Amato, ou pour ce long-ci, David Hills, le cinéaste est l’incarnation du faiseur de l’exploitation. Il est également le réalisateur d’Horrible, sorti en province une semaine auparavant, donc le 22 juin 1983, avec George Eastman dans le rôle d’un tueur fou increvable, lui-même scénariste sur Caligula ‘la véritable histoire’, sous le pseudo de Richard Franks.
Une véritable histoire qui n’en est pas une
En fait, au générique de Caligula, tout le monde bosse sous pseudo pour satisfaire les ambitions du producteur Alexander Susmann, donc Aristide Massaccesi qui se cache aussi sous le pseudo de Federico Slonisco pour la photographie, et de David Hills pour le scénario, même s’il n’en a pas écrit une ligne. Eastman avouera avoir livré l’histoire et le scénario, de façon alimentaire, sans avoir effectué la moindre recherche biographique pour coller à la réalité historique dont il se contrefichait. Et au vu du budget réduit, il ne pouvait nullement être question d’une biographie du sulfureux empereur.
Un Caligula pulpeux par David Cain Haughton dans les délices de la perversion
Dans cette débâcle scénaristique assurée (et forcément, quelque part assumée), le comédien britannique David Cain Haughton, connu sous le pseudo de David Brandon (Conqueror, Bloody Bird, Ator 2, Good Morning Babilonia des Taviani, Delirium et Per Sempre, tous deux réalisés par Lamberto Bava) trouve son premier grand rôle de cinéma, après une apparition dans le Jubilee de Derek Jarman. En monstre de décadence et de perversion, le pulpeux acteur a lui-même réécrit beaucoup de ses dialogues et a développé une gestuelle, entre le grotesque du personnage et la finesse ostentatoire, qui sied parfaitement à l’immonde potentat qui viole, torture, assassine, avant de succomber lui-même à ses cauchemars récurrents.
L’acteur est bon et apporte une contrepartie masculine sensuelle à la présence de Laura Gemser, éternelle Black Emanuelle, de nouveau magnifique dans un film qui lui ne l’est pas.
Un montage de 2h00 pour la version italienne non censurée insérant du porno
Les deux égéries du cinéma bis italien se sont tenus à l’écart des scènes hardcore tournés dans leur dos par ce coquin d’Aristide Massaccesi qui a de nouveau fait appel aux services de son ami, le regretté Mark Shannon, disparu en 2018, et vu dans de nombreux longs du cinéaste putassier, dont Porno Holocaust, Le sexe noir et La nuit érotique des morts vivants, disponible en France chez Le Chat qui fume, pour ajouter de la fougue à la scène d’orgie de 10 minutes qui accompagne le montage italien non censuré de 2h00, contre une durée approximative de 1h35 pour la version salle française ou américaine. Au passage, ce processus putassier n’apporte aucune qualité au film tant la musique pastorale plonge surtout l’œuvre dans un bis plus rigolo qu’excitant.
Caligula, la véritable histoire et sa litanie d’actes de barbarie
Film de tous les montages, avec des durées multiples en fonction des pays, de la censure appliquée localement et du format d’exploitation (cinéma, VHS, DVD, Blu-ray), Caligula, la véritable histoire, au-delà de sa poésie macabre, interroge quant à son contenu peu ragoûtant. Artisan du bis rarement exaltant, Aristide Massaccesi avait une étrange passion pour les mélanges des fluides et ce qui a pu fonctionner sur le nécrophile, gore et étrange Blue Holocaust, n’est pas forcément heureux sur Caligula, la véritable histoire où le manque de budget isole les acteurs dans des décors vides, sans trop de foule autour, ce qui forcément diminue l’ampleur du genre historique. Les actes de barbarie viennent donc habiller ponctuellement le script, dans une volonté outrancière de flatter le voyeurisme du spectateur qui n’en demandait pas autant (langue tranchée, homme empalé par une lance qui ressort par la poitrine, femme soulageant un cheval…). Ce trash sans raison n’apporte rien à un ensemble pâlot si ce n’est l’écœurement et une distance par rapport au contenu explicite.
Et pourtant l’un des meilleurs Joe d’Amato
Néanmoins, revu en blu-ray, en version italienne et en anglais, l’ensemble ne démérite pas totalement. Caligula “la véritable histoire”, malgré ses faiblesses de budget et narratives, voire son recours aux immondices, se tient dans ses ambitions et semble bien plus solide dans sa réalisation que la plupart des produits que l’auteur du vice sortait à raison d’au moins cinq par an, puisqu’il sévissait aussi dans le porno.
Quarante ans après avoir été réalisé, le scandaleux Caligula “la véritable histoire” n’a pas perdu de ses horreurs, mais ne peut être considéré comme le film du déshonneur pour Aristide Massaccesi que l’on préfèrera sûrement appeler Joe d’Amato pour tout ce que ce nom d’artiste a nourri chez les cinéphiles bisseux des années 70, 80 et 90.