Joy et Joan : la critique du film (1985)

Erotique | 1h24min
Note de la rédaction :
5/10
5
Joy et Joan, affiche du film de Jacques Saurel

  • Réalisateur : Jacques-René Saurel
  • Acteurs : Brigitte Lahaie, Isabelle Solar, Pierre Londiche
  • Date de sortie: 12 Juin 1985
  • Année de production : 1985
  • Nationalité : Français
  • Titre original : Joy & Joan
  • Titres alternatifs : Joy and Joan (International), Joy und Joan (Allemagne), Joy ve Joan (Turquie), Джой и Джоан (Russie), Joy kai Joan (Grèce)
  • Scénariste : Jean-Pierre Imbrohoris, d'après le roman de Joy Laurey (alias féminin de Jean-Pierre Imbrohoris)
  • Dialogues : Emma Geher
  • Directeur de la photographie : Dominique Brabant
  • Monteurs : Elisabeth Servouze, Santiago Thévenet, Eva Zora
  • Compositeur : François Valéry
  • Producteurs : Benjamin Simon, en association avec Eduardo Rossof
  • Sociétés de production ATC 3000, Films Meric
  • Distributeur : GEF
  • Editeur vidéo : René Chateau (VHS), LCJ (DVD), Severin (DVD, USA)
  • Date de sortie vidéo : 21 octobre 2004 (DVD, France), 27 juillet 2010 (DVD, USA)
  • Box-office : 99 945 entrées (Paris/périphérie)
  • Classification : Interdit aux moins de 18 ans à sa sortie
  • Format : 1.66 : 1 / Couleur (35mm) / Mono
  • Illustrateur / Création graphique : Affiche © Landi by Spadem, d'après une photo de Byron Newman - Création graphique VHS René Chateau. Tous droits réservés?
  • Crédits : ATC 3000
Note des spectateurs :

Déception commerciale à sa sortie, Joy et Joan est la suite bis, torride et langoureuse d’un succès de l’érotisme de 1983. Avec Brigitte Lahaie dans son premier grand rôle au cinéma après son arrêt du cinéma X.

Synopsis : Joy cherche à rejoindre son amant, le photographe Marc Charoux à Bagkok. Mais elle se retrouve avec Bruce qui la couvre de bijoux et l’offre à tous ses amis. Son seul salut est désormais de fuir cette prison dorée en compagnie de la belle esclave Millarca. Sur sa route, elle rencontre Joan, une exilée européenne dont elle tombe charnellement amoureuse…

La suite d’un succès du cinéma érotique

Critique :  Après le succès de Joy en 1983, distribué par UGC, qui a dépassé les 800 000 spectateurs il faut passer à la suite.

Le producteur Benjamin Simon (Si ma gueule vous plaitLa dérobadeLa France interditeUn été d’enfer) qui n’a pas froid aux yeux, remet de l’argent sur le tapis à une époque où le cinéma de genre est à l’agonie, en particulier le cinéma érotique qui ne fait plus recette. Emmanuelle 4 en relief, en 1984, fait presque figure d’exception.

Le public ne jure plus que par le porno en vidéo et même Canal + programme des films pornographiques en cryptés le samedi soir. Mais Benjamin Simon compte sur l’export, les nouvelles perspectives audiovisuelles, et notamment sur la VHS, pour gagner le gros lot.

Après Emmanuelle, Joy? Désir de franchise.

René Chateau, alors en couple avec Brigitte Lahaie, croit dans la perspective d’un Joy avec la star montante dans le rôle-titre. Il achète les droits pour les magnétoscopes une petite fortune.

Comme pour faire écho au succès des escapades coquines d’EmmanuelleJoy,  franchise littéraire, devient un diptyque cinématographique. Le roman de Joy Laurey -en fait Jean-Pierre Imbrohoris, scénariste du film, qui usurpait une identité féminine pour mieux émoustiller le public masculin et s’attirer les faveurs d’un public féminin complice- publié en 1982, devient réalité malgré les réticences de Brigitte Lahaie à qui l’on propose de remplacer Claudia Udy, repartie faire carrière proprement aux USA.

Brigitte Lahaie quitte le porno et devient actrice de cinéma

Brigitte Lahaie a courageusement arrêté la pornographie en 1980, avec Les petites écolières de Claude Mulot et envisage une carrière plus traditionnelle. Jean Rollin et Max Pecas la convient à des production de genre atypiques, et la jeune actrice tourne aussi en 1980 dans Erotica de Paul Raymond, petit succès VHS chez René Chateau en 1984 que l’éditeur exploite toujours des décennies plus tard en DVD.

Avec les perspectives de L’exécutrice de Michel Caputo et du Couteau sous la gorge, Brigitte Lahaie accepte finalement le pari d’une suite à Joy, avec la jeune Isabelle Soares, dite  Isabelle Solar, en guide touristique de charme dans une Thaïlande où l’héroïne, Joy, va se consoler de la perte de l’être aimé qui l’a quittée pour une autre.

Production cul, chic et choc

La production cul, chic et choc, propose de l’exotisme torride, et des perversions bourgeoises à l’autre bout de la planète. Doublé d’un film d’aventures cocasses, le fil conducteur est tout trouvé, celui d’une femme esclave, dont le corps est livré en pâture aux hommes, à la chaîne, lors de soirées de diplomates en Asie. La jeune femme s’enfuit, désespérée, et tombe sur Joan, une Occidentale aussi exilée de la tête que du corps ; c’est l’amour au premier regard.

Les errances saphiques fantasmées de l’homme

La bluette saphique est plus putassière que crédible, mais qu’importe, Joy aimera une femme… Et d’errances sensuelles, les deux personnages vont surtout se perdre dans un vide scénaristique caractérisé, avec quelques scènes Z humoristiques (un homme les traque jusqu’au bout du monde et se camoufle dans l’océan bleu tel un espion avec une crédibilité burlesque) pour bien marquer l’époque où l’on n’avait pas froid aux yeux.

Jacques-René Saurel, une erreur de casting à la réalisation?

Interrogée sur le réalisateur Jacques Saurel, donc Jacques-René Saurel, dont il s’agissait du second long métrage, Lahaie évoquera un cinéaste peu à l’aise avec l’érotisme qui souhaitait orienter davantage le film vers le drame. Elle lui reconnaît des qualités de réalisateur professionnel, mais affirme un homme gêné par le fait de tourner des scènes érotiques. Bref, Brigitte Lahaie n’aime pas le film, René Chateau non plus. Lui qui s’apprête à exploiter le film en VHS semble désapprouver les choix promotionnels de Benjamin Simon.

You Need Love de François Valéry

On soulignera pourtant de notre côté, de vrais efforts pour la mise en scène érotique d’une réelle beauté et une musique langoureuse et vagabonde de François Valéry qui distrait. Elle est d’ailleurs toujours disponible en téléchargement ou en streaming sur toutes les plateformes et ce depuis 2008. François Valéry qui avait mis en musique le premier Joy, comme Pierre Bachelet avait composé pour Emmanuelle ou Gwendoline, propose en 1985 un 33 tours complet et un 45 tours de You Need Love en sera issu, même si sa sortie restera confidentielle.

Joy et Joan est donc osé sans faire trembler la bienséance de 1985, plutôt bien mis en scène ; on en oublierait presque les affronts faits au bon sens narratif. Il patauge dans les aléas des productions exotiques que réalisaient les Français à l’époque. Pourtant l’argent est bien présent à l’écran, mais la rigueur scénaristique manque cruellement.

Sur un plan commercial, crise du cinéma oblige, le deuxième opus est une amère déception, à peine sauvé par son édition VHS chez René Chateau Vidéo. Joy & Joan fait le scandale à la télévision quelques années plus tard, avec une tentative de prime time sur la 5, et disparaît des esprits, avant une série télévisée de 6 téléfilms avec Zara Whites dans la peau de Joy en 1992.

Le scandale Joy et Joan à la télévision, sur La 5

Finalement Joy et Joan restera dans les annales du PAF avec le forcing de La 5, chaîne du magnat Robert Hersant, qui multiplie la dérégulations dans un joyeux chaos qui profitera aux téléspectateurs. En 1988, la chaîne privée rivalise d’idées pour créer le buzz, diffusant plus de films qu’elle n’a le droit d’en programmer, à des jours historiquement interdits où toute diffusion fait concurrence avec les écrans de cinéma fragilisés par la crise, pis, en diffusant des productions interdites aux moins de 18 ans pour violence ou érotisme.

Joy et Joan déprogrammé de la case 20h30

Le 28 juillet 1988, la chaîne est sommée par le Conseil d’état de déprogrammer Joy & Joan de la case surréaliste de 20h30 et de le programmer en deuxième partie de soirée. L’état menace de sanctionner les chaînes privées qui piétinent le cahier des charges. Dans ce contexte est créé le CSA –  le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel -, en octobre 1988, alors que La 5 persiste en diffusant en prime l’adaptation de L’amant de Lady Chatterley, de Just Jaeckin, avec Sylvia Kristel, en prime time un jeudi, à 20h43, pour une part de marché de 17%. Un mois plus tard La 5 recule et diffuse Tendres cousines de David Hamilton, un jeudi à 22h45. Elle ne renonce toutefois pas à la diffusion de films érotiques le jeudi.

Joy et Joan, avec Brigitte Lahaie, dossier sur le film de Jacques Saurel

Affiche de Joy et Joan © Landi by Spadem- Photo : Byron Newman – © VHS : René Chateau

Naissance du CSA et conséquence sur toute la filière

Début juillet 1989, le CSA communique auprès des chaînes de télévision non cryptées. Elles n’auront plus le droit de diffuser de films interdits aux moins de 13 et 18 ans avant 22h30, ce qui crée une polémique, les producteurs et l’ARP évoquant une censure économique.

Box-office :

Poursuivons le travail d’archives autour du film de Jacques Saurel avec les chiffres du box-office parisien.

Le 12 juin 1985, la qualité n’est pas vraiment dans les salles. L’approche de l’été laisse les cinémas vides et l’on commence à ressortir les succès d’hier (Apocalypse Now, La Cage aux folles, Flic ou voyou, Le Roi et l’oiseau) sur de grosses combinaisons.

Joy et Joan est programmé pour la première Fête du Cinéma

Pour redonner un coup de fouet à la fréquentation, la Fédération Nationale des Cinémas de France et le Ministère de la Culture organise la toute première Fête du cinéma qui est un triomphe. Elle tombe le vendredi 14 juin. Une journée d’écrans pris d’assaut par  la jeunesse de France qui profite de ce moment festif, mais qui, pour la plupart n’ont ni l’âge ni l’envie de voir Joy et Joan, destiné à un public de vieux messieurs.

Le mouvement profite aux continuations (La Rose pourpre du Caire, Witness, Mask, Le baiser de la femme araignée, Birdy, Terminator, mais aussi aux nouveautés de la semaine. La plus grosse étant Portés disparus de la Cannon Inc, avec Chuck Norris. La série B de guerre dépasse les 100 000 entrées Paris-Périphérie en première semaine, et finit 3e en France.

Une grosse combinaison dans les cinémas parisiens

Joy et Joan est la deuxième plus grosse sortie du mercredi 12 juin avec 29 cinémas sur Paris-Périphérie. Une combinaison conséquente pour cette production interdite aux moins de 18 ans qui compte éventuellement sur la Fête pour consolider ses résultats. Après tout, cette année-là, même quelques cinémas classés X avaient officiellement rejoint la célébration. La promo bat son plein pour Brigitte Lahaie, très sollicitée pour des interviews. Les affiches pantalons inondent la capitale.

Plus fort que Phenomena de Dario Argento

Les autres nouveautés sont Phenomena de Dario Argento (17 cinémas), Le consul honoraire avec Richard Gere, proposé par UGC dans 13 cinémas parisiens, l’ersatz de Police Academy avec Rae Dawn Chong, Patrouille de nuit (12 écrans), le sous Rambo folk Destructor (11 écrans)…

12 semaines à l’affiche à Paris

Pour son premier jour sur P-P, Joy et Joan réalise pas moins de 6 607 spectateurs. Un score un peu juste, mais avec la Fête, le film aboutit en 4e place avec 40 922 spectateurs. Phenomena est loin derrière avec seulement 27 853 spectateurs. Les producteurs de Joy et Joan espéraient beaucoup plus, mais envisagent alors un coefficient Paris-Province plus élevé. Mais contrairement au premier Joy où la province avait en effet fait un triomphe du film, Joy et Joan ne bénéficiera pas du même intérêt des provinciaux qui seront trois fois moins présents.

Néanmoins, à Paris, Joy et Joan parviendra à doubler ses chiffres, avec quasiment 100 000 entrées, à 500 tickets près. Le pari de René Chateau reste 12 semaines à l’affiche, c’est-à-dire tout l’été, avec notamment une présence symbolique sur les Champs Elysées, au George V.

Où voir Joy et Joan sur Paris?

Sur Paris intra-muros, en première semaine, Joy et Joan compte 13 écrans. Un seul sous les 1 000 spectateurs, en l’occurrence les 3 Secrétans, à Jaurès, qui est un petit cinéma de quartier. Ailleurs, au George V, Marignan Pathé, Clichy Pathé, Quintette Pathé, Français Pathé, La Bastille, le Gaumont Gambetta, le Forum Cinémas, le St Lazare Pasquier, la Maxéville et le Fauvette, les comptes sont bons. C’est évidemment au Montparnasse Pathé qu’il percute le plus avec 5 265 spectateurs (14e meilleurs chiffres pour une salle parisienne cette semaine-là).

Une concurrence frontale : Les jours et les nuits de China Blue

En 2e semaine, Joy et Joan chute à 23 266 spectateurs. La chute amorcée se retrouve dans les salles le diffusant, 6 ont été perdues en banlieue et les 3 Secrétans ont eu besoin de faire de la place en intra-muros. Six cinémas sur la capitale même sont sous les 1 000 spectateurs. D’autres films érotiques sont entrés en concurrence directe, notamment Les jours et les nuits de China Blue (Kathleen Turner) ou Chaleur Rouge (Linda Blair, Sylvia Kristel).

La 3e semaine est assassine avec 10 598 entrées dans 12 salles, soit une perte sèche de 10 cinémas. Huit cinémas en intra-muros proposent encore le film et 5 sont au-dessus des 1 000 spectateurs.

Un été chaud dans une poignée de salles

En quatrième semaine, Joy et Joan  est encore présent au George V, Clichy Pathé, Montparnasse Pathé, Français Pathé et Maxéville, et deux cinémas de banlieue pour 6 850 curieux. Le film dépasse les 81 626 amateurs de photos glacées.

Pour son 5e round, la production érotique française chauffe encore quatre salles sur Paris et trouve 4 556 amateurs de spectacles surannés.

En 6e semaine, il lui faut compter sur le support de deux écrans, le George V et la Maxéville pour 2 408 spectateurs. Nous vous ferons l’économie des 6 semaines à suivre, mais signalons qu’une copie voyagera au cinéma Les Arcades sur les Grands Boulevards, à la Bergère et au Ritz.

Frédéric Mignard

Sorties de la semaine du 12 juin 1985

Joy et Joan, affiche du film de Jacques Saurel

Affiche de Joy et Joan © Landi by Spadem- Photo : Byron Newman

Biographies +

 Jacques-René Saurel, Brigitte Lahaie, Isabelle Solar, Pierre Londiche

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