Triple Cross (La fantastique histoire vraie d’Eddie Chapman) : la critique du film (1966)

Espionnage, Guerre, Biopic, Historique | 2h20min
Note de la rédaction :
6,5/10
6,5
Affiche de Triple Cross

  • Réalisateur : Terence Young
  • Acteurs : Romy Schneider, Claudine Auger, Bernard Fresson, Christopher Plummer, Trevor Howard, Yul Brynner, Jess Hahn, Gert Fröbe, Howard Vernon, Jacques Harden, Charles Millot
  • Date de sortie: 09 Déc 1966
  • Nationalité : Britannique, Français, Allemand
  • Titre original : Triple Cross
  • Titres alternatifs : Triple Cross ou le triple jeu d’Eddie Chapman (titre alternatif français) / Terence Young's Triple Cross (titre complet USA) / Terence Young's Spion zwischen zwei Fronten (Allemagne) / Triple Cross - La verdadera historia de Eddie Chapman (Espagne) / O Maior Espião da História (Portugal) / Agent o dwóch twarzach (Pologne) / Triple traición (Mexique) / Agli ordini del fuhrer e al servizio di sua maestà (Italie) / Espionagem Internacional (Brésil)
  • Année de production : 1966
  • Scénariste(s) : René Hardy d'après le livre de Frank Owen The Eddie Chapman Story
  • Directeur de la photographie : Henri Alekan
  • Compositeur : Georges Garvarentz
  • Société(s) de production : Cineurop
  • Distributeur (1ère sortie) : Cedic - CFDC
  • Distributeur (reprise) : -
  • Date de reprise : -
  • Éditeur(s) vidéo : VIP (VHS, 1978, 1979) / Fil à Film (VHS) / Opening (DVD, 2003) / LCJ Éditions (DVD, 2011) / ESC Éditions (combo DVD / Blu-ray, 2021)
  • Date de sortie vidéo : 3 février 2021 (DVD / Blu-ray)
  • Box-office France / Paris-périphérie : 1 718 823 entrées / 443 012 entrées
  • Box-office nord-américain : -
  • Budget : -
  • Rentabilité : -
  • Classification : Tous publics
  • Formats : 1.66 : 1 / Couleurs / Son : Mono
  • Festivals et récompenses : -
  • Illustrateur / Création graphique : René Ferracci (affiche 1966)
  • Crédits : Cineurop
Note des spectateurs :

Basé sur un fait historique assez fou, Triple Cross ou La fantastique histoire vraie d’Eddie Chapman est un biopic d’espionnage inégal, mais finalement sympathique grâce à un humour cynique et des acteurs au meilleur de leur forme.

Synopsis : Le cambrioleur Eddie Chapman est arrêté à Jersey par la police anglaise et jeté en prison. Quelques années plus tard, la guerre éclate et l’armée allemande envahit l’île. Décidé à sortir de prison, il propose ses services à l’Occupant et devient agent des services secrets allemands. Parachuté en Angleterre, il prend contact avec les services secrets britanniques. C’est le début de la formidable odyssée d’Eddie Chapman…

Une incroyable histoire vraie

Critique : Devenu un réalisateur très prisé depuis le triomphe de ses trois James Bond, à savoir James Bond contre Dr. No (1962), Bons baisers de Russie (1963) et Opération Tonnerre (1965), Terence Young a continué à tourner des productions européennes d’envergure comme Les aventures amoureuses de Moll Flanders (1965) ou encore ce Triple Cross sorti sous différents titres en France, dont le plus répandu est La fantastique histoire vraie d’Eddie Chapman (1966). Cette imposante coproduction entre l’Angleterre, la France et l’Allemagne s’inspire très librement des mémoires d’Eddie Chapman rédigées par Frank Owen et intitulées The Story of Eddie Chapman.

Triple Cross, jaquette blu-ray

© 1966 Cineurop / © 2021 ESC Editions. Tous droits réservés.

En guise de rappel, le célèbre espion britannique Eddie Chapman (1914-1997) a d’abord officié dans les années 30 comme perceur de coffres. Après avoir été arrêté et emprisonné sur les îles anglo-normandes, le cambrioleur s’est mis au service de l’occupant allemand, tout en vendant ses services à l’Empire britannique. Eddie Chapman est donc l’exemple type de l’agent double qui a profité de la situation pour s’enrichir, tout en contribuant à la défaite allemande. Passionné par ce destin hors norme, Terence Young – qui aurait rencontré Chapman dans les années 30 selon certaines sources non vérifiables – se livre ici à la description attentive des manœuvres habiles d’un homme uniquement intéressé par sa propre personne.

Un espion à la James Bond, mais bien plus cynique

Si le personnage s’avère bien plus cynique que James Bond, on retrouve tout de même quelques caractéristiques de 007 qui ont simplement trait à la personnalité du réalisateur. Ainsi, Terence Young a apporté à cet antihéros un goût immodéré pour les belles femmes, mais aussi pour les belles choses. Jamais le dernier pour savourer un bon repas ou admirer des objets de grande valeur, le héros joué avec beaucoup de second degré par l’excellent Christopher Plummer est donc un gentleman cambrioleur qui possède un certain panache, tout en pratiquant un cynisme qui peut le rendre légèrement irritant. Il faut donc au spectateur un petit temps d’adaptation avant de cerner ce personnage à multiples facettes, mais que l’on peut décrire comme un jouisseur opportuniste plongé dans une époque qui en fait une sorte de héros involontaire.

Loin d’être un panégyrique du vrai Eddie Chapman, Triple Cross prend son temps pour montrer les différentes volte-face du bonhomme, capable de risquer sa vie pour servir la Grande-Bretagne, tout en concevant une véritable amitié avec le baron van Grunen (magnifique Yul Brynner qui donne toute sa dignité au protagoniste), nazi qui sera compromis dans la tentative d’assassinat d’Hitler. On notera d’ailleurs que le film opère une dramatisation supplémentaire en évoquant la tragique disparition de van Grunen qui a pourtant survécu à la guerre et est resté ami avec Chapman jusqu’à sa mort.

Triple Cross : superproduction européenne tournée en France

Tourné en France à Villarceaux et dans le Vexin normand, La fantastique histoire vraie d’Eddie Chapman bénéficie de décors somptueux et variés, mais aussi d’un vaste casting international dont on peut retenir les noms de Romy Schneider – qui écope du seul vrai personnage féminin développé – ou encore Gert Fröbe. Ils participent pleinement au plaisir ressenti durant la projection de ce biopic qui pâtit d’un script enchaînant les événements de manière un peu trop mécanique.

Ainsi, au lieu de donner le sentiment d’assister à une œuvre cohérente, le film fonctionne davantage sous forme d’épisodes mis bout à bout. On assiste d’abord aux exactions du cambrioleur, puis vient la partie en prison, pour ensuite nous conduire dans la France occupée. À partir de là, le cinéaste nous convie à l’entrainement du futur espion, puis sa première mission qui le conduit au Royaume-Uni où il se rallie aux Britanniques en menant son double jeu. Cette longue présentation est parfois mal agencée et parasitée par des épisodes plus humoristiques qui cassent le rythme d’ensemble. Heureusement, après cette première heure perfectible, Triple Cross trouve enfin son rythme de croisière et parvient à emballer lors de sa deuxième partie voyant les stratagèmes de l’espion aboutir.

Une réalisation trop routinière

Finalement, il manque sans doute à Triple Cross une réalisation vraiment inspirée, puisque Terence Young est un cinéaste très classique qui ne prend que très peu de risques sur le plan formel. Si l’on apprécie ses notations humoristiques, elles ont tendance à accentuer l’aspect absurde de cette histoire pourtant bien véridique, mais qui apparaît comme outrageusement romancée.

Sorti la même semaine que La grande vadrouille (Oury), qui déclenche un raz-de-marée dans les salles françaises, La fantastique histoire vraie d’Eddie Chapman se positionne à la deuxième place du box-office parisien avec 48 696 spectateurs avides de sensations fortes. Même punition en deuxième, avant que la chute n’intervienne en troisième semaine. Grâce aux fêtes de Noël, Triple Cross se maintient plutôt bien en quatrième semaine et continuera à attirer des spectateurs au mois de janvier avant de terminer sa carrière parisienne avec 443 012 fans.

Un succès sur la durée dans l’Hexagone

À l’échelle de la France entière, Triple Cross a commencé sa carrière doucement pour gagner en puissance au fil des semaines et monter jusqu’à la quatrième marche du podium en troisième semaine, soit au moment des vacances de Noël. Contrairement à Paris, la carrière du film s’est étalée sur de nombreux mois, connaissant parfois des rebonds dans son exploitation comme lors de la semaine du 28 février 1967 qui voit le long-métrage remonter à la quatrième place du classement français. Porté par une stratégie de distribution payante, le biopic d’espionnage est encore présent sur les écrans jusqu’à la fin avril 1967 en cumulant 1 718 823 spectateurs sur l’ensemble de l’Hexagone.

Constamment réédité en vidéo, Triple Cross a récemment fait l’objet d’un combo DVD / Blu-ray édité par ESC Éditions. L’occasion parfaite pour redécouvrir ce sympathique, bien qu’inégal, film d’espionnage.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 7 décembre 1966

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Affiche de Triple Cross

© 1966 Cineurop / Affiche : René Ferracci. Tous droits réservés.

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