Silence : la critique du film japonais (2019)

Drame, Historique | 2h09min
Note de la rédaction :
8,5/10
8,5
Silence de Masahiro Shinoda, affiche (2019)

  • Réalisateur : Masahiro Shinoda
  • Acteurs : Mako, Tetsurō Tanba, Yoshi Katô, Eiji Okada, David Lampson, Don Kenny, Shima Iwashita
  • Date de sortie: 19 Juin 2019
  • Nationalité : Japonais
  • Titre original : Chinmoku
  • Titres alternatifs : Silêncio (Portugal) / Milczenie (Pologne)
  • Année de production : 1971
  • Autres acteurs : Noboru Matsuhashi, Rokkō Toura, Yūsuke Takita, Yoshiko Mita, Taiji Tonoyama, Yasunori Irikawa
  • Scénaristes : Shūsaku Endō, Masahiro Shinoda
  • D'après le roman éponyme de Shūsaku Endō
  • Monteur : Shikako Takahashi
  • Directeur de la photographie : Kazuo Miyagawa
  • Compositeur : Tōru Takemitsu
  • Chefs maquilleurs : Yoshiko Takahashi, Kôji Takemura
  • Chef décorateur : Dai Arakawa
  • Directeurs artistiques : Kiyoshi Awazu, Tadao Uesato
  • Producteurs : Kiyoshi Iwashita, Kinshirô Kuzui, Tadasuke Ômura
  • Producteurs exécutifs : -
  • Société de production : Tōhō
  • Distributeur : Carlotta Films
  • Distributeur reprise :
  • Date de sortie reprise :
  • Editeur vidéo : Carlotta Films (DVD et blu-ray, 2021)
  • Date de sortie vidéo : 24 mars 2021
  • Budget : -
  • Box-office France / Paris-Périphérie : 1 592 entrées
  • Box-office nord-américain / monde : -
  • Classification : Tous publics avec avertissement : « Certaines scènes risquent de heurter un jeune public »
  • Formats : 1.33 : 1 / Couleur / Son : Mono
  • Festivals : Festival de Cannes 1972 : en sélection officielle
  • Nominations : Mainichi Film Concours 1972 : 4 nominations
  • Récompenses : Mainichi Film Concours 1972 : 4 récompenses pour le Meilleur film, Meilleur réalisateur, Meilleure musique et Meilleur son
  • Illustrateur/Création graphique : © Dark Star l'étoile graphique.Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : © 1971 Toho CO., LTD. All Rights Reserved. Tous droits réservés.
  • Attachées de presse : Mathilde Gibault, Elise Borgobello
  • Tagline : La 1ère adaptation au cinéma d'un classique de la littérature japonaise.
  • Franchise : Première version de Silence, avant celle réalisée par Martin Scorsese en 2016
Note des spectateurs :

Première adaptation d’un roman japonais culte avant celle de Martin Scorsese, Silence est un drame historique puissant, porté par des images magnifiques et une thématique profonde et bouleversante. Un complément indispensable au chef d’œuvre de Scorsese.

Synopsis : Au XVIIe siècle, deux prêtres jésuites, le père Rodrigo et le père Garrpe, débarquent sur les côtes japonaises. Dans ce pays où la religion chrétienne est interdite et ses fidèles persécutés, les deux missionnaires sont accueillis avec enthousiasme par les croyants, obligés de se cacher pour pratiquer leur foi. Le but des deux Occidentaux est d’aider à réimplanter le christianisme dans le pays, mais également de découvrir la vérité sur leur mentor, le père Ferreira, mystérieusement disparu après sa capture par les autorités cinq ans plus tôt…

La première version cinéma d’un roman célébré au Japon

Critique : Bien des décennies avant la version magnifique réalisée par le grand Martin Scorsese, le roman Silence a déjà fait l’objet d’une adaptation cinéma au Japon en 1971. Effectivement, l’écrivain Shûsaku Endô a obtenu un énorme succès de librairie avec ce roman paru en 1966. Il a même reçu le prix Tanizaki qui est l’équivalent du Goncourt pour les Nippons. Face à un tel plébiscite, l’écrivain a été appelé pour retranscrire son roman historique au cinéma via la rédaction d’un scénario qui sera ensuite supervisé et modifié par le cinéaste Masahiro Shinoda. Signalons que l’écrivain a déclaré publiquement être en désaccord avec la fin du film, largement modifiée par le réalisateur, sans prévenir l’auteur.

Produit par la firme Tōhō, Silence (1971) a ainsi été confié au cinéaste d’avant-garde Masahiro Shinoda, plutôt connu pour ses œuvres issues de la Nouvelle vague japonaise du début des années 60, à l’instar de gens comme Nagisa Oshima. Il est donc plutôt étonnant de retrouver à la tête d’un classique jidai-geki (en gros un drame historique) un homme aussi peu conformiste que Masahiro Shinoda. En fait, le long-métrage est assez représentatif de l’évolution stylistique d’un cinéaste qui a dérivé vers un certain classicisme dans la deuxième partie de sa carrière.

Silence suit le martyr des catholiques au Japon

Toutefois, Silence est loin d’être aussi classique qu’il paraît puisqu’il s’attache à suivre les pas de missionnaires chrétiens venus évangéliser le peuple japonais. Ainsi, l’écrivain Shûsaku Endô en profitait pour évoquer une période historique compliquée pour les catholiques qui ont été persécutés. Lui-même profondément croyant, l’auteur a voulu ainsi témoigner du martyr des chrétiens qui ont été pourchassés durant le XVIIème siècle à la suite d’une loi particulièrement répressive. Dès lors, le spectateur est invité à suivre les pérégrinations de deux missionnaires qui tentent d’évangéliser des villages en secret.

Interprétés par deux occidentaux (David Lampson, acteur britannique au physique très christique et Don Kenny, un militaire américain basé au Japon), les personnages jurent au cœur d’un casting entièrement japonais, ce qui renforce l’incongruité de leur présence sur une terre si éloignée de la leur. Les autres protagonistes sont incarnés par des pointures du cinéma local comme Mako, Tetsurô Tanba ou encore la bouleversante Shima Iwashita, par ailleurs épouse du cinéaste.

Face au Silence assourdissant de Dieu

Réalisé avec une grande austérité par un réalisateur qui fut autrefois un assistant de Yasujirō Ozu, Silence n’a rien d’une grande fresque historique populaire. Comme plus tard le Silence de Martin Scorsese, il est avant tout question ici de foi et d’une profonde interrogation religieuse. Ainsi, les protagonistes chrétiens doivent endurer les pires tortures afin d’éprouver leur foi qu’ils refusent d’apostasier. L’intégralité de la deuxième heure consiste à savoir si les prêtres réussiront à ne pas renier leur fidélité envers l’Eglise. Mais l’interrogation majeure des auteurs vient de la persistance de la foi chez ces êtres confrontés au silence assourdissant de Dieu. Alors qu’ils souffrent mille martyrs, leurs prières semblent rester vaines et se fracassent sur le mur de l’indifférence divine.

De là naît l’extrême souffrance qui se dégage du long-métrage. Effectivement, au lieu d’apporter la paix et l’amour de Dieu, les prêtres missionnaires charrient avec eux la souffrance et le sang versé. De quoi légitimement s’interroger sur le sens de leur mission. Toutes ces questions sont posées avec un grand sens de la nuance au cœur d’une œuvre rigoureusement maîtrisée sur le plan formel.

Un bijou présenté en sélection officielle à Cannes en 1972

Porté par de magnifiques images filmées au cœur de la nature sauvage, Silence bénéficie également de la très belle partition musicale du maestro Tōru Takemitsu. Celui-ci propose un thème d’une douceur absolue qu’il zèbre de temps à autre d’accords dissonants qui viennent souligner le caractère doloriste de l’intrigue développée.

Présenté en sélection officielle au Festival de Cannes en 1972, Silence est reparti bredouille malgré d’évidentes qualités cinématographiques. Cette année-là, le jury mené par le grand Joseph Losey a préféré récompenser un cinéma plus directement engagé avec une Palme d’or ex-aequo pour La classe ouvrière va au paradis d’Elio Petri et L’Affaire Mattei de Francesco Rosi. De son côté, Solaris (Andrei Tarkovski) décrochait le Grand Prix Spécial du Jury. Quelle année !

Comme tant de bijoux japonais, Silence n’a donc pas eu le droit à une sortie en salles en France dans les années 70 et il a fallu attendre la version américaine de Martin Scorsese pour que les cinéphiles de Carlotta Films exhument le long de Masahiro Shinoda. Ils ont ainsi sorti le film pour la première fois en salles au mois de juin 2019, avant d’éditer le tout en DVD et blu-ray en 2021 dans une copie magnifique. Il était effectivement temps de redécouvrir ce très beau film, rigoureux et exigeant, mais ô combien passionnant.

Critique de Virgile Dumez

Les sorties de la semaine du 19 juin 2019

Acheter le film en blu-ray

Silence de Masahiro Shinoda, affiche (2019)

Graphisme : Dark Star l’étoile graphique / Silence © 1971 Toho CO., LTD. Tous droits réservés.

Biographies +

Masahiro Shinoda, Mako, Tetsurō Tanba, Yoshi Katô, Eiji Okada, David Lampson, Don Kenny, Shima Iwashita

Mots clés

Cinéma japonais, Film sur la religion, Drame historique

Trailers & Vidéos

trailers
x
Silence de Masahiro Shinoda, affiche (2019)

Bande annonce de Silence (VOstf)

Drame, Historique

x