Photos : © Kerry Brown
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Martin Scorsese, né en 1942, est un réalisateur new-yorkais d’origine sicilienne qui s’est imposé dans les années 70 comme le fer de lance d’un cinéma américain furieusement urbain qui respire sa cinéphilie. Il démarre une carrière de cinquante ans imprégnée par sa passion pour sa ville, le quartier de Little Italy, sa culture catholique, et son ADN italo-américain.
Avec des thèmes récurrents comme la quête de la rédemption, son œuvre tourne souvent autour de la mafia italienne à New York, et de ce fait succède à Francis Ford Coppola dans l’intérêt des critiques. Quand le réalisateur du Parrain déclinait et faisait faillite au début des années 80, Scorsese, malgré l’échec impitoyable de La valse des pantins, en 1982, devient le surdoué de la réalisation qui s’arroge toutes les récompenses. A l’instar de Coppola, il sera palmé avec Taxi Driver, en 1976. C’est d’ailleurs ce chef-d’œuvre de violence psychologique, avec Robert De Niro et Jodie Foster, qui le consacre. Le film attire plus de 2 697 000 spectateurs en France, tissant des liens étroits entre le cinéaste et l’Hexagone qu’il aime pour son amour réciproque du 7e Art.
S’il commence sa carrière en 1967 avec le méconnu Who’s that knocking at my door, avec le débutant Harvey Keitel, qui sera suivi en 1972 de Bertha Boxcar, avec David Carradine et Barbara Hershey, c’est Mean Streets qui suscite le plus d’intérêt au début de sa carrière, avec une première à la Quinzaine des Réalisateurs, à Cannes, en 1974. Le film culte lui permet de confronter Robert De Niro à Harvey Keitel.
En 1975 Alice n’est plus ici, film à la gloire d’Ellen Burstyn qui décroche l’Oscar de la meilleure actrice, est acclamé par la critique et remporte de très nombreux prix (BAFTA, Golden Globes), mais demeure l’une de ses œuvres les moins connues.
Après le triomphe de Taxi Driver, qui le consacre, Martin Scorsese propose un musical dans le New York des années 40 : New York, New York, avec De Niro et Liza Minnelli. L’échec du film est total, faisant plonger un peu plus l’auteur dans la dépression et une période sombre caractérisée par une addiction à la cocaïne qui le conduira à l’hôpital, en 1978.
En 1980, Raging Bull, avec Robert De Niro, sur un scénario de Paul Schrader, est un échec commercial, mais ce biopic sur le boxeur Jake LaMotta, est l’un de ses meilleurs films, et démontre une symbiose totale avec De Niro dont il dira qu’il lui a sauvé la vie. De Niro remportera l’Oscar du meilleur acteur pour cette œuvre monumentale quand Raging Bull est nommé pour le meilleur film et le meilleure réalisateur. En France, le film ne sera vu à sa sortie que par 449 000 spectateurs, ce qui est moins que les 581 000 entrées de New York New York.
On passera vite sur La Valse des pantins, échec monumental au box-office américain pour son auteur. Il s’agissait du premier rôle dramatique de Jerry Lewis qui, devenu paria aux USA, finit sa carrière parallèlement dans des comédies Z en France. Le film s’abîme à 193 000 spectateurs sur notre territoire, mais se construira une belle réputation d’œuvre maudite culte à travers le temps.
© Guy Peelleart
En 1986, Scorsese diversifie son offre cinématographique. Il propose After Hours, une comédie urbaine avec Griffin Dunne et Rosanna Arquette qui dépasse le million d’entrées en France et permet à l’auteur d’oublier l’échec cinglant de La valse des pantins. Présenté à Cannes, le divertissement léger permet surtout au cinéaste d’oublier les ennuis de production de La dernière tentation du Christ, projet qui lui tient à cœur depuis plusieurs années, mais qu’il n’arrive pas à monter en raison des ligues conservatrices, largement hostiles au projet de l’adaptation de l’auteur suédois Kazanzaki (1951). Il lui faudra attendre deux ans pour qu’il puisse aller jusqu’au bout de ce biopic religieux qui provoquera de telles polémiques qu’un cinéma sera brûlé en France, au Quartier latin, engendrant pas moins de 14 blessés. Sa vision plus positive de Judas, devenu apôtre avisé plus que traître sanguinaire, bouleverse l’Eglise catholique. Le scandale de l’année 1988 provoque un buzz considérable, mais curieusement, de par son caractère aride, ne parvient pas à dépasser les 350 000 spectateurs.
Entre temps, en 1987, Martin Scorsese réalise le divertissant La couleur de l’argent, film de vieux routard en quête de jeunesse, totalement bankable grâce au choix judicieux d’un jeune acteur à la mode. Cette suite de L’arnaqueur, avec l’étoile montante Tom Cruise, et la vieille garde, Paul Newman, est un nouveau succès au box-office, avec 1 167 000 entrées. C’est le troisième film de Scorsese à dépasser le million de tickets en France.
Après la polémique de La dernière tentation du Christ, Martin Scorsese réalise l’une de ses œuvres les plus marquantes en 1990, le chef-d’œuvre Les affranchis, film monumental avec De Niro, Ray Liotta et Joe Pesci, qui redéfinit son cinéma. Le film long de près de 2h30 permet à Scorsese d’être de nouveau nommé aux Oscars en qualité de réalisateur. Le succès au box-office est palpable. Ce film de gangster ultime, d’une grande violence, réalise près d’un million d’entrées en France.
En 1991, Scorsese se fait plaisir en réalisant le remake de Cape Fear (1962), thriller domestique puissant qui use et abuse de tout le talent de Scorsese pour installer un climat d’angoisse palpable. Les Nerfs à vif avec Robert De Niro, Nick Nolte, Jessica Lange, Juliette Lewis, Robert Mitchum et Gregory Peck, est probablement l’un des succès les plus faciles du cinéaste, qui parvient à s’affranchir de 1 376 000 tickets en France. Facile, certes, mais diablement efficace.
En 1993, Scorsese s’essaie au film en costume avec Le temps de l’innocence, une œuvre à Oscar adaptée du Prix Pullitzer d’Edith Wharton. Les critiques sont bonnes, mais ce n’est pas forcément là où l’on attend Scorsese. Daniel Day-Lewis, Michelle Pfeiffer et Winona Ryder insufflent un peu de vie à cette œuvre académique froide. Le succès n’est pas vraiment au rendez-vous, avec seulement 560 000 spectateurs en France et une déconvenue aux USA.
Avec Casino, en 1996, Scorsese revient aux affaires. Ce nouveau film de gangsters ultra violent est un triomphe au box-office, avec plus de 1 650 000 entrées en France, et un beau casting de stars : on retrouve De Niro, pour sa huitième collaboration, avec Scorsese, Sharon Stone, Joe Pesci, James Woods… Sharon Stone sera nommée à l’Oscar pour la meilleure actrice. C’est l’un des sommets de sa carrière.
Après ce retour en forme, Scorsese, homme spirituel devant l’éternel, tourne Kundun sur le dalaï-lama à travers différentes époques. Ce projet à part, intrinsèquement académique, est surtout dédié à la mère de la réalisatrice. Le film qui se déroule au Tibet vaut notamment pour la musique de Philip Glass ; l’opposition des autorités chinoises est vive à l’égard de ce film qui réalisera tout de même 530 000 entrées en France.
Silence – Copyrights Metropolitan FilmExport
En 2000, nouveau changement de genre pour Martin Scorsese qui tourne une œuvre sombre aux portes de la folie. A tombeau ouvert démontre un peu plus son éclectisme et son talent incroyable. Sur un scénario de Paul Schrader, le film met en scène Nicolas Cage en ambulancier habité par son rôle qui côtoie les morts. Ce film nocturne et ténébreux dérange. Il réalise 639 000 entrées en France, ce qui peut paraître beaucoup au vu du caractère dément du film.
2002. Martin Scorsese tourne une nouvelle page d’histoire dans sa carrière désormais trentenaire, en collaborant pour la première fois avec Leonardo DiCaprio, avec lequel il s’engagera sur cinq films dans les années 2000-2010 : Gangs of New York, un triomphe en 2002, le biopic ronflant Aviator, en 2004, le remake d’Infernal Affairs, un film hongkongais, Les infiltrés, qui vaut enfin à Scorsese son premier Oscar en 2007, le thriller schizophrène Shutter Island en 2010, et Le loup de Wall Street, en 2013, le plus gros succès de toute la carrière de Scorsese, avec plus de 116 millions de dollars aux USA et un score incroyable de 3 millions de spectateurs en France (Shutter Island réalisera également ce joli coup au box-office national). C’est une période faste pour Martin Scorsese, auteur canonisé, intouchable, et adulé. Seule ombre au tableau, le film pour enfants Hugo Cabret, qui, certes, décroche de nombreuses nominations aux Oscars, dont celle du meilleur film, mais déçoit au box-office. Il réalise en France 1 340 000 entrées en période de Noël, n’exploitant pas tout son potentiel d’œuvre de fin d’année.
En 2016, Martin Scorsese réalise son œuvre la plus mature, le magnifique Silence, un chef d’œuvre de spiritualité qui, de par sa durée de 3 heures et son sujet religieux, sur fond de tortures violentes, éconduit le grand public. Scorsese qui dirige Andrew Garfield, Liam Neeson et Adam Driver, est encore oublié par l’académie des Oscars qui ne retiendra qu’une nomination pour la meilleure photographie. Sic.
© Netflix
En 2019, Scorsese réalise The Irishman, le film le plus long de sa carrière, une œuvre de gangsters de 3h30, biopic mafieux sur Frank Sheeran, tueur à gages connu pour avoir assassiné Jimmy Hoffa. Cette œuvre d’un budget de 159 000 000 $ connaît une sortie exclusive sur la plateforme de SVOD Netflix qui lui refuse une sortie en salle en France. Pas forcément très passionnante, cette chronique en forme de flashback est surtout l’occasion pour le cinéaste de retrouver Robert De Niro, Harvey Keitel et Joe Pesci, et de voir Scorsese diriger pour la première fois de sa carrière Al Pacino. Le grand écran ne ratera rien.
LIRE NOTRE DOSSIER SUR THE IRISHMAN
Passionné de musique, Martin Scorsese a par ailleurs tourné de nombreux documentaires musicaux et filmer des concerts. Il est aussi impliqué dans la conservation et la restauration d’œuvres du patrimoine mondial, notamment polonaises.
Scorsese est le dernier géant du cinéma américain.
1967 : Who’s That Knocking at My Door
1972 : Bertha Boxcar (Boxcar Bertha)
1973 : Mean Streets
1974 : Alice n’est plus ici (Alice Doesn’t Live Here Anymore)
1976 : Taxi Driver
1977 : New York, New York
1980 : Raging Bull
1983 : La Valse des pantins (The King of Comedy)
1985 : After Hours
1986 : La Couleur de l’argent (The Color of Money)
1988 : La Dernière Tentation du Christ (The Last Temptation of Christ)
1990 : Les Affranchis (Goodfellas)
1991 : Les Nerfs à vif (Cape Fear)
1993 : Le Temps de l’innocence (The Age of Innocence)
1995 : Casino
1997 : Kundun
1999 : À tombeau ouvert (Bringing Out the Dead)
2002 : Gangs of New York
2004 : Aviator (The Aviator)
2006 : Les Infiltrés (The Departed)
2010 : Shutter Island
2011 : Hugo Cabret (Hugo)
2013 : Le Loup de Wall Street (The Wolf of Wall Street)
2016 : Silence
2019 : The Irishman