Silence : la critique du film (2017)

Drale, Epopée spirituelle, Historique | 2h42min
Note de la rédaction :
9/10
9
Silence (2017), affiche du film de Martin Scorsese

  • Réalisateur : Martin Scorsese
  • Acteurs : Liam Neeson, Adam Driver, Andrew Garfield, Tadanobu Asano, Yoshi Oida, Shinya Tsukamoto
  • Date de sortie: 08 Fév 2017
  • Année de production : 2016
  • Nationalité : Américain, Royaume-Uni, Taiwanais, Japonais, Mexicain, Italien
  • Titre original : Silence
  • Titres alternatifs : Silencio (Espagne), Silêncio (Portugal), Shtika (Israël), Vaitiolo (Finlande), Némaság (Hongrie)
  • Scénaristes : Jay Cocks (screenplay by) | Martin Scorsese
  • D'après l'œuvre de : Shûsaku Endô
  • Directeur de la photographie : Rodrigo Prieto
  • Monteur : Thelma Schoonmaker
  • Compositeurs : Kathryn Kluge (score composed by) | Kim Allen Kluge
  • Producteurs : Vittorio Cecchi Gori, Barbara De Fina, Randall Emmett | David Lee, Gastón Pavlovich, Martin Scorsese, Emma Tillinger Koskoff, Irwin Winkler
  • Sociétés de production : SharpSword Films, Cecchi Gori Group Fin.Ma.Vi., Taipei Film Development Company, Ai-Film, CatchPlay, IM Global, Verdi Productions, Waypoint Entertainment, G&K, Sikelia Productions, Fabrica de Cine, The Fyzz Facility
  • Distributeur : Metropolitan Film Export (France) / Paramount Pictures (Etats-Unis)
  • Distributeur reprise :
  • Date de sortie reprise :
  • Editeur vidéo : Metropolitan Video
  • Date de sortie vidéo : 15 Juin 2017 (DVD, Blu-ray)
  • Box-office France / Paris-Périphérie : 334 111 entrées / 116 936 entrées
  • Box-office nord américain / monde : 7 100 177$ / 23 834 809$
  • Budget : 46 000 000$
  • Classification : Tous publics avec avertissement : "Certaines scènes sont susceptibles de heurter la sensibilité du public"
  • Formats : 2.39 : 1 / Couleur (D-Cinema, DCP 4K), Dolby Atmos, Dolby Digital, Dolby Surround 7.1
  • Festivals et récompenses : 1 nomination aux Oscars (Photo)
  • Illustrateur / Création graphique : © Tous droits réservés / All rights reserved
  • Crédits : © 2016 FM Films, LLC Tous droits réservés / All rights reserved
Note des spectateurs :

Silence de Martin Scorsese, réflexion sur la foi fascinante, est surtout une magistrale leçon de cinéma qui apaise dans sa ferveur et épate par son intelligence, au-delà de tout prosélytisme déplacé.

Synopsis :  XVIIème siècle, deux prêtres jésuites se rendent au Japon pour retrouver leur mentor, le père Ferreira, disparu alors qu’il tentait de répandre les enseignements du catholicisme. Au terme d’un dangereux voyage, ils découvrent un pays où le christianisme est décrété illégal et ses fidèles persécutés. Ils devront mener dans la clandestinité cette quête périlleuse qui confrontera leur foi aux pires épreuves.

Silence de Martin Scorsese, visuel VOD

© 2016 FM Films, LLC

Un projet de plus de 20 ans pour Martin Scorsese

Critique : Scorsese met sous Silence ses ambitions commerciales (Les infiltrés, Shutter Island, Hugo Cabret) avec un long métrage de 2h40m à contre-courant de la production américaine contemporaine. Loin de l’élan cool d’un Loup de Wall Street propice aux attentions des sphères jeunes des réseaux sociaux, le cinéaste délivre avec Silence (2017) une œuvre contemplative sur un sujet religieux et austère, peu fédérateur pour la clientèle des multiplexes. L’auteur revient en fait au spirituel de La Dernière tentation du Christ ou de Kundun, délaissant l’action, ici inexistante, malgré la présence -toutefois rare à l’écran- de Liam Neeson au casting. Il entretenait le projet d’une adaptation du roman de Shusaku Endo de 1966 depuis 1991, envisageant tour à tour des acteurs comme Daniel Day-Lewis, Benicio Del Toro et Gael Garcia Bernal, dans les rôles principaux, mais n’a finalement pu trouver les financements et lancer la production qu’en avril 2013. Il n’avait d’ailleurs pas encore achevé le tournage du Loup de Wall Street quand les premiers contrats ont été signés. Il devra néanmoins attendre un an et demi pour achever la course aux financements et démarré le tournage de ce film fleuve à Taiwan, en 2015.

Un traitement rigoureux du sentiment religieux

Malgré sa grande ferveur personnelle, il ne se laisse point aller  aux bons sentiments chrétiens chers aux productions destinées aux apôtres du Tea Party américain, en lieu et place de leçon de catéchisme. Scorsese, le Croyant, mène une profonde réflexion personnelle sur la foi qu’il met en scène au XVIIe siècle, dans un contexte historique insolite pour nous Occidentaux, le Japon médiéval, insoumis face aux efforts de christianisation du Vatican. Le thème est passionnant, nous ramenant aux heures noires d’une conquête du globe par les Européens, en guise de prémices à une forme de mondialisation du culte.

Andrew Garfield dans Silence

© 2016 FM Films, LLC

Silence puise sa force dans l’accomplissement d’une union entre ténèbres et lumières, un big bang né du choc des cultures qui se résistent, des fois qui se contredisent. L’épopée à la poésie biblique pose son combat sur la terre nippone où les nouveaux Chrétiens, fraîchement convertis par les missionnaires du bout du monde, sont humiliés, torturés, jusqu’à la renonciation de leur foi qui passe par l’outrage, le blasphème et le sacrilège de la part du Chrétien qui devra insulter son culte. Le supplice peut être plus élevé pour l’envahisseur catholique, crucifié. Psychologiquement, le prêtre, contraint à se détourner de sa croyance, si, philosophiquement, il en est capable, est conduit à un supplice japonais. En cela réside l’incroyable ressource narrative du film… la rétractation possible du mystique dans ses convictions comme suspense ultime. Cette dynamique sert de sujet métaphysique à un thriller original, où les mots, pensées et décisions sont extrêmement pesés, sur fond d’agonies sacrificielles, qui invitent à une réflexion universelle, peu importe ses convictions personnelles.

Un thriller portant la soumission mentale

Scorsese, visiblement tourmenté par les atrocités commises au nom de la foi dans les années 2010 – massacres de Chrétiens, guerres aux impies, terrorisme… – substitue à notre époque la barbarie de la période impérialiste du Christianisme chez les barbares japonais. A priori, la religion catholique y est dépeinte dans sa bonté et sa générosité… le grand inquisiteur est à trouver du côté du peuple à assouvir par sa croyance, un peuple éclaté en îles et villages où les ténèbres de l’isolement, de l’ignorance, et de la répression font régner un sentiment prégnant de peur.

Las de tout manichéisme, Silence de Martin Scorsese étire la pensée religieuse à son paroxysme, confrontant les dogmes, exposant les contradictions, et surtout faisant montre de la relativité des cultes et cultures qu’il renvoie à l’intimité, à l’individualité, au respect des différences et du pluralisme. Une approche salutaire lors d’une décennie de tous les dangers où l’obscurantisme se réappropriait la raison pour réimposer les hiérarchies des cultes.

Silence de Martin Scorsese, affiche teaser

Affiche teaser © Metropolitan FilmExport © 2016 FM Films, LLC

Un Silence de mort aux Oscars

De ce voyage plus métaphysique qu’ésotérique transparaît un formidable sentiment d’apaisement, où les convictions de chaque spectateur sont préservées, sur fond de cinéma total, celui d’un maître du visuel et de l’art narratif, qui parvient encore à nous surprendre par la puissance cinégénique de ses transes. Les nouvelles recrues que sont Andrew Garfield et Adam Driver épousent la rigueur de son cinéma, avec une fièvre similaire à celle des DiCaprio et De Niro en leurs temps.

Relevant du miracle, Silence a prolongé l’aura du réalisateur de Taxi Driver sur la cinématographie indépendante américaine, nonobstant le désaveu commercial du film aux USA où même les Golden Globes et surtout l’Académie des Oscars le désavoueront, avec une minuscule nomination technique pour ces derniers. Depuis, le pays de l’auteur s’est enferré dans le complotisme, l’obscurantisme et la haine trumpistes. Et Scorsese a réalisé l’un de ses pires films pour la plateforme Netflix. On en reste coi.

Frédéric Mignard

Sorties de la semaine du 8 février 2017

Silence, affiche alternative (Adam Driver, Andrew Garfield)

© Metropolitan FilmExport © 2016 FM Films, LLC

Frédéric Mignard

Box-office :

Sorti aux USA le vendredi 23 décembre 2016 dans l’espoir d’avoir un poids dans la course aux Golden Globes et aux Oscars, Silence ne sera non seulement snobé par ses pairs, mais il sera surtout un vertigineux échec public.

Budgété à plus de 46M$, l’épopée mystique ne comptera que 7M$ de recettes aux USA à l’issue de deux mois d’exploitation. Au plus fort de sa circulation dans les cinémas américains, cette sortie réduite à 4 écrans pour son premier week-end trouvera 1 580 salles lors d’un 5e week-end catastrophique (1 166 000$ pour une moyenne de 738$ par écran). Son circuit perdra en conséquence 1 264 écrans la semaine suivante.

Silence échoue sur tous les marchés

Metropolitan FilmExport pouvait y voir un mauvais présage pour une distribution en février 2017 en France qui avait été posée dans la perspective des Oscars. Le distributeur en charge des  films de Scorsese depuis Hugo Cabret (2011), allait passer des 3 022 000 spectateurs du Loup de Wall Street (2013) à seulement 334 000 entrées pour cette  œuvre effectivement peu commerciale et à la durée probablement repoussoir.

En dehors de ses nombreux documentaires musicaux, Scorsese n’avait pas connu pareil déshonneur depuis La dernière tentation du Christ, en 1988, dont le caractère sulfureux et un attentat mortel dans une salle de cinéma qu Quartier Latin, à Paris, aura probablement éconduit bien des spectateurs (348 000,  1988). Même le mal-aimé Kundun en 1998, sans aucune vedette anglophone, avait achevé sa carrière au-dessus des 537 000  spectateurs, aidé, il est vrai, par une sélection cannoise.

Distribué en première semaine française dans 202 cinémas, Silence a fait illusion en première semaine (163 000 entrées), avant de s’essouffler en deuxième semaine (87 000, – 46%), et carrément désintéresser en 3e semaine (-59%).

A l’issue de sa 8e semaine française, Metropolitan FilmExport ne pouvait compter que sur 967 spectateurs dans 28 cinémas.

La France récoltera au total des recettes de 2 186 000$, soit le 2e meilleur score international derrière le Japon particulièrement concerné par l’histoire du film (4 662 108$).

Biographies +

Martin Scorsese, Liam Neeson, Adam Driver, Andrew Garfield, Tadanobu Asano

Silence (2017), affiche du film de Martin Scorsese

© Metropolitan FilmExport © 2016 FM Films, LLC

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Silence (2017), affiche du film de Martin Scorsese

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