Avec Scream, Wes Craven redonne vie au slasher grâce au script inventif de Kevin Williamson. Au passage, il fait entrer l’horreur dans une nouvelle phase, celle du méta-cinéma, sans négliger les références aux teen movies des années 80.
Synopsis : Casey Becker, une belle adolescente, est seule dans la maison familiale. Elle s’apprête à regarder un film d’horreur, mais le téléphone sonne. Au bout du fil, un serial killer la malmène, et la force à jouer à un jeu terrible : si elle répond mal à ses questions portant sur les films d’horreur, celui-ci tuera son copain…
Sidney Prescott sait qu’elle est l’une des victimes potentielles du tueur de Woodsboro. Celle-ci ne sait plus à qui faire confiance. Entre Billy, son petit ami, sa meilleure amie Tatum et son frère Dewey, ses copains de classe Stuart et Randy, la journaliste arriviste Gale Weathers et son caméraman Kenny qui traînent tout le temps dans les parages et son père toujours absent, qui se cache derrière le masque du tueur ?
Wes Craven adapte un excellent script du jeune Kevin Williamson
Critique : La carrière de Wes Craven est en sérieuse perte de vitesse au début des années 90, suivant en cela le déclin du genre horrifique qui ne parvient aucunement à se renouveler en ces tristes années. Le réalisateur tente bien d’insuffler une réflexion sur le pouvoir du cinéma dans Freddy sort de la nuit (1994), mais en oublie au passage de faire peur et livre un opus décevant sur le plan horrifique.
C’est grâce à la société Dimension Films des frères Weinstein que le cinéaste va retrouver les faveurs du public puisqu’ils lui proposent de mettre en image le script d’un tout jeune auteur nommé Kevin Williamson, sobrement intitulé Scream. D’abord peu attiré par le caractère très sanguinolent de l’histoire, Wes Craven finit par accepter le défi de renouveler un sous-genre désormais passé de mode, à savoir le slasher.
Scream, un slasher post-moderne
Popularisé à la fin des années 70 et au début des années 80 par les sagas d’Halloween et de Vendredi 13, le slasher a donné lieu à des centaines d’imitations plus ou moins réussies, avant d’être évincé par des films davantage centrés sur le fantastique comme Les griffes de la nuit, d’un certain Wes Craven. Toutefois, les producteurs pensent que l’approche de Kevin Williamson peut séduire un jeune public en ce milieu des années 90.
Effectivement, l’auteur déroule une intrigue assez basique où un tueur mystérieux s’en prend à des adolescents, ce qui lui permet de revenir au teen movie classique des années 80. Mais cette fois-ci, il agrémente son pitch de multiples références cinématographiques, mises en abyme et clins d’œil qui font de Scream une œuvre post-moderne proche du cinéma de Quentin Tarantino, alors très tendance.
Wes Craven joue avec son public
Ces notations de méta-cinéma répondent d’ailleurs parfaitement aux questionnements de Wes Craven sur l’impact de la violence graphique sur la jeunesse et vient donc se lover de manière harmonieuse au sein d’une filmographie à la thématique très cohérente. Jamais dans la critique moralisatrice, Wes Craven préfère s’amuser avec son public en créant un gigantesque jeu de piste cinématographique. Il démarre son film par une séquence de meurtre particulièrement impressionnante.
La franchise Scream sur CinéDweller
Durant dix minutes, le réalisateur joue avec les nerfs du public en filmant un jeu du chat et de la souris diablement efficace. Sa caméra très mobile fait preuve d’une parfaite gestion de l’espace et du timing pour faire naître l’angoisse et le suspense. L’idée de sacrifier dès la première scène la jolie Drew Barrymore (à l’époque l’actrice la plus connue du casting) nous renvoie d’ailleurs directement au choc de la mort de Janet Leigh dans Psychose de Hitchcock. La référence est ici patente. La suite du métrage est un peu plus classique, même si Craven dynamite l’ensemble par des notations humoristiques pas toujours heureuses. On le sent en tout cas assez cynique vis-à-vis du genre ayant fait sa renommée.
Une amorce de réflexion sur la violence contemporaine
Il parvient toutefois à rendre iconique son tueur grâce à un masque particulièrement impressionnant et un don d’ubiquité expliqué plus tardivement dans le film. Au passage, le cinéaste montre à quel point la jeunesse américaine des années 90 semble de plus en plus coupée de la réalité, ne vivant plus que par procuration à travers les fictions cinématographiques dont elle est abreuvée. Pas de réel mea culpa de la part du cinéaste, mais une interrogation légitime que l’on sent profonde chez cet artiste, élevé dans le respect strict de la religion.
Il en profite pour commenter également le journalisme spectacle qui se repaît des crimes sordides pour faire de l’argent. Ces thèmes ne doivent toutefois pas masquer l’évident plaisir de Craven à vouloir tourner le slasher ultime. Il fait preuve d’une belle maestria sur la dernière séquence qui dure tout de même une quarantaine de minutes sans que l’on s’ennuie une seconde. Avec ses rebondissements incessants et son humour constant, Scream a assurément renouvelé le genre du slasher, le poussant vers davantage de maturité.
Un casting inégal et parfois un peu trop grimaçant
Par contre, le point faible du métrage demeure le casting parfois peu charismatique. Si Neve Campbell assure plutôt bien en héroïne traquée et traumatisée et si Courteney Cox s’impose sans problème en journaliste arriviste, le cinéaste est moins inspiré avec les rôles masculins, bien plus caricaturaux. Ainsi, David Arquette est un peu faiblard en policier dépassé par les événements, Matthew Lillard est un adolescent un peu trop grimaçant nous évoquant parfois les prestations les plus exubérantes de Jim Carrey, tandis que Jamie Kennedy correspond un peu trop au cliché du geek traditionnel.
Cela étant dit, Scream n’en demeure pas moins une référence ayant connu un succès particulièrement incroyable au vu de la violence du film. Ils ont été tout de même plus de deux millions de spectateurs français à faire le déplacement durant l’été 1997 malgré une lourde interdiction aux moins de seize ans. Aux États-Unis, le film sorti durant l’hiver précédent avait explosé les records en dépassant la barre symbolique des cent millions de dollars de recettes pour une mise initiale de quatorze millions de billets verts.
De quoi faire renaître le sous-genre à travers trois autres suites, mais aussi des déclinaisons comme Souviens-toi… l’été dernier ou encore Urban Legend. Il faudra attendre l’avènement du torture porn au début des années 2000 pour que le slasher retourne dans la confidentialité. En tout cas, Wes Craven peut une fois de plus être fier d’avoir relancé une mode en créant un petit classique instantané auquel nous préférons d’ailleurs sa suite directe.
Critique de Virgile Dumez