Redneck movie qui mêle humour noir et gore, Mother’s Day est typique d’une certaine production horrifique indépendante marquée par des excès graphiques réjouissants. Le discours social et anticapitaliste est d’autant plus percutant malgré la faiblesse des moyens engagés.
Synopsis : Trois copines de fac partent chaque année à l’aventure. Cette année, elles installent leur tente près d’une maison où vivent une mère et ses deux fils simples d’esprit. Or, ceux-ci ont pour habitude de massacrer les promeneurs égarés…
Mother’s Day, un film d’horreur fauché et opportuniste
Critique : Frère cadet de Lloyd Kaufman qui décide de se lancer dans la production cinématographique au milieu des années 70, Charles Kaufman a commencé par œuvrer dans la pornographie. Il a notamment produit Les Nympho Teens (1976) de son frangin, avant de réaliser lui-même Liberté des sens (1977). Après avoir participé à l’écriture et à la production de la comédie adolescente L’école des dragueuses (Lloyd Kaufman, 1979), Charles Kaufman opte pour le film d’horreur de manière clairement opportuniste.
© Charles Kaufman / Jaquette : Koemzo. Tous droits réservés.
Afin d’assurer des rentrées d’argent faciles, Kaufman cherche à tourner un petit film d’horreur pour très peu d’argent (on parle d’un budget de 150 000 $, soit 540 300 $ au cours de 2022), espérant décrocher un succès comme celui de Massacre à la tronçonneuse (Hooper, 1974) ou plus récemment Halloween, La nuit des masques (Carpenter, 1978) et Vendredi 13 (Cunningham, 1980). Tourné en même temps que ce dernier film, Mother’s Day cherche surtout à surfer sur le succès d’œuvres extrêmes comme Délivrance (Boorman, 1972), La colline a des yeux (Craven, 1977) ou bien entendu le film séminal de Tobe Hooper déjà cité.
Une première partie volontairement comique
Toutefois, Charles Kaufman, ancien gagman pour le comique Bob Hope, n’a pu s’empêcher d’insérer de nombreux éléments comiques au cœur du film. Ainsi, la première partie entre clairement dans la catégorie des comédies horrifiques par le jeu outrancier des acteurs et le ridicule de certaines situations. La première séquence renverse ainsi les clichés du genre en faisant d’une vieille dame en apparence inoffensive une harpie qui tend un piège à deux jeunes gens louches. Dès les premières minutes, une décapitation très gore vient alerter le spectateur quant au contenu d’un long-métrage qui ne va cesser de souffler le chaud et le froid.
© Charles Kaufman / Jaquette : Koemzo. Tous droits réservés.
La suite est davantage marquée par la banalité puisque le pitch reprend une structure très classique : trois copines de faculté passent un week-end en pleine nature et vont être la proie d’une famille de maniaques, en l’occurrence deux abrutis congénitaux et dégénérés menés par leur vieille mère. Si le script souffre clairement d’une certaine banalité et d’un manque de suspense, renforcé par la pauvreté des moyens engagés, Mother’s Day n’en demeure pas moins une œuvre valeureuse dans un genre très galvaudé. Ainsi, les trois personnages féminins sont plutôt bien développés et le spectateur apprend à apprécier ces jeunes filles libres et délurées qui souffrent de failles psychologiques béantes. Leur virée en pleine nature n’aura rien de revigorant, mais révélera leur vraie personnalité.
Un redneck movie qui flingue le consumérisme de la société américaine
Face à elles, la famille dégénérée représente des bourreaux affreux et méchants qui se conforment aux clichés des redneck movies alors à la mode aux States. Cependant, on notera la présence d’un discours social souvent absent de ces productions. Ainsi, les bourreaux sont également considérés comme des victimes de la société de consommation américaine. Coupés de toute civilisation, les frangins n’ont qu’une unique référence, à savoir la télévision dont les appareils sont présents dans chaque pièce de la maison. Le décor est aussi constitué d’un bric-à-brac qui tient quasiment de la décharge publique. Cette profusion de décors volontairement miteux et dépareillés sera d’ailleurs par la suite la marque de fabrique de la société Troma, fondée par Lloyd Kaufman et Michael Herz.
A cela, il faut ajouter quelques transgressions bien de leur époque, comme une certaine consanguinité, voire des comportements à la limite de l’inceste. Enfin, l’une des pauvres filles subit un viol particulièrement atroce. Ces séquences, bien que tournées avec peu de moyens, mettent le spectateur mal à l’aise et Mother’s Day est en cela une réussite puisque le film parvient à la fois à faire rire et à déranger. Cela n’empêche pas le cinéaste de réussir quelques belles séquences de suspense et de rendre ensuite la vengeance de deux des copines particulièrement salée. Charles Kaufman renvoie ainsi dos à dos les citadines et les Rednecks qui font preuve d’un sadisme partagé par l’ensemble de l’espèce humaine.
Une ambiance poisseuse plutôt bien maîtrisée
Porté par une bande-son plutôt bonne lorsque Phil Gallo et Clem Vicari Jr. utilisent des synthétiseurs aux sonorités inquiétantes, Mother’s Day pâtit sans aucun doute de la faiblesse de ses moyens, mais ses images parfois floues contribuent aussi à son atmosphère nauséabonde, rappelant à notre mémoire d’autres œuvres fauchées de l’époque.
Interprété avec talent et implication par l’ensemble du casting, on peut toutefois signaler l’excellence du jeu de Béatrice Pons en vieille dame perverse, de Frederick Coffin en fils dégénéré et de Nancy Hendrickson en jeune victime qui va prendre les choses en main de manière particulièrement violente.
© 1980 Charles Kaufman
Mother’s Day sous la coupe de la censure
Assorti par la censure américaine d’un X qui allait lui interdire une exploitation digne de ce nom, Mother’s Day a finalement été distribué par la société UFDC qui avait déjà fait un beau boulot avec le Zombie de Romero. Le film a ainsi été proposé dans plusieurs grandes villes qui ont suffi à rembourser le budget initial, très faible. A l’étranger, la Grande-Bretagne a carrément interdit la diffusion du film sur son territoire durant plusieurs décennies.
En ce qui concerne la France, la comédie horrifique a été présentée hors compétition au Festival d’Avoriaz dès 1981, ne trouvant visiblement pas de distributeur. Elle aurait finalement été diffusée dans quelques cinémas du Nord de la France fin 1983 sous son titre belge de Les chouchous de maman. Pour autant pas de réelle sortie officielle avant sa diffusion en VHS par l’éditeur Scherzo en 1984. Depuis cette époque, le métrage a acquis une réputation de petit film culte, ce qui lui a permis d’être édité de nombreuses fois en vidéo et d’avoir les honneurs d’un remake éponyme en 2010, réalisé par Darren Lynn Bousman, réalisateur de plusieurs Saw, avec Rebecca De Mornay dans le rôle de la mère autoritaire.
Longtemps visible dans une qualité d’image médiocre inhérente à une minuscule production, Mother’s Day a fait l’objet d’un sacré nettoyage de ses photogrammes par le biais de l’informatique. Ce sont ces copies amplement restaurées qui sont désormais exploitées en blu-ray, notamment en France par l’éditeur Rimini.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 5 octobre 1983
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© 1980 Charles Kaufman / Jaquette : Scherzo. Tous droits réservés.
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Nancy Hendrickson, Deborah Luce, Tiana Pierce, Frederick Coffin, Beatrice Pons, Michael McCleery, Charles Kaufman