Les Dix Commandements est l’un des monuments du septième art. Ce chef-d’œuvre épique de l’âge d’or du cinéma est aussi le plus gros succès de l’année 1958 et l’un des vingt plus gros cartons de l’histoire de l’exploitation en France.
Synopsis : Recueilli à sa naissance par la fille d’un pharaon, Moïse grandit comme un prince égyptien. Il n’accèdera pas au trône car son rival Ramsès révèle qu’il n’est qu’un hébreu. Bani, Moïse rejoint un groupe de bergers et reçoit sur le Mont Sinai l’ordre de Dieu de libérer le peuple juif du joug égyptien.
Une œuvre visionnaire issue de l’ambition d’un cinéaste mégalo
Critique : Au début des années 50, Cecil B. DeMille est un septuagénaire ayant débuté à l’époque du muet et comptant pas moins de quatre-vingts réalisations à son actif. En bon mégalomane, il compte pourtant frapper une dernière fois les esprits en tournant selon lui le plus grand film de toute l’histoire du cinéma. Conscient de la dangereuse perte de vitesse des entrées, notamment à cause de la concurrence télévisuelle, le studio Paramount lui accorde des moyens extraordinaires pour mettre en chantier un remake de son propre film Les Dix Commandements (1923), gros succès datant du muet. Commence une période de deux ans durant laquelle le cinéaste supervise tous les préparatifs : de la création des décors jusqu’aux costumes en passant par les repérages en Égypte. Des travaux pharaoniques sont entrepris dans les studios Paramount où sont installés des maquettes au 1/5e, mais aussi un grand réservoir d’eau et des ateliers complets servant à créer un nombre impressionnant de matte paintings – peintures servant à représenter des paysages grandioses. Le tournage s’étale sur deux années avec une première partie en Égypte, relayée par celle en studio, avant d’entamer une très longue post-production liée aux importants effets spéciaux. Finalement, Les Dix Commandements sort sur tous les écrans en 1956 et remporte un succès immédiat malgré sa durée de plus de trois heures et demie.
Des effets spéciaux époustouflants
Le résultat est à la hauteur de l’attente puisque le spectacle proposé est d’une incroyable richesse visuelle et thématique. Ne sacrifiant jamais ses personnages sur l’autel du spectaculaire, DeMille n’oublie pas de développer leur psychologie lors de nombreuses scènes intimistes qui font toute la force de cette œuvre pourtant grandiose. Visuellement inspiré par les gravures de Gustave Doré, DeMille déploie un savoir-faire étonnant, à la limite du kitsch et du pompiérisme. Il signe de nombreuses scènes anthologiques comme l’érection de l’obélisque à la gloire du pharaon, les sept plaies d’Égypte ou encore la séparation en deux de la mer Rouge. Le tout est transcendé par des effets visuels époustouflants pour l’époque – même s’ils ont moins bien vieilli que ceux de Ben-Hur (William Wyler, 1959), et d’ailleurs récompensés de l’Oscar des meilleurs effets spéciaux. Charlton Heston porte sur ses épaules pour la première fois de sa carrière l’intégralité d’une méga-production et s’en sort avec les honneurs : il ne tombe jamais dans l’écueil qui consisterait à multiplier les poses hiératiques. Il est pourtant écrasé par la prestation inspirée d’un Yul Brynner qui semble être né pour incarner le pharaon Ramsès. On notera, dans le rôle de Moïse bébé, le fils même de Charlton, et futur réalisateur de l’adaptation de Stephen King, Le bazaar de l’épouvante, Fraser C. Heston.
Les Dix Commandements parlent aussi non-croyants
Les fines bouches peuvent arguer du fait que la mise en scène de DeMille est trop statique, héritage du muet oblige, ou que l’ensemble sent la prétention à plein nez. Ils n’ont pas tout à fait tort, de même que ceux qui reprochent au film d’être une œuvre de propagande religieuse et même réactionnaire. Pourtant, il faut bien reconnaître que rares sont les métrages qui arrivent à nous passionner et nous émouvoir sur plus de trois heures trente sans jamais nous lasser, au point qu’aucune scène ne paraît superflue. Les Dix Commandements reste aujourd’hui un monument imposant, preuve de la puissance créatrice d’un très grand réalisateur et de la magnificence de l’âge d’or du cinéma hollywoodien.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 17 janvier 1958
© Paramount Pictures – Affiche française d’après un visuel américain de Frank McCarthy