Pathétique à plus d’un titre, Le justicier braque les dealers touche le fond de la médiocrité, mais s’avère être un nanar réjouissant si on le regarde au quinzième degré. Du pur cinéma Cannon, bas du front et fun à la fois.
Synopsis : Paul Kersey vit désormais avec Karen et la fille de celle-ci, Erica. Mais l’adolescente succombe à une overdose. Paul ne tarde pas à identifier et à abattre le dealer responsable. Il est bientôt contacté par un certain Nathan White, qui a vécu un drame identique au sien et lui propose de mettre fin aux agissements des deux gangs qui contrôlent le marché local de la drogue. Il lui offre de financer entièrement cette croisade et lui remet des dossiers sur les revendeurs et leurs chefs. Paul se met aussitôt au travail…
Un quatrième volet destiné à renflouer les caisses de la Cannon
Critique : Le tout premier Justicier dans la ville (Winner, 1974) produit par Dino De Laurentiis cherchait à surfer sur la vague du vigilante movie à la Clint Eastwood en exploitant la violence inhérente à certains quartiers, créant ainsi une ambiance malsaine typique des années 70. Ses suites tardives des années 80 produites par l’inénarrable duo de la Cannon Golan / Globus ne sont quant à elles que de basiques séries B de plus en plus excessives.
Il faut dire que la firme Cannon est en cette année 1987 dans une bien mauvaise passe suite à l’échec financier de plusieurs de leurs productions. Menahem Golan et Yoram Globus se tournent donc vers des valeurs sûres du box-office, dont la fameuse saga du vigilante Paul Kersey. Toutefois, les compères revoient leurs ambitions à la baisse en ne déboursant que 5 millions de dollars pour le budget, ce qui mécontente fortement Michael Winner. Ce dernier abandonne l’idée de revenir derrière la caméra et c’est donc le fidèle collaborateur de Bronson, le vétéran Jack Lee Thompson qui s’y colle. Celui-ci devra gérer la pénurie au mieux. Le fils du cinéaste, Peter Lee-Thompson, sera par ailleurs monteur. Il retrouvait Bronson après Le justicier de minuit, L’enfer de la violence, La loi de Murphy, et retrouvera sa casquette de monteur par la suite sur trois autres métrages avec Bronson.
Un script à la peine
Le justicier braque les dealers s’inscrit pleinement dans la dérive de plus en plus bis de la série, déjà vue dans Le justicier de New York (Winner, 1986). Incapables de renouveler la thématique de la vengeance, les auteurs font preuve d’un cruel manque d’imagination en faisant de Paul Kersey (Charles Bronson en mode automatique) l’homme le plus malchanceux de la planète. Après avoir perdu sa femme et sa fille dans les précédents volets, voici que la fille de sa nouvelle compagne succombe à une overdose. De quoi faire bouillir le sang de ce bon vieux Paul, reparti en croisade afin d’épurer la ville de ses gangsters et autres dealers.
Une actualité personnelle et nationale brûlante
Dans une Amérique rongée par l’explosion phénoménale du crack, drogue du pauvre aux ravages conséquents dans les ghettos, notamment de Los Angeles, Le justicier braque les dealers est donc d’une actualité brûlante, tragiquement brûlante puisque le fils adoptif de l’épouse de Bronson, Jason David McCallum, qu’il a élevé comme son fils pendant 21 ans, décèdera d’une overdose en 1989, un an plus tard. A ce moment-là, le cancer contre lequel Jill Ireland se battait depuis 1984 ne lui laisserait que six mois de plus à vivre. Une double tragédie pour Bronson qui, durant le tournage du Justicier braque les dealers est conscient du combat de son fils adoptif contre la drogue dure.
Retour au script minimaliste
Conscients de la minceur de l’intrigue principale, les auteurs greffent à ce pitch minimal une guerre des gangs dont on se contrefiche royalement, d’autant qu’elle débouche sur un retournement de situation final totalement absurde et qui enterre définitivement toute forme de crédibilité du produit. Entre-temps, on aura eu le droit à un festival de scènes improbables dont une première séquence de rêve hilarante (et voulue comme tel, dans une volonté d’humour noir revendiqué) dans un parking souterrain. On notera également la persistance de dialogues épicés qui ne prennent pas de gants, ni avec les femmes, ni avec les minorités, signe d’une autre époque, décidément bien révolue et noyée aujourd’hui dans une bienséance furieusement ennuyeuse.
Réac assurément, mais drôle également
Malgré la présence derrière la caméra de Jack Lee Thompson, Death wish 4 : The Crackdown n’arrive jamais au niveau de son 10 to Midnight (en France, Le justicier de minuit, pourtant sans rapport avec la série du Justicier) qui voyait Charles Bronson traquer un maniaque sexuel sous la caméra impudique de Thompson. Si ce film était déjà un sommet dans le genre réactionnaire, sa noirceur en faisait une œuvre intéressante.
Avec Le justicier braque les dealers, le spectateur aura encore une belle démonstration de ce que fut l’Amérique reaganienne, avec son lot de répliques réactionnaires, ses personnages maléfiques qui, comme par hasard, font tous partie d’une minorité ethnique et son héros sans peur et sans reproche qui vient faire le ménage dans la maison Amérique.
Attention, acteurs en roue libre !
Tout ceci ne peut définitivement pas être pris au sérieux, même si la réalisation de Jack Lee Thompson est plutôt efficace. Il n’a par contre pas vraiment pris soin de diriger ses acteurs, pour la plupart en roue libre. Alors que George Dickerson et Perry Lopez manquent clairement de charisme et d’incarnation, John P. Ryan signe une prestation hors normes en antagoniste qui roule des yeux et éructe en mode surcharge émotionnelle. Son élimination finale occasionnera également un bel éclat de rire.
Appelez-le désormais Un justicier dans la ville 4 !
Ayant tout juste remboursé son budget sur le territoire américain, Le justicier braque les dealers a sonné le glas de la série jusqu’en 1994 où un improbable Death wish 5 est sorti en catimini sur les écrans américains, glanant à peine 1,5 million de dollars et signant la fin de la carrière de Bronson. En France, le quatrième volet a été un cuisant échec, condamnant le cinquième épisode à rester un inédit vidéo. On notera enfin que ce nouvel échec commercial a entamé encore un peu plus les finances de la société Cannon. Une fois de plus, le quatrième opus a davantage fonctionné en vidéoclub qu’en salle.
Désormais édité en France par Sidonis sous le titre Le justicier dans la ville 4, Le justicier braque les dealers se retrouve sur la même galette bleue que le cinquième épisode (1994), ce qui est l’occasion de découvrir ce dernier opus assez rare.
Critique de Virgile Dumez
Les sorties de la semaine du 23 mars 1988
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